Cet article date de plus de cinq ans.

Les Français contre le retour des enfants de jihadistes : "Quel pays a peur de ses enfants ?"

"Ces enfants n'ont rien demandé, ni à naître là-bas ni à être amenés là-bas", dénonce l'avocate Marie Dosé. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Marie Dosé à l'occasion d'une conférence de presse sur les jihadistes français arrêtés en Syrie et en Irak le 26 avril 2018. (THOMAS SAMSON / AFP)

"Les Français ne sont pas informés ou sont mal informés," a regretté Marie Dosé, avocate au barreau de Paris après la publication d'un sondage qui montre que l’opinion française est majoritairement favorable à ce que les jihadistes français restent en Irak et en Syrie, y compris leurs enfants.

Une plainte a été déposée à l’ONU par trois avocats défendant des familles de jihadistes français pour exiger leur retour des enfants qui sont retenus en Syrie. Marie Dosé, spécialiste du droit pénal et droit des étrangers, est l’avocate de plusieurs femmes détenues en Syrie dont elle réclame le retour depuis longtemps, ainsi que des enfants nés là-bas. Pour elle, en refusant le retour de ses enfants, la France "est en train de passer à côté d'une histoire digne de notre pays qui est d'abord le pays des droits de l'Homme".

franceinfo : Combien d'enfants français sont en Syrie ?

Marie Dosé : Les chiffres ne sont pas connus. Ils n'ont jamais été communiqués par les ministères concernés. Nous pensons, à ce jour, qu'il y a plus de 100 enfants français détenus arbitrairement dans des camps du Kurdistan syrien. C'est catastrophique. Il y a 29 enfants - pas des enfants français-  qui sont décédés depuis le 1er novembre 2018 à cause du froid syrien lorsque les familles ont fui le dernier réduit de l'État islamique. Le camp Al Roj est passé de 10 000 à 33 000 détenus, femmes et enfants en moins de deux mois... Les enfants manquent d'eau, de nourriture, de vivres et surtout de soins.70% des enfants ont moins de 6 ans. Certains sont nés sur place. Certains ont quelques mois. Il y a aussi des femmes enceintes qui sont détenues. La plupart des enfants qui me concernent en tout cas ont entre deux ans et six ans.

Pourquoi, selon vous, une grande partie des Français ne veulent pas le retour des enfants des jihadistes ?

Je ne suis absolument pas étonnée. Quelle autre parole qu'une parole anxiogène est portée depuis le début de cette guerre sur cette question des retours ? Il est tout à fait normal que les gens aient peur quand on leur rabâche à longueur de journée que des enfants sont des bombes à retardement. Il y a 80 enfants qui sont déjà rentrés. La prise en charge par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) se passe extrêmement bien, est positive.

Comment cela se passe-t-il précisément ?

Dans les familles d'accueil, il n'y a pas de difficultés. Petit à petit, on arrive à reconstruire les enfants, et les sauver de ce qu'ils ont vu et ce qu'ils ont subi. J'aimerais que la parole portée soit une parole objective pour expliquer que ces retours qui existent, pas grâce à l'État français, mais parce que les femmes ont réussi à fuir, ont payé des passeurs et à un moment donné elles ont réussi à se retrouver en Turquie puis en France, que ces retours se passent bien pour ces enfants. On arrive donc à les sauver. On préfère la petite phrase "bombe à retardement", le discours anxiogène comme toujours, pour surfer sur une émotion.

Les Français ne sont pas informés ou sont mal informés. Quel pays a peur de ses enfants ? Ces enfants n'ont rien demandé, ni à naître là-bas ni à être amenés là-bas (…) J'ai le sentiment qu'on est en train de passer à côté d'une histoire digne de notre pays qui est d'abord le pays des droits de l'Homme. On est dans un État de droit. On ne peut pas traiter des enfants comme autre chose que des victimes de guerre. Ils sont coupables de quoi ?

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.