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Etats-Unis : ces questions qui se posent sur la sécurité du Capitole après l'intrusion de militants pro-Trump

Les forces de police sont apparues submergées, mercredi, après l'envahissement du siège du Congrès américain par des manifestants qui refusent la victoire de Joe Biden. De quoi susciter des interrogations autour de la sécurité des lieux.

Article rédigé par franceinfo - Julien Nguyen Dang
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Des manifestants pro-Trump affrontent les forces de police du Capitole à Washington (Etats-Unis), le 6 janvier 2021. (JOSEPH PREZIOSO / AFP)

Des images ahurissantes. Le Capitole, le siège du Congrès américain situé à Washington, a été pris d'assaut, mercredi 6 janvier, par des centaines de manifestants pro-Trump alors que se déroulait la séance de certification de la victoire du démocrate Joe Biden à l'élection présidentielle. Ces partisans de l'actuel président américain s'étaient rassemblés auparavant dans la capitale fédérale à l'occasion d'une "Marche pour sauver l'Amérique", durant laquelle Donald Trump avait appelé à "ne jamais concéder la défaite".

Se dirigeant vers le Capitole, ils ont finalement forcé les barrages d'une police apparaissant dépassée, et ont pénétré dans le temple de la démocratie américaine, ce qui a conduit à la mort d'au moins une militante pro-Trump, tuée par un policier, sur place. Un policier est également décédé des suites de ses blessures, jeudi 7 janvier, selon un communiqué de la police. Une situation frappante qui a soulevé de nombreuses questions autour de la sécurité du site, au point que le chef de la police du Capitole, Steven Sund, a présenté sa démission, dans une lettre datée du 7 janvier.

La police du Capitole était-elle suffisamment préparée ?

La sécurité du Congrès américain est assurée, comme l'explique ce site officiel, par la police du Capitole*, qui regroupe 2 300 employés et officiers de police responsables du maintien de l'ordre. "Nous nous entraînons, nous planifions et établissons le budget chaque jour pour qu'une telle chose n'arrive pas, a rapporté au Washington Post* Kim Dine, chef de la police du Capitole de 2012 à 2016. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment cela a pu arriver." 

Car devant les manifestants, les forces de police postées derrière de simples barrières sont apparues "en sous-effectif", selon les mots de la maire du District de Columbia Muriel Bowser à la chaîne MSNBC*, comme le montrent ces images relayées en ligne par la correspondante permanente de France Télévisions aux Etats-Unis.

L'agence Reuters* note, de plus, que la police du Capitole n'est en principe entraînée que pour contenir les manifestants en bas des marches de ce bâtiment plus que centenaire, qui comporte de nombreuses fenêtres et portes. "Une fois [que les forces de police] ont perdu les marches, elles ont perdu les portes et les fenêtres", a observé l'ancien chef de la sécurité du Congrès, interrogé par Reuters. 

De quoi susciter "de graves inquiétudes autour de la sécurité" du Congrès parmi les élus, rapporte un représentant démocrate au HuffPost*. Ces élus promettent de faire la lumière sur le manque de préparation des forces de police. "Nos vies étaient en jeu aujourd'hui", a estimé la représentante du Missouri Cori Bush à MSNBC*. "Il est assez clair qu'un certain nombre de personnes vont perdre leur emploi très, très bientôt", a par ailleurs lancé le représentant de l'Ohio Tim Ryan, cité par Politico*.

Après les affrontements, le chef de la police du Capitole, Steven Sund, a  présenté sa démission, dans une lettre datée du 7 janvier, adressée à ses supérieurs hiérarchiques et rendue publique vendredi 8 janvier par une journaliste de Politico.

Enfin, un officier qui était au service de la sécurité du Congrès américain depuis juillet 2008, Brian D. Sicknick, est mort des suites de ses blessures jeudi 7 janvier. Il avait été blessé au Capitole dans les affrontements avec les militants pro-Trump, a indiqué vendredi 8 janvier un communiqué de la police chargée de la sécurité du Congrès américain.

Pourquoi ne pas avoir fait intervenir la Garde nationale plus tôt ?

C'est un sujet qui fait débat. La Garde nationale, ce corps militaire de réserve mobilisable avec l'accord de l'exécutif, avait été déployée dans la capitale fédérale à l'occasion de la marche en soutien à Donald Trump, sur demande* de la maire Muriel Bowser. Un contingent de 340 gardes non armés avait été appelé à se poster dans plusieurs rues de la capitale fédérale pour assister la police de Washington.

Face à une foule grandissante, le ministère de la Défense a d'abord tardé à répondre aux demandes des autorités de Washington, laissant place à une "confusion", rapporte le média Snopes*. Environ 1 100 réservistes de la garde nationale de Washington, épaulés par des effectifs des Etats voisins de Virginie et du Maryland ainsi que par la police de Washington, ont finalement été mobilisés après l'aval du vice-président Mike Pence, rapporte Forbes*. 

