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Liban : ce que l'on sait des explosions survenues à Beyrouth

Le souffle a été tel, mardi soir, dans la capitale libanaise, que des dégâts ont été constatés à plusieurs kilomètres du port.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Un panache de fumée dans le ciel de Beyrouth (Liban) après une forte détonation dans le secteur du port, le 4 août 2020. (ANWAR AMRO / AFP)

Au moins 137 personnes sont mortes, dont un Français, et 5 000 ont été blessées dans les deux explosions survenues à Beyrouth (Liban), mardi, selon un dernier bilan provisoire du ministère de la Santé libanais, communiqué dans la matinée du jeudi 6 août. Les fortes détonations, qui se sont produites dans la zone du port de la capitale libanaise, sont liées à un stock de nitrate d'ammonium. Elles ont été entendues dans plusieurs secteurs de la ville. Le gouvernement libanais a décrété l'état d'urgence pour deux semaines à Beyrouth, dont la sécurité a été confiée à l'armée.

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Que s'est-il passé ?

En fin d'après-midi, une première explosion a été entendue, suivie d'une autre très puissante qui a provoqué un gigantesque champignon dans le ciel. Des explosions d'une telle force qu'elles ont été enregistrées par les capteurs de l'Institut américain de géophysique comme un séisme de magnitude 3,3. Le souffle a d'ailleurs été ressenti jusqu'à l'île de Chypre, à environ 200 km de là. Les vitres de nombreux immeubles et magasins ont volé en éclats et d'épais nuages de fumée orange s'élèvent au-dessus de la capitale. Presque aucune vitrine des magasins des quartiers de Hamra, Badaro et Hazmieh n'a résisté, pas plus que les vitres des voitures. Des véhicules ont été abandonnés dans les rues, avec leurs airbags gonflés, et les sirènes de la défense civile retentissaient dans toute la ville.

Ahmad M. Yassine était dans sa voiture à Dahyé, dans la banlieue sud de Beyrouth, lorsque l’explosion a eu lieu. "Tout d’un coup, ma voiture a sauté des mètres en avant", raconte-t-il à franceinfo, qui l'a contacté sur les réseaux sociaux. "Il a plu partout des débris de verre venant des maisons et des magasins aux alentours ! C’était horrible, beaucoup de personnes sont blessées et les magasins sont détruits." 

Je n'ai pas vu l'explosion, mais bien évidemment je l'ai sentie et entendue. Au début, on aurait cru à un tremblement de terre. Puis l'explosion a cassé la porte de mon appartement.

Pablo Percelsi, du Comité International de la Croix-Rouge à Beyrouth

à franceinfo

Le secteur du port a été bouclé par les forces de sécurité, qui ne laissent passer que la défense civile, les ambulances et les camions des pompiers. Les journalistes ont été interdits d'accès, a constaté un correspondant de l'AFP. Trois heures après l'explosion, l'incendie n'était toujours pas éteint sur le port et des hélicoptères continuaient de déverser des trombes d'eau pour tenter d'éteindre les flammes. Au lendemain du drame, Beyrouth offrait un spectacle de désolation sans fin. Près de 300 000 personnes sont désormais sans logement. Le centre-ville est en ruine et de nombreux bâtiments menacent de s'effondrer. 

>> Retrouvez le récit des quelques minutes qui ont suffi à balayer Beyrouth

Quelle est la situation humanitaire sur place ?

"C'est une catastrophe dans tous les sens du terme", a déclaré le Premier ministre Hassan Diab, interrogé par plusieurs télévisions alors qu'il visitait un hôpital de la capitale. "Les hôpitaux de la capitale sont tous pleins de blessés", a-t-il souligné, appelant à transporter les autres blessés vers des établissements de la banlieue. De nombreux officiels prévenaient mardi soir que le bilan risquait de s'alourdir, les sauveteurs peinant à progresser dans les amoncellements de gravats qui jonchent les rues.

"Nous assistons à une terrible catastrophe", a déclaré le chef de la Croix-Rouge libanaise, George Kettani, à la chaîne de télévision Al Mayadeen. "Il y a des morts et des blessés partout, dans toutes les rues et dans tous les quartiers, qu'ils soient proches ou éloignés de l'explosion", a-t-il dit.

Les dégâts dans le port de Beyrouth où une explosion a eu lieu le 4 août 2020.  (REUTERS)

Les médias locaux ont diffusé des images de personnes coincées sous des décombres, certaines couvertes de sang. Selon des correspondants de l'AFP, après l'explosion, de nombreux habitants blessés marchaient dans les rues vers des hôpitaux. Une journée de deuil national a été décrétée mercredi, a annoncé le Premier ministre.

Berlin a annoncé que des membres du personnel de l'ambassade d'Allemagne comptaient parmi les blessés. Par ailleurs, un navire de l'ONU a été endommagé et des Casques bleus ont été grièvement blessés, explique dans un communiqué (en anglais) la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul).

