Guerre en Ukraine : ces magistrats qui collectent des preuves du "crime d'agression" de la Russie en vue d'un procès international
Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine et son entourage proche, civil et militaire, seront-ils un jour jugés pour leurs crimes ? A La Haye, aux Pays-Bas, les enquêteurs de la Cour pénale internationale qui travaillent sur l'Ukraine occupent tout un étage d'Eurojust, l’agence européenne pour la coopération en matière de justice. Ce sont des procureurs détachés par des capitales européennes, auxquels s’est jointe une magistrate américaine. Tous travaillent main dans la main depuis deux ans avec leurs homologues ukrainiens présents sur place et la Cour pénale internationale.
Une collaboration internationale, qui a pour but de collecter, d'analyser et de classer les centaines de milliers de preuves de crimes collectées depuis le début de la guerre : des photos, postées parfois sur les réseaux sociaux par les soldats russes eux-mêmes, des images satellites d’immeubles éventrés, des vidéos, ou des enregistrements de conversations téléphoniques. Ces éléments s'ajoutent aux auditions et aux preuves apportées par des victimes et les témoins des tueries, viols, enlèvements attribuées aux militaires russes, ainsi qu'aux témoignages recueillis en Ukraine mais aussi partout en Europe auprès de réfugiés.
Un futur procès contre Vladimir Poutine et ses proches ?
Une collecte inédite par son ampleur, mais surtout parce qu'elle est effectuée en temps de guerre. Tout est par ailleurs numérisé, ce qui permettra de croiser des preuves, comme par exemple le témoignage d'une victime des massacres de Boutcha avec des images récupérées sur les réseaux. Tout est traduit, à la fois en anglais et en ukrainien, par ce "Parquet international" baptisé Centre international pour la poursuite de crime d’agression (ICPA). Toutes les preuves sont stockées sur un serveur ultrasécurisé, en vue d'un futur procès, dont la forme reste à définir.
Si la Cour pénale internationale n'a pas la compétence pour poursuivre la Russie pour crime d’agression, elle peut poursuivre Vladimir Poutine ou bien des militaires russes pour "crime de guerre" ou "crime contre l’humanité". Un mandat d'arrêt a déjà été déposé en mars 2023 contre le président russe pour la déportation d'enfants ukrainiens. Pour frapper le régime russe et les donneurs d'ordre, il faut donc pouvoir utiliser cette notion de "crime contre l'humanité" et donc disposer d'éléments tangibles, sur lequel le droit peut s'appuyer.
Alors pour combler cette faille dans le droit international, il faut s'accorder sur un tribunal spécial, dont les contours juridiques sont à élaborer. Sera-t-il en Ukraine ? Sur un terrain neutre ? Adossé à l'ONU ? En attendant, cette collecte massive de preuves est la première tentative depuis l’époque des tribunaux pour crime de guerre nazis, de monter un dossier contre de hauts dirigeants pour ce crime d’agression.
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