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Vrai ou faux Guerre en Ukraine : comment ne pas se faire berner par les images qui circulent sur les réseaux sociaux ?

Les vidéos et photos de l'invasion russe se multiplient sur les réseaux sociaux. Mais attention : certaines véhiculent de fausses informations. Voici quelques réflexes à adopter pour vérifier la véracité de ces images.

Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Cette photo, partagée sur Twitter, prétend montrer une jeune ukrainienne face à un soldat russe. Il s'agit en réalité d'une photo prise en 2012, montrant Ahed Tamimi, une résistante palestinienne, alors âgée de 12 ans, face à un soldat israélien. (CAPTURE D'ECRAN TWITTER)

Gare à la manipulation. Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par les troupes armées russes, jeudi 24 février, les photos et vidéos du conflit sont rapidement partagées sur les réseaux sociaux. Mais certaines de ces images sont parfois sorties de leur contexte, voire relèvent de la mise en scène à des fins de propagande.

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Pour se prémunir des fausses informations, franceinfo vous livre les principaux réflexes à adopter avant de partager des vidéos ou photos liées à la guerre en Ukraine.

1Lire le texte et les commentaires qui accompagnent ces contenus

Avant de participer à la diffusion d'une information, d'une vidéo ou d'une photo sur les réseaux sociaux, le premier réflexe doit être de lire le texte qui l'accompagne. Un titre peut parfois être mal compris ou volontairement trompeur. Lire l'intégralité du contenu permet donc de mieux évaluer la crédibilité de l'information. 

Bon réflexe également : lire les commentaires. Ils permettent parfois de retrouver la photo ou la vidéo d'origine et certains messages, postés par des personnes présentes au moment où les images ont été capturées, peuvent donner plus de détails sur leur contexte. De plus, du fact-checking réalisé par des internautes adeptes de l'OSINT (Open Source Intelligence) se cache parfois dans les commentaires des contenus trompeurs. Ainsi, cette réponse d'un journaliste américain* à une photo partagée sur Twitter révèle que le cliché, qui montre deux enfants devant des chars ukrainiens, date en réalité de 2016.

Une fois ces premières vérifications effectuées, si vous décidez de diffuser à votre tour la vidéo ou la photo, privilégiez le partage du post original. Pensez également à donner des éléments de contexte, afin que votre message ne soit pas mal interprété.

2 Identifier la source à l'origine des images

La source d'une information est également un bon indice sur sa fiabilité. Si elle n'est pas explicitement mentionnée ou qu'elle est difficilement identifiable, une grande prudence est de mise. En effet, beaucoup de vidéos circulent sur les réseaux sociaux via des agrégateurs de contenu, qui les reprennent et les diffusent à leur compte sans systématiquement les vérifier. Mieux vaut donc faire preuve de méfiance face à ce type de source, surtout si les images sont sensationnalistes.

L'idéal est de se référer à des comptes connus et considérés comme sérieux. Il s'agit par exemple de journalistes spécialisés (à l'instar des grands reporters de France Télévisions qui se trouvent en Ukraine), de dirigeants, de responsables d'institutions, d'experts, etc.

La plupart de ces comptes bénéficient de la certification Twitter (le petit badge bleu présent à côté du nom), censé assurer leur authenticité. Mais cet indicateur ne garantit pas toujours l'exactitude des informations diffusées. Ainsi le média biélorusse NEXTA, qui relaie sur les réseaux sociaux un très grand nombre de photos et de vidéos amateur, a été épinglé fin février pour avoir partagé une fausse une du magazine américain Time

Le site d'information, qui se définit sur Twitter comme "le plus grand média d'Europe de l'Est", bénéficie pourtant de la certification Twitter. Le post trompeur est toujours en ligne, mais NEXTA a publié une rectification en commentaire de son propre tweet.

Prudence également face aux photos et vidéos de la guerre en Ukraine relayées sur les réseaux sociaux par des comptes généralistes, voire de divertissement. "À l'image d'un restaurant qui fait à la fois crêpes, sushis et burgers, la qualité risque de ne pas être au rendez-vous", explique Linh-Lan Dao, de la cellule de vérification Les Révélateurs de FranceTV. Honeyload Media a ainsi partagé sur Twitter* une image d'une enfant s'opposant à un soldat, qui montre en réalité une manifestante palestinienne face à un militaire israélien en 2012. 

3Vérifier la date de diffusion d'un document...

Identifier une source et évaluer sa fiabilité est une bonne première étape, mais cela ne garantit pas que la vidéo ou la photo n'est pas sortie de son contexte. De nombreuses images sont partagées sur les réseaux sociaux avec des légendes faisant croire qu'elles concernent la guerre en Ukraine. Mais elles datent en réalité d'événements antérieurs.

