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"Les forces de l'ordre seront débordées" : dans les Deux-Sèvres, les manifestants contre les "méga-bassines" veulent remettre la pression

Une nouvelle grande manifestation est prévue ce week-end à Sainte-Soline pour protester contre ces réserves d'eau de substitution défendues par les agriculteurs.
Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des gendarmes mobiles sur le site de la "méga-bassine" de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 29 octobre 2022. (PASCAL LACHENAUD / AFP)

Entre 15 000 et 30 000 personnes. C'est le nombre de manifestants espéré par les organisateurs de la nouvelle mobilisation contre les "méga-bassines", prévue du vendredi 24 au dimanche 26 mars dans les Deux-Sèvres. Malgré l'interdiction de ce rassemblement, le collectif Bