Accord sur le nucléaire iranien : à quoi doit-on s'attendre après le retrait des États-Unis ?
La décision de Donald Trump de sortir de l'accord sur le nucléaire iranien fait craindre une déstabilisation au Moyen-Orient. Les diplomaties européennes vont tenter de limiter les conséquences économiques de cette décision, en cherchant à signer un nouveau texte.
"L'accord sur le nucléaire iranien n'est pas mort", promet le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, après la décision de Donald Trump de sortir de l'accord sur le nucléaire iranien. Cette décision américaine, actée mardi 8 mai, est pourtant lourde de conséquences. L'accord, signé en 2015 sous Barack Obama, prévoyait un ralentissement de l'enrichissement de matière nucléaire par l'Iran en échange de la levée des sanctions économiques contre la République islamique.
"Nous allons mettre en place le niveau de sanctions économiques le plus élevé possible" contre l'Iran, a affirmé à l'inverse Donald Trump. La décision va avoir des conséquences sur de nombreuses entreprises mondiales, dont certaines françaises, qui avaient profité de la levée des sanctions. La décision pourrait aussi raviver les tensions en Syrie, où la guerre fait rage depuis 2011. A quoi doit-on s'attendre ? Franceinfo revient sur les conséquences de cette décision sur les plans militaire, diplomatique et économique.
>> DIRECT. Nucléaire iranien : "Cet accord n'est pas mort", affirme Jean-Yves Le Drian
Doit-on craindre une escalade des tensions ?
La sortie des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien pourrait donner des ailes aux responsables politiques hostiles à l'Iran. Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, s'est félicité mardi de la décision de Donald Trump de déchirer le document. "Israël soutient pleinement la décision courageuse de rejeter l'accord nucléaire désastreux avec le régime terroriste de Téhéran", a-t-il déclaré quelques minutes après l'annonce de Donald Trump.
Selon Frank Genauzeau, correspondant de France 2 à Jérusalem, "la déclaration de Donald Trump a rajouté un cran" dans la tension qui règne dans la région entre l'Etat hébreu et la République islamique. Tous les regards se portent vers le plateau du Golan, une zone située à l'ouest de la Syrie et accolée à Israël. Occupée par l'Etat hébreu depuis 1967, elle constitue une zone tampon entre les deux pays, mais elle est aussi proche du Liban, d'où proviennent les chiites du Hezbollah, alliés de l'Iran.
Depuis la décision de Donald Trump, le gouvernement israélien adopte un ton martial, se disant "déterminé à arrêter l’agression de l’Iran tant qu’elle est à ses premiers stades, même si cela implique un conflit", selon Libération. Dimanche, peu avant l'annonce, plusieurs médias israéliens ont affirmé que des miliciens chiites, basés en Syrie, "étaient sur le point de tirer de missiles" sur Israël, rapporte Le Figaro (article payant). Mardi soir, l'armée israélienne a mené des frappes "préventives" à Al-Kiswah, au sud de la capitale syrienne, rapporte le quotidien israélien Haaretz (article en anglais).
Mais au-delà des prises de parole agressives, un risque imminent de conflit ouvert est-il envisageable ? Pour Hasni Abidi, directeur du Centre d'études de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam), "l'antagonisme déjà présent sur place risque de devenir un affrontement militaire". Le correspondant de France 2 se montre, lui, plus prudent. "Il y a une montée en tension progressive. Mais ce regain de tension ne date pas d'hier soir", indique-t-il à franceinfo.
Je vois mal une opération massive d'Israël en territoire syrien tant que cela n'aura pas été discuté avec la Russie.
Franck Genauzeaucorrespondant de France 2 à Jérusalem
Le Premier ministre israélien et le président russe, Vladimir Poutine, doivent justement se rencontrer ce mercredi à Moscou.
L'accord peut-il être renégocié ?
