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"Méga-bassines" : manifestants et gendarmes blessés, tirs de mortiers, véhicules incendiés... Que s'est-il passé samedi à Sainte-Soline ?

Près de 30 000 manifestants se sont rassemblés dans les Deux-Sèvres pour protester contre la construction d'une réserve d'eau artificielle. Le rassemblement a été le théâtre d'affrontements.
Article rédigé par franceinfo
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Des gendarmes mobiles lors du rassemblement contre les "méga-bassines" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 25 mars 2023. (ESTELLE RUIZ / HANS LUCAS / AFP)

Le nouveau rassemblement contre les "méga-bassines", prévu du vendredi 24 mars au dimanche 26 mars, promettait d'être une démonstration de force de la part des militants écologistes. La mobilisation a été au rendez-vous : les manifestations de samedi contre la construction d'une réserve d'eau à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) ont réuni, selon les organisateurs, près de 30 000 participants.

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Plusieurs affrontements ont éclaté durant le rassemblement, faisant des dizaines de blessés parmi les manifestants et les forces de l'ordre. Franceinfo vous résume ce qu'il faut retenir de cette journée de protestations.

Un projet critiqué par les associations environnementales

Cinq mois après leur dernière mobilisation, le collectif Bassines non merci, le mouvement écologiste Les Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne ont entrepris de relancer la contestation contre un projet controversé de création de "bassine d'eau" dans les Deux-Sèvres.

Sainte-Soline, lieu où convergent les manifestations, fait en effet partie d'un ensemble de 16 retenues, d'une capacité totale d'environ six millions de mètres cubes, qui doivent voir le jour dans le cadre d'un projet porté depuis 2018 par une coopérative de 450 agriculteurs, et soutenu par l'Etat. Cette installation vise à stocker de l'eau puisée dans les nappes phréatiques superficielles en hiver, afin d'irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient.

Les opposants au projet dénoncent de leur côté un "accaparement" de l'eau par "l'agro-industrie" inacceptable à l'heure du changement climatique. Ils réclament notamment un moratoire sur leurs constructions pour lancer "un vrai projet de territoire" sur le "partage de l'eau".

Une manifestation interdite

La manifestation de ce week-end avait été interdite par la préfecture des Deux-Sèvres en raison "des antécédents de graves troubles à l'ordre public constatés à l'occasion des précédentes manifestations ayant entraîné des actes violents à l'encontre des forces de l'ordre et les actes de sabotage sur les installations agricoles".

Le ministère de l'Intérieur a décidé de mobiliser 3 200 gendarmes et policiers pour encadrer le rassemblement, soit près du double des effectifs déployés lors de la manifestation d'octobre dernier. "On est dans la démesure totale, avec le déploiement de la garde républicaine, de 8 hélicoptères, de motos et de quads", cingle Jean-Jacques Guillet, porte-parole du collectif Bassine non merci.  

Un rassemblement émaillé d'affrontements

Des affrontements violents entre manifestants et forces de l'ordre ont rapidement éclaté à proximité de la réserve d'eau contestée de Sainte-Soline, samedi. Les manifestants ont fait usage de mortiers et d'explosifs contre les forces de l'ordre, a précisé la gendarmerie nationale. Plusieurs véhicules de la gendarmerie ont été incendiés. "Personne ne devrait tolérer cela. Soutien total à nos forces de l'ordre", a réagi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur Twitter.

Des manifestants se sont également attaqués à l'une des vannes du futur projet de bassine. Ils ont réussi à percer légèrement l'acier à l'aide d'une meuleuse, a constaté un journaliste de franceinfo.

Dans un communiqué publié dans l'après-midi, le mouvement écologiste Les Soulèvements de la Terre a reproché à la police d'avoir retardé la prise en charge des manifestants blessés "en bloquant le Samu à Sainte-Soline". "Les personnes qui venaient soigner les blessés recevaient des grenades" de la part des forces de l'ordre, affirme par ailleurs Jean-Jacques Guillet. Dans un point de situation effectué depuis le ministère de l'Intérieur en fin d'après-midi samedi, Gerald Darmanin a renvoyé ce reproche aux manifestants, qui auraient selon lui entravé le travail des secours et des gendarmes qui cherchaient à évacuer les blessés.

Les secours ont pris en charge sept manifestants blessés, dont trois traités en urgence absolue et hospitalisés. Selon un bilan actualisé par le parquet dimanche en fin d'après-midi, deux gendarmes blessés grièvement "sont désormais en urgence relative". Au total, 47 militaires et sept manifestants ont été pris en charge par les secours. Deux journalistes ont également été touchés. 

Plus tôt dans la journée, le ministre de l'Intérieur faisait état d'un bilan "très lourd" : "24 gendarmes blessés, 23 en urgence relative, 1 en urgence absolue. Côté manifestants, 7 blessés, dont 1 en urgence absolue". De leur côté, dans un communiqué publié en fin de journée sur la messagerie Telegram, les organisateurs avaient déploré "pas moins de 200 blessés", dont "une quarantaine de personnes avec plaies profondes" causées par "des grenades de désencerclement et des tirs de LBD".

Une enquête ouverte concernant les blessures graves de trois manifestants

Le pronostic vital est engagé pour un des manifestants blessés lors des violents affrontements, a confirmé dimanche le parquet de Niort.

Une enquête a été ouverte "pour déterminer la nature exacte" des blessures graves de trois manifestants au total et "les circonstances dans lesquelles" ces personnes ont été blessées, a précisé le procureur Julien Wattebled dans un communiqué de presse. Les organisateurs de la manifestation affirmaient depuis samedi que l'une d'elles était entre la vie et la mort.

Une classe politique divisée sur la condamnation des violences

L'opposition et la majorité ont affiché des positions différentes sur les violences constatées durant les manifestations. "Assez de violences policières à Sainte-Soline ! Assez ! Sans les BRAV-M, sans ce cirque, il ne se passerait absolument rien d'autre qu'une marche dans les champs !", a réagi Jean-Luc Mélenchon sur Twitter. Sur le même réseau social, Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV, a écrit que "les policiers en quad [les] avaient pris pour cible avec des grenades/lacrymo", alors qu'elle et les élus présents ne représentaient "aucune menace".

Au contraire, les élus de la majorité s'attachent à condamner les violences perpétrées envers les forces de l'ordre. "Il ne s'agit en rien de manifestation ou d'écologie. Ce sont des voyous, des casseurs qui sont là pour "tuer du flic". "Total soutien aux FDO, policiers et gendarmes. On doit tous condamner cette violence d'extrême gauche", a dénoncé Eric Poulliat, député Renaissance de la 6e circonscription de Gironde.

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