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Affaire Benalla : ce qu'il faut retenir de l'audition du préfet de police de Paris à l'Assemblée nationale

Michel Delpuech a assuré qu'il n'avait pas autorisé Alexandre Benalla à être présent aux côtés des forces de l'ordre lors des manifestations du 1er-Mai.

Article rédigé par franceinfo, Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, répond aux questions des parlementaires sur l'affaire Benalla, le 23 juillet 2018. (JACQUES DEMARTHON / AFP) (JULIEN MATTIA / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Les auditions s'enchaînent dans l'affaire Benalla. Le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, a été entendu lundi 23 juillet après-midi par la commission des lois de l'Assemblée nationale, dotée de pouvoirs d'enquête à ce sujet. 

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Alors que sa position a été très fragilisée lundi matin par Gérard Collomb, entendu dans le même cadre, le haut fonctionnaire a répondu pendant deux heures et demie aux questions des députés, assurant qu'il ne "savai[t] rien"  de la présence d'Alexandre Benalla aux côtés des forces de l'ordre lors des manifestations du 1er-Mai à Paris. Franceinfo résume ce qu'il faut retenir de son audition.

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Il dénonce un "copinage malsain"

Dès son propos liminaire, avant même les questions des députés, le préfet de police de Paris a dénoncé "des dérives personnelles condamnables sur fond de copinage malsain", précisant néanmoins que "la relation quotidienne entre les équipes de l'Elysée et de la préfecture de police est une nécessité". Assurant aussi que "toute institution est perfectible", et regrettant que que cette histoire ait d'importantes répercussions sur la préfecture de police de Paris dont il est le patron, Michel Delpuech a estimé qu'il fallait "avoir la sagesse et la lucidité de réformer" afin qu'une situation similaire ne se reproduise pas.

Il a été mis au courant des faits par l'Elysée

Michel Delpuech a assuré avoir été prévenu par son directeur de cabinet le 2 mai au matin, le lendemain des faits donc, que "circulerait sur les réseaux sociaux une vidéo relatant des violences policières à l'occasion des manifestation du 1er-Mai", sans néanmoins que l'implication d'Alexandre Benalla soit mentionnée. Vers 10h15, le préfet de police reçoit "un appel de Laurent Hottiaux, un collaborateur du président de la République" qui "venait aux nouvelles de l'affaire Benalla". A ce moment-là, Michel Delpuech assure "ne pas comprendre de quoi il parle". Prévenu de l'implication d'Alexandre Benalla dans ladite vidéo lors de ce coup de téléphone, Michel Delpuech la visionne peu après, en compagnie de ses "proches collaborateurs".

Il appelle ensuite le directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur, qui est "déjà informé" et est "en liaison avec l'Elysée sur le sujet". Comme le ministre de l'Intérieur, le préfet de police assure qu'il cesse alors de se préoccuper de cette affaire : "Il était établi pour moi que le sujet Benalla était traité par l'autorité hiérarchique dont il dépendait [l'Elysée]."

Il découvre la présence d'Alexandre Benalla aux côtés des forces de l'ordre le soir du 1er mai

Michel Depluech a expliqué aux députés avoir découvert "avec surprise, étonnement", la présence d'Alexandre Benalla, au soir du 1er mai, dans la salle de commandement de la préfecture de police. Il connaît l'homme depuis la fin de la campagne présidentielle, alors qu'il est "en charge d'une partie de la sécurité dans le staff du candidat" Macron. A l'occasion de la poignée de main du préfet de police et du ministre de l'Intérieur accordée à "tous les agents" présents au soir des manifestations, il interroge l'ex-collaborateur d'Emmanuel Macron, qui lui répond : "J'étais sur le terrain."

Il n'a pas autorisé la présence d'Alexandre Benalla et de Vincent Crase

Une rencontre d'autant plus étonnante que Michel Delpuech n'a pas autorisé la présence d'Alexandre Benalla, ni du gendarme réserviste et salarié de LREM Vincent Crase, sur le terrain ce jour-là. Après avoir pris connaissance des faits reprochés à l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron, le lendemain, Michel Delpuech "lance des investigations internes pour savoir comment M. Benalla s'était retrouvé sur l'opération de la place de la Contrescarpe". Il est en effet usuel que "les demandes [d'observation] qui peuvent paraître sensibles ou pour lesquelles un arbitrage peut paraître nécessaire" remontent au préfet de police.