La déception est grande pour les Européens. La France, le Royaume-Uni et l'Allemagne avaient en effet signé l'accord de Vienne, et y étaient toujours favorables. "Nous resterons parties" de l'accord, ont-ils déclaré dans un communiqué commun diffusé mardi. "Ne laissez personne démanteler cet accord. C'est l'une des plus belles réussites jamais réalisées de la diplomatie, et nous l'avons construite ensemble", a ainsi exhorté la cheffe de la diplomatie européenne, mardi, en s'adressant aux dirigeants et aux citoyens iraniens.
Selon une source européenne, citée par l'AFP, une réunion de la Commission est prévue la semaine prochaine pour discuter des possibles contre-mesures pour répondre aux sanctions américaines. La décision de Donald Trump est "la pire qui pouvait être prise", a jugé la même source. Londres, Paris et Berlin réfléchissent aussi à préparer un nouvel accord, plus large, portant sur le programme nucléaire de l'Iran après 2025, son programme balistique et "ses activités régionales déstabilisatrices, en particulier en Syrie, en Irak et au Yémen", autant de sujets qui ont motivé le retrait des États-Unis.
Lors de sa visite aux États-Unis, Emmanuel Macron avait précisé les contours d'un nouvel accord. L'objectif serait d'élargir les négociations à ce que réclame Donald Trump : l'arrêt des essais balistiques iraniens et un ralentissement de la prise d'influence du pays dans la région.
Mais le président iranien a tout de suite rejeté cette éventualité. Mardi soir, Téhéran a annoncé vouloir discuter rapidement avec les Européens, les Chinois et les Russes, afin de voir quelles mesures ces derniers souhaitent prendre pour un éventuel maintien de l'ancien accord. Le chemin vers la signature d'un nouveau document semble donc compliqué.
Les entreprises françaises vont-elles devoir quitter l'Iran ?
"Les conséquences pour nous, Français, sont importantes du point de vue économique", a réagi le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, mercredi, sur France Culture. Signé en 2015, l'accord sur le nucléaire iranien permettait aux entreprises françaises de s'implanter dans ce pays en pleine croissance. L'annonce de Donald Trump pourrait donc remettre leurs contrats en cause. En annonçant son retrait, le président américain a en effet menacé de sanctionner toutes les entreprises déjà présentes en Iran, y compris les entreprises étrangères. Il leur a donné trois à six mois pour quitter le pays. Celles qui étaient en négociations pour de nouveaux contrats doivent y renoncer "immédiatement". En cas de désobéissance, la sanction serait lourde : l'accès au marché américain leur serait interdit.
De fait, de nombreuses entreprises françaises, qui se sont implantées en masse dès la fin des sanctions en 2015, seraient obligées de quitter le territoire iranien. Parmi les grands perdants figurerait l'avionneur Airbus, qui a enregistré pour 20,8 milliards de dollars de commandes au prix catalogue, Téhéran cherchant à remplacer sa flotte vieillissante. L'entreprise européenne, dont le siège est situé à Toulouse, a aussi des usines aux États-Unis, ce qui la soumet automatiquement aux sanctions américaines.
Le groupe pétrolier Total a, lui, signé un accord portant sur un investissement de 5 milliards de dollars pour exploiter le gisement offshore de South Pars, situé dans les eaux du golfe Persique. Le projet pourrait être remis en cause. Le constructeur automobile Renault, qui a vendu plus de 160 000 voitures en Iran en 2017, est aussi affecté. Et pour le gouvernement français, ces menaces américaines passent mal.
Il n'est pas acceptable que les États-Unis soient le gendarme économique de la planète.
Bruno Le Maire, ministre de l'Economieà France Culture
"Nous allons tout faire, en lien avec nos entreprises, pour défendre et protéger leurs intérêts et maintenir les effets incitatifs de l'accord. Nous allons traiter avec les États-Unis au niveau de l'Union européenne, pour des raisons politiques, pratiques et juridiques", a ajouté l'Élysée. Pour l'instant, les entreprises semblent avoir anticipé la décision de Donald Trump. L'annonce de la sortie des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien n'a pas affolé les marchés. Mercredi à 16h30, le CAC 40 gagnait même 0,11%, à 5 527 points.
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