De quoi susciter la polémique, alors qu'en juin 2020, après la mort de l'Afro-américain George Floyd, la Garde nationale avait été mobilisée en masse* par Donald Trump* sur les marches du Lincoln Memorial et dans les rues de Washington face aux manifestants du mouvement Black Lives Matter. "Un exemple de plus de l'hypocrysie de nos forces de sécurité dans leur réaction aux manifestations", a accusé* l'organisation militante après l'assaut du Capitole. 

Des membres de la Garde nationale de Washington se tiennent sur les marches du Lincoln Memorial devant une foule de manifestants rassemblés le 2 juin 2020 après la mort de l'Afro-Américain George Floyd. (WIN MCNAMEE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Les forces de police ont-elles été complaisantes envers les manifestants ?

Une polémique est également née après la diffusion de vidéos suggérant une certaine complaisance de policiers vis-à-vis des manifestants. Sur deux séquences relayées sur les réseaux sociaux, des membres des forces de l'ordre sont accusés d'avoir ouvert les barrières de sécurité face aux manifestants ou d'avoir posé avec les partisans pro-Trump pour des selfies.

Des images qui ont poussé certains élus à réclamer une enquête. "Prendriez-vous un selfie avec un braqueur de banque ?" s'est insurgée ainsi la représentante démocrate de Californie Karen Bass dans le HuffPost*, promettant une enquête, comme ses collègues du Congrès. Pour certains, ces attitudes ambigües de plusieurs policiers illustreraient un "double standard", relatent des commentateurs cités par Forbes*. La police ne traiterait pas de la même manière les populations blanches et les populations afro-américaines. Même si dans le cas présent, une manifestante (en l'occurrence blanche), Ashli Babbitt, a été abattue par un policier dans le Capitole, alors qu'elle tentait de forcer une porte.

L'étonnement est aussi né face au faible nombre d'arrestations : 52 personnes ont été arrêtées alors que plusieurs centaines de manifestants se sont introduits dans le bâtiment. "En tant que noir, on peut être arrêté en marchant", avance au New York Times* Attica Scott, élue du Kentucky, "mais on peut être blanc, s'insurger et s'en tirer simplement", accuse la représentante, sujette par le passé à une arrestation dans son Etat. Ce qu'a d'ailleurs résumé Joe Biden, le président élu, jeudi : "Si ça avait été des militants Black Lives Matter hier, ils auraient été traités très différemment."

"Il n'y avait tout simplement pas assez de personnel pour tout faire", a nuancé un responsable de la sécurité au Washington Post*, même si plusieurs experts cités dans le même article s'étonnent de la stratégie employée par les forces de police face à la foule qui pénétrait dans le bâtiment.

La sécurité de l’investiture de Joe Biden le 20 janvier va-t-elle être renforcée ?

Alors que l'investiture de Joe Biden et de Kamala Harris doit avoir lieu le 20 janvier au Capitole, le président élu s'est dit confiant sur la sécurité de l'événement. "Je ne suis pas inquiet pour ma sûreté, ma sécurité ou pour l'investiture. Je ne suis pas inquiet", a répété Joe Biden face à la presse* après avoir condamné l'envahissement du Capitole.

Interrogée par la chaîne CBS News*, la sénatrice démocrate Amy Klobuchar a révélé que "des révisions majeures" allaient toutefois avoir lieu dans l'organisation de l'investiture afin de garantir son bon déroulement. L'état d'urgence a quant à lui été prolongé* dans la capitale fédérale, et la Garde nationale de Washington mobilisée pour une durée de 30 jours. De quoi assurer la sécurité de l'investiture du duo Biden-Harris, rapporte NBC News*.

Est-ce la première fois qu'ont lieu des événements violents dans le Capitole ?

Si l'ampleur de l'intrusion du Capitole apparaît inédite dans l'histoire récente, plusieurs incidents se sont déjà déroulés au sein du lieu de pouvoir, rappelle USA Today*. En juillet 1998, deux officiers de police du Capitole, Jacob Chestnut et John Gibson, avaient été abattus par un homme qui s'était introduit à l'intérieur du bâtiment. En 1954, des membres du Parti nationaliste portoricain avaient blessé cinq représentants du Congrès en leur tirant dessus. 

Plus récemment, en 2013, une assistante dentaire de 34 ans, Miriam Carey, avait été tuée par le Secret Service – l'organisme chargé entre autres de la protection du président des Etats-Unis. L'incident s'était produit aux abords du Capitole à l'issue d'une course-poursuite débutée à la Maison Blanche. L'Américaine avait heurté un officier de police en tentant un demi-tour à l'entrée du complexe, avant de prendre la fuite. Aucun officier de police n'avait été poursuivi* par la suite, rappelle NBC.

* Les liens signalés renvoient sur des articles en anglais.

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