Or, ici, il n'en est rien. "Je n'ai jamais, je dis jamais, été sollicité par qui que ce soit en ce sens", assure Michel Delpuech. Le préfet de police découvre que c'est Laurent Simonin, chef d’état-major adjoint, qui a, "sans en rendre compte à son directeur [Alain Gibelin], organisé l'accueil de M. Benalla". Ce dernier bénéficie par ailleurs d'une autorisation du cabinet d'Emmanuel Macron. Seul un casque a officiellement été fourni par les services de la préfecture à Alexandre Benalla. "D'autres moyens ont-ils été fournis à mon insu par mes services ?", s'interroge Michel Delpuech, qui renvoie sur ce point aux conclusions de l'enquête lancée par le parquet de Paris.

S'il avait été consulté, Michel Delpuech précise néanmoins qu'il aurait accordé cette autorisation, car Alexandre Benalla était "un collaborateur du président de la République qui travaill[ait] quotidiennement avec [s]es équipes sur les déplacements" d'Emmanuel Macron. "Mais je l'aurais mis en garde sur (...) les graves risques que présentait cette manifestation."

Il a demandé la suspension des policiers ayant transmis une vidéo à Alexandre Benalla

Au lendemain des premières révélations du Monde, le directeur de l'ordre public et de la circulation, un membre de la préfecture de police sous les ordres de Michel Delpuech, informe ce dernier que le commissaire qui a dirigé les opérations de maintien de l'ordre place de la Contrescarpe, à Paris, a remis "à M. Benalla le double des enregistrements de vidéoprotection", avec l'aide de "deux autres fonctionnaires". Michel Delpuech et son collaborateur décident alors de recueillir le "rapport écrit des fonctionnaires" afin de saisir le procureur de ses éléments, en lui demandant de suspendre ces trois policiers, ce qui sera fait. Il saisit par ailleurs l'IGPN, la "police des polices", en plus de la saisie effectuée par Gérard Collomb, sur le comportement de ces fonctionnaires, comme l'y oblige la loi.

Interrogé sur sa réaction tardive, Michel Delpuech a expliqué qu'il n'avait pas saisi l'IGPN après avoir pris connaissances des actes d'Alexandre Benalla car celle-ci "n'est pas compétente pour des personnes qui ne relèvent pas de la police nationale". Quant à l'article 40 du Code de procédure pénale, qui demande la saisie du procureur de la République dès lors que "tout officier public ou fonctionnaire" a acquis "la connaissance d'un crime ou d'un délit", le préfet de police a souligné qu'il n'avait pas été "le premier informé". Et estimé que "ce n'était plus au préfet de prendre cette initiative", une fois "l'affaire prise en main par le niveau hiérarchique pertinent".

Il a autorisé le port d'arme d'Alexandre Benalla

Pourquoi un port d'arme a-t-il été accordé à Alexandre Benalla ? "Il existe deux régimes juridiques : celui qui donne un port d'arme aux personnes exposées à un risque exceptionnel d'atteinte à sa vie, décidé au niveau ministériel ; et celui qui concerne les agents exposés à des risques dans le cadre de leur fonction. C'est dans le cadre de ce deuxième régime que j'ai accordé un permis de port d'arme à Alexandre Benalla (...) le 13 octobre 2017", a expliqué Michel Delpuech, alors que ce dernier avait été refusé par le ministère de l'Intérieur.

Cette autorisation ne concernait que "l'exercice de ses missions" et ne s'applique donc pas aux opérations policières du 1er-Mai, auxquelles Alexandre Benalla a participé lors d'un jour de congé. L'autorisation a par ailleurs été "retirée lorsque que M. Benalla a cessé ses fonctions", a assuré le préfet de police, qui a précisé qu'il ne s'agissait pas d'un port d'arme permanent. Il a expliqué avoir accédé à une requête de l'Elysée, qui s'est faite "sans pression".

Les deux personnes malmenées par Alexandre Benalla n'ont pas porté plainte

Après avoir été interpellés, l'homme et la femme malmenés par celui qui est alors le collaborateur d'Emmanuel Macron ont été conduites au commissariat de police du 18e arrondissement parisien. "Ils avaient déclaré de fausses identités, n'avaient pas de papiers sur eux", mais n'ont fait l'object d'aucune procédure judiciaire, a déclaré le préfet de police. "Au demeurant, sur ce que j'ai vu, on n'avait pas grand-chose à leur reprocher", a par ailleurs estimé Michel Delpuech. Ce dernier, qui a assuré ne pas connaître leur identité, a précisé qu'ils "n'avaient pas porté plainte".

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