Cas pratique avec cette photo relayée sur Twitter, montrant des Ukrainiens priant à genoux dans la neige. Une rapide recherche d'image inversée sur le site TinyEye permet de voir que la première occurrence de ce cliché remonte à 2019. Bien avant l'invasion russe en Ukraine.

A gauche, un post partagé sur Twitter le 21 février 2022. A doite, la même photo publiée en 2019, retrouvée grâce à une recherche d'image inversée sur TinyEye. (CAPTURES D'ECRAN DE TWITTER ET TINYEYE)

Un bon réflexe à adopter pour vérifier l'authenticité d'une photo ou vidéo est donc de s'assurer qu'elle n'a pas déjà été publiée par le passé. Pour ce faire, il est possible d'effectuer une recherche d'image inversée. Cet outil, disponible sur la plupart des moteurs de recherche, permet de recenser toutes les occurrences d'une image sur le web. Si des photos ou vidéos présentées comme récentes apparaissent dans des résultats datant de plusieurs mois ou plusieurs années, alors leur utilisation est certainement trompeuse.

Il est aussi possible d'installer le plugin InVid sur votre navigateur pour réaliser une recherche d'image inversée, en effectuant un clic droit sur une image trouvée sur les réseaux sociaux. Cet outil de vérification permet également d'analyser des vidéos à partir d'images clés, pour retrouver leurs occurrences antérieures sur le web.

4... et son origine géographique

Certaines photos ou vidéos sont présentées comme prises en Ukraine alors qu'elles concernent des conflits dans d'autres régions du monde. Pour les repérer, il faut traquer plusieurs indices. Identifier la langue parlée ou écrite sur des éléments présents à l'image (comme des panneaux ou des affiches) peut mettre la puce à l'oreille.

Si un lieu est explicitement mentionné dans la légende de l'image ou dans sa géolocalisation, un petit tour sur Google Maps peut permettre de vérifier que l'action se situe bien au lieu indiqué. Attention cependant aux changements de paysage dans le temps, si la photo ou la vidéo a été prise il y a plusieurs années.

Avec ces astuces, on a ainsi pu repérer des vidéos de l'explosion au port de Beyrouth, survenue en août 2020, qui ont circulé sur les réseaux sociaux en étant présentées à tort comme des images de la guerre en Ukraine.

L'explosion au port de Beyrouth, survenue en août 2020, fussement présentée comme un bombardement en Ukraine sur un post Facebook datant du 24 février 2022. (CAPTURE D'ÉCRAN FACEBOOK)

5Se renseigner auprès de cellules de fact-checking

La guerre passe aussi par la communication sur les réseaux sociaux. La Russie y diffuse ainsi des vidéos mises en scène pour justifier son invasion de l'Ukraine. Mais le camp d'en face partage parfois, lui aussi, de fausses informations. Le ministère ukrainien de la Défense a ainsi diffusé sur Twitter, vendredi 25 février, une vidéo censée montrer un avion russe abattu par les forces ukrainiennes. Il s'agit en réalité d'images du jeu vidéo Digital Combat Simulator, comme l'a démontré un journaliste de la BBC*.

Les comptes institutionnels des forces armées sur place ne sont donc pas toujours fiables. Ce tweet du ministère ukrainien est encore en ligne, mais le réseau social signale dans un message d'alerte que "ce média ne correspond pas au contexte", renvoyant vers des articles de vérification de Reuters Fact Check* et AP Fact Check*.

C'est en effet l'une des ressources à avoir en tête en cas de doute sur un contenu : ces dernières années, les agences de presse comme la plupart des grands médias se sont dotés de cellules de vérification d'images. Les photos et vidéos relayées par ces comptes sont systématiquement authentifiées avant d'être publiées. En septembre 2021, France Télévisions a ouvert sa propre cellule de vérification, Les Révélateurs de FranceTV. Vous pouvez les suivre sur Twitter pour vous informer sur les images de la guerre en Ukraine qui circulent sur les réseaux sociaux. 

En résumé, si vous rencontrez une photo, une vidéo ou une affirmation douteuse sur les réseaux sociaux, un bon réflexe est de consulter les sites ou pages Twitter des cellules de fact-checking (AFP Factuel, Checknews, Info ou Intox et, bien sûr, Vrai ou Fake). Un article a peut-être déjà été réalisé sur le sujet. Dans ce cas, vous pouvez partager cet article sur les réseaux sociaux en réponse au post trompeur, afin d'informer les autres internautes.

Si aucune vérification n'a déjà été réalisée, vous pouvez contacter les différentes rédactions et leur soumettre votre question. Pour alerter les journalistes de notre rubrique Vrai ou Fake, n'hésitez pas à leur écrire via le live de franceinfo. Attention, n'oubliez pas de coller le lien du post menant vers la photo ou la vidéo !

* Les liens marqués par des astérisques renvoient vers des contenus en anglais.

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