Centrale de Zaporijjia : "On ne pourra pas avoir" les mêmes dégâts qu'à Tchernobyl, mais le risque d'une catastrophe nucléaire "augmente" selon un expert
Pour les autorités, la priorité est de "démilitariser la zone" autour de la centrale, et de permettre aux salariés de "travailler dans de bonnes conditions, avec des équipements fonctionnels."
"On ne pourra pas avoir" les mêmes dégâts à Zaporijjia qu'à Tchernobyl "parce que ce ne sont pas du tout les mêmes réacteurs", mais "plus le temps passe, plus le risque" qu'une catastrophe nucléaire "se réalise augmente", a déclaré vendredi 12 août sur franceinfo Bruno Chareyron, directeur du laboratoire du CRIIRAD (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité). La centrale de Zaporijia, en Ukraine, est en effet à nouveau la cible de frappes ces derniers jours.
franceinfo : Ces nouveaux bombardements sur la centrale de Zaporijjia vous inquiètent-ils ?
Bruno Chareyron : Bien sûr. On est tous inquiets depuis les premières frappes sur Zaporijjia en mars. Celles de ces derniers jours ont atteint une ligne à haute tension, et plus on dégrade les moyens, plus le risque de ne plus avoir d'électricité pour refroidir la centrale augmente. Elles ont aussi touché la caserne de pompiers, donc la capacité de réagir à un risque d'incendie diminue. Certaines de ces frappes ont également abîmé un système qui permet de traiter les effluents radioactifs, ce qui augmente les risques de fuite d'hydrogène. Cette situation augmente donc très fortement le risque de rejets radioactifs, voire de catastrophe nucléaire.
Quelle est la priorité sur le site, selon vous ?
La priorité est de démilitariser la zone, et de faire en sorte que les salariés puissent travailler dans de bonnes conditions, avec des équipements fonctionnels. L'accès aux mesures en temps réel est aussi évidemment très important, pour pouvoir alerter ou réagir en cas de fuite radioactive voire pire.
Les éventuels dégâts dans la centrale de Zaporijjia pourraient-ils conduire à une situation similaire à celle de Tchernobyl ?
On ne pourra pas avoir la même chose qu'à Tchernobyl, parce que ce ne sont pas du tout les mêmes réacteurs : il y a des enceintes de confinement, donc technologiquement c'est a priori plus sûr. Mais Fukushima nous l'a montré : même avec une technologie plus sûre, on peut rencontrer des conditions qui conduisent à la catastrophe. Donc oui, elle est possible. Et plus le temps passe, plus le risque qu'elle se réalise augmente.
Que peut-on faire dans ces conditions ?
Plusieurs réacteurs sont déjà stoppés, deux seulement semblent fonctionnels. Mais ça ne résout pas tout, parce que même sur un réacteur à l'arrêt, il faut en permanence refroidir son coeur et la piscine de combustibles irradiés. Donc il faut avoir accès en permanence à de l'électricité et à de l'eau, mais cela nécessite des équipements fonctionnels et du personnel formé et capable d'agir.
La situation autour des autres centrales nucléaires ukrainiennes est-elle plus calme ?
Oui, parce que l'Agence internationale de l'énergie atomique a pu effectuer des inspections. Le cas particulier de Zaporijjia, c'est que depuis l'occupation russe, il n'y a pas eu de contrôle particulier par l'AIEA.
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