Guerre en Ukraine : quelles sont les pistes envisagées par l'Union européenne pour renforcer l'arsenal militaire de Kiev ?
"Nous faisons face à la plus importante menace contre notre sécurité depuis la Seconde Guerre mondiale." En amont du sommet organisé à Bruxelles (Belgique), jeudi 21 et vendredi 22 mars, le président du Conseil européen Charles Michel a mis en garde les pays membres de l'Union européenne (UE). Pour trouver une issue au conflit en Ukraine, entré dans sa troisième année, et stopper la menace russe grandissante, les Vingt-Sept réfléchissent à des solutions pour renforcer leur arsenal militaire et d'abord celui de Kiev.
Il est "grand temps que nous prenions des mesures radicales et concrètes pour être prêts en matière de défense", a prévenu le président du Conseil. Franceinfo vous présente les différentes pistes envisagées.
Utiliser les bénéfices générés par les avoirs russes gelés
Lors de ce sommet, les Vingt-Sept doivent discuter d'un plan, présenté mercredi, visant à utiliser les profits exceptionnels générés par le gel des avoirs russes en Europe, peu après l'invasion de l'Ukraine, le 24 février 2022. Ces avoirs, évalués à plus de 200 milliards d'euros dans l'UE, ont généré des revenus que le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a estimés à plus de trois milliards d'euros par an. L'idée est d'en utiliser l'essentiel pour financer des achats d'armes en faveur de Kiev.
La proposition présentée mercredi prévoit que 90% des revenus saisis seront destinés à la Facilité européenne pour la paix, un outil créé en 2021 qui finance des achats d'armes. Les 10% restants seront versés au budget de l'UE pour renforcer les capacités de l'industrie de défense ukrainienne. Toutefois, certains pays européens redoutent les conséquences judiciaires et financières d'une telle saisie.
La Russie, elle, a mis en garde les Européens face aux "dégâts que de telles décisions pourront causer à leur économie, leur image, leur réputation de garants fiables de l'inviolabilité de la propriété". "Les personnes, les Etats, qui seront impliqués dans la prise de telles décisions deviendront naturellement l'objet de poursuites pendant de nombreuses décennies", a averti un porte-parole du Kremlin.
Délaisser les fabricants d'armes américains pour privilégier les fournisseurs européens
L'UE essaie de préparer l'avenir, ses dirigeants s'inquiétant d'une Russie puissante qui, forte d'un succès dans le conflit en Ukraine, ne s'arrêterait pas là. "Si on laisse l'Ukraine perdre cette guerre, alors à coup sûr, la Russie menacera la Moldavie, la Roumanie, la Pologne", a prévenu Emmanuel Macron. Pour répondre à cette éventuelle menace, 14 pays de l'UE (l'Allemagne, la France, l'Italie, la Finlande, la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Suède et les Pays-Bas) ont demandé, dans une lettre commune à la Banque européenne d'investissement (BEI), d'en faire davantage pour financer l'industrie de la défense en Europe.
Ils réclament à la principale institution de financement de l'UE de renforcer ses investissements dans le secteur de la défense. Depuis sa création en 1958, la BEI a investi plus de 1 000 milliards d'euros, mais peu dans le secteur de la défense, privilégiant l'action pour le climat ou l'innovation. Selon les 14 signataires, l'invasion de l'Ukraine oblige à revoir son action et a "provoqué un besoin accru d'investissements dans le secteur de la sécurité et de la défense".
L'Europe doit toutefois trouver un moyen de combler ses manquements en matière de production militaire, puisque selon l'Institut de relations internationales et stratégiques, sur 100 milliards d'euros d'achats d'armements effectués par les Vingt-Sept de 2022 à mi-2023, 63% ont été effectués auprès des Etats-Unis et 13% de Corée du Sud. La Commission européenne souhaite que, d'ici à 2030, "50% des équipements" militaires commandés par les Etats membres soient fournis par l'industrie européenne, a annoncé la vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager. Actuellement, 68% des achats d'armement réalisés dans l'UE au profit de l'Ukraine se font auprès de fabricants américains.
Profiter des initiatives isolées d'entreprises d'armement
Comme le temps presse et que l'aide de plus de 60 milliards de dollars (55 milliards d'euros) promise par les Etats-Unis est toujours bloquée au Congrès à Washington, les pays européens s'organisent face aux besoins urgents de Kiev, qui souffre de ne pas voir arriver le million d'obus promis par l'UE. Pour pallier le manque, la République tchèque s'est mobilisée et a trouvé auprès de différents pays extra-européens des centaines de milliers d'obus disponibles dès maintenant pour l'Ukraine.
A l'intérieur des pays européens, certaines usines tournent également à plein régime. C'est le cas de celle de Thales de Belfast, en Irlande du Nord, où la production de missiles anti-aériens a "doublé en deux ans pour atteindre le niveau le plus élevé que nous ayons jamais connu, et elle doublera encore au cours des deux prochaines années", affirme Alex Cresswell, président de la branche britannique de Thales, à l'AFP.
En France, les Forges de Tarbes (Hautes-Pyrénées) ont annoncé un accord de coopération s'étendant jusqu'en 2026 avec une entreprise ukrainienne pour la fourniture de pièces utilisées dans la fabrication d'obus de 155 mm. L'usine produira, dès 2024, 60 000 ébauchés (c'est-à-dire le corps creux de l'obus, sans l'explosif) pour le compte d'une entreprise publique affiliée à l'industrie de défense ukrainienne. Ce volume atteindra 120 000 pièces en 2026.
Enfin, le fabricant allemand d'armement Rheinmetall a avancé vouloir installer au moins quatre usines d'armement en Ukraine pour produire des obus, des véhicules militaires, de la poudre et des armes de défense anti-aérienne. Le groupe devrait produire 700 000 obus en 2025 et jusqu'à 500 000 en 2024. Avant l'invasion russe de l'Ukraine, il n'en produisait que 70 000 par an.
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