Parmi les personnes blessées recensées, on dénombre au moins 24 Français, dont trois blessés graves, précise le Quai d'Orsay. Un architecte français, Jean-Marc Bonfils, fait partie des personnes décédées, a annoncé la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot. Le parquet de Paris a ouvert, mercredi, une enquête pour "blessures involontaires". La France a par ailleurs ouvert une cellule de crise, avec une antenne à Paris et une autre à son ambassade de Beyrouth. Un message a été envoyé à tous les Français présents sur place, voyageurs et expatriés.

Quelle est l'origine du drame ?

Le gouvernement pointe du doigt une cargaison de nitrate d'ammonium stockée "sans mesures de précaution" sur le port. "Il est inadmissible qu'une cargaison de nitrate d'ammonium, estimée à 2 750 tonnes, soit présente depuis six ans dans un entrepôt, sans mesures de précaution. C'est inacceptable et nous ne pouvons pas nous taire", a déclaré le Premier ministre devant le Conseil supérieur de défense, selon des propos rapportés par un porte-parole en conférence de presse.

Le nitrate d'ammonium, qui entre dans la composition de certains engrais mais aussi d'explosifs, est un sel blanc et inodore utilisé comme base de nombreux engrais azotés sous forme de granulés. Il a causé plusieurs accidents industriels, dont l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, en 2001.

Comment s'est-il enflammé ? Les investigations se poursuivent et une commission d'enquête créée par les autorités libanaises devra répondre à cette question, a précisé Charbel Wehbé, ministre des Affaires étrangères libanais, au micro d'Europe 1. Elle a "quatre jours pour donner un rapport détaillé sur les responsabilités". "Le coupable de ce crime de négligence sera puni", a assuré le chef de la diplomatie libanaise.

Quelles sont les réactions au Liban ?

Le président libanais, Michel Aoun, a convoqué mardi une "réunion urgente" du Conseil supérieur de défense, qui a annoncé que Beyrouth était une "ville sinistrée""Une catastrophe majeure s'est abattue sur le Liban", a déploré Michel Aoun à l'ouverture de la réunion.

"Ce qui s'est passé aujourd'hui ne passera pas sans que des comptes soient rendus", avait déclaré un peu plus tôt le Premier ministre Hassan Diab, lors d'une allocution télévisée, en ajoutant que "les responsables de cette catastrophe devront payer le prix". Toutes les forces politiques du Liban doivent s'unir afin de surmonter une "douloureuse catastrophe", a commenté pour sa part le Hezbollah libanais. La colère monte au sein de la population libanaise, abasourdie par le drame. Les Libanais, exaspérés par les défaillances des autorités, demandent des comptes au gouvernement, accusé de corruption et de clientélisme.

>> Pourquoi la destruction du port va avoir des conséquences dramatiques pour le pays

Quelles sont les réactions de la communauté internationale ?

Le Premier ministre libanais a également appelé les "pays amis" à aider le Liban. Les capacités de financement de l'Etat libanais et de la Banque centrale ne permettront pas au pays de faire face aux conséquences des explosions de mardi, a prévenu jeudi 6 août Raoul Nehmé, ministre de l'Economie libanais sur la chaîne de télévision Sky News Arabia. Une aide financière internationale sera indispensable pour reconstruire le pays, en proie à une pénurie alimentaire.

Plusieurs pays, dont la France, ont déjà dépêché des équipes de secouristes et du matériel pour faire face à l'urgence. Deux avions militaires, avec un détachement de la sécurité civile de 55 personnes, 15 tonnes de matériel et 6 tonnes de matériel sanitaire sont ainsi parties de Roissy mercredi en milieu de journée. Et Emmanuel Macron est arrivé jeudi à Beyrouth. Il est le premier chef d'Etat étranger à se rendre sur place. Il doit visiter le lieu de la catastrophe et s'entretenir avec les principaux responsables libanais.

"Nous présentons nos plus sincères condoléances à tous ceux qui ont été touchés, et nous nous tenons prêts à offrir toute l'assistance possible", a déclaré un porte-parole du Département d'Etat américain. "La Russie partage le chagrin du peuple libanais", a déclaré de son côté le président russe, Vladimir Poutine, dans un télégramme de condoléances à son homologue Michel Aoun.

"Nos pensées et prières sont avec le grand et résilient peuple du Liban", a tweeté le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. "Comme toujours, l'Iran est tout à fait disponible pour fournir de l'assistance par tous les moyens nécessaires", a-t-il dit, appelant le Liban à "rester fort". Israël a également proposé de l'aide humanitaire et médicale, par la voix de son ministre de la Défense, Benny Gantz.

>> Panorama des initiatives pour aider les Libanais frappés par cette catastrophe

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