Guerre en Ukraine : on vous explique où en est l'évacuation de l'usine Azovstal, dernière poche de résistance à Marioupol
L'immense site industriel, aujourd'hui ravagé par les combats, abrite toujours des soldats ukrainiens ainsi qu'un grand nombre de civils. Leur évacuation se fait au compte-gouttes, après d'âpres négociations.
Ils ont pu quitter l'enfer des combats pour un futur incertain. A Marioupol, la grande ville du sud-est de l'Ukraine transformée en champ de ruines, une centaine de civils ont pu sortir sans heurts, dimanche 1er mai, de l'usine Azovstal, dernière poche de résistance ukrainienne de ce port stratégique du Donbass presque entièrement sous contrôle russe. Ces évacuations sont une première pour les soldats et les civils ukrainiens, réfugiés dans ce vaste site sidérurgique, assiégé et pilonné par l'armée russe depuis de longues semaines. Alors que Kiev peine à négocier un corridor humanitaire pérenne, franceinfo fait le point sur la situation.
>> Retrouvez les dernières informations sur la guerre en Ukraine dans notre direct
Une première évacuation après d'intenses négociations
Les pourparlers entre le gouvernement ukrainien et le régime de Vladimir Poutine commencent à porter leurs fruits. Ce dimanche a en effet vu "plus de 100 civils, dont des femmes et des enfants, fuir les hostilités", a annoncé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lors de son adresse vidéo quotidienne sur Facebook (document sous-titré en anglais). Une délivrance qui intervient après de multiples tentatives avortées, les forces russes n'étant pas tombées d'accord jusque-là avec l'ONU et les autorités ukrainiennes.
"Il n'y a pas un seul jour où nous n'avons pas tenté de trouver une solution pour nos concitoyens", a assuré le président Zelensky, qui a précisé que les civils évacués du complexe d'Azovstal se dirigeaient vers la partie du pays sous contrôle ukrainien. Ils étaient attendus lundi à Zaporijia, grande ville située à 200 km à l'ouest de Marioupol.
Our team is currently participating in an ongoing operation to facilitate the safe passage of civilians out of the Azovstal plant & Mariupol towards Zaporizhzhia.
— ICRC (@ICRC) May 1, 2022
This complex operation is conducted in coordination with the parties to the conflict & the @UN. pic.twitter.com/chIRndk0E0
Des représentants de l'ONU et des équipes de la Croix-Rouge, qui ont pris en charge les civils sortis du complexe industriel dimanche, se trouvent toujours sur place et espèrent "pouvoir réitérer ce type d'opération dès que possible", expliquait lundi à franceinfo un responsable de la Croix-Rouge à Kiev. L'ONG, tout comme l'ONU, veut rester extrêmement prudente et ne communique pas plus de détails sur l'évacuation, de peur de "mettre en danger les civils" ainsi que les convois humanitaires. Aucune nouvelle vague d'évacuation n'a pour l'heure été annoncée.
Environ 2 000 combattants ukrainiens retranchés dans l'usine
L'énorme complexe sidérurgique d'Azovstal, qui s'étend sur 12 kilomètres carrés, a vu se replier des centaines de soldats du camp ukrainien à mesure que l'armée russe et les séparatistes prorusses resserraient leur étau sur la ville portuaire de Marioupol. Kiev et Moscou s'accordent à dire qu'environ 2 000 combattants sont encore retranchés dans ces installations, dont le réseau de tunnels permet d'organiser des embuscades et de repousser ainsi l'adversaire.
Parmi ces soldats, figure une majorité de membres du bataillon Azov, ce groupe militaire controversé qui tire son nom de la mer d'Azov et qui est rattaché aux forces armées ukrainiennes depuis 2014. Après avoir tenté de contrer l'invasion russe, des membres de la 36e brigade de fusiliers marins se sont également repliés sur le site.
La Russie affirme en outre que des "mercenaires étrangers" seraient également terrés dans l'usine, et a plusieurs fois accusé les combattants assiégés (en anglais) d'utiliser les civils présents comme "boucliers humains" – ce que Kiev a systématiquement démenti. L'armée russe continue par ailleurs d'inviter les combattants à déposer leurs armes afin de pouvoir quitter le site en vie. Une garantie jugée insuffisante par les soldats ukrainiens, qui survivent en rationnant eau et nourriture.
Des centaines de civils toujours réfugiés dans les souterrains
Outre ces éléments militaires, le site industriel d'Azovstal a également vu affluer début mars des habitants de Marioupol fuyant les bombardements à répétition de l'armée russe. La grande ville portuaire était peuplée d'un demi-million d'habitants avant la guerre. Il y resterait encore entre 100 000 et 120 000 personnes, selon les autorités ukrainiennes. Le camp ukrainien affirme également qu'au moins 20 000 personnes y seraient mortes, depuis le début du siège russe début mars, et que 90% des habitations de la ville auraient été détruites par les bombardements – un chiffre qui n'a pas encore été vérifié de manière indépendante.
Combien de civils sont encore réfugiés dans ce complexe sidérurgique ? Difficile de le dire avec certitude. Il y a quelques jours, Kiev déclarait qu'un millier de personnes étaient cachées dans les entrailles de l'usine. Un chiffre confirmé par Sergueï Olov, le maire de Marioupol, au micro de BFMTV jeudi. Pour échapper aux frappes russes, civils et soldats vivent sous terre et peuvent se déplacer dans les kilomètres de tunnels de l'usine, comme l'a rapporté la RTBF. Sur place, les conditions de vie sont décrites comme "vraiment dures" par les Ukrainiens parvenus à quitter le complexe.
Malgré l'évacuation organisée dimanche, l'incertitude plane sur le sort des Ukrainiens terrés dans l'usine. L'hypothèse d'un retrait de l'armée russe paraît de plus en plus compromise. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a en effet affirmé dimanche que les soldats russes "n'ajuster[aie]nt pas artificiellement leurs actions" à la date du 9 mai, jour de la reddition des nazis face aux Alliés en 1945 – qui est généralement célébré en grande pompe par le Kremlin. Surtout, la prise de contrôle totale de Marioupol permettrait à la Russie de disposer de tous les grands ports de la mer d'Azov, situés entre la Russie et la péninsule de Crimée, qu'elle avait annexée en 2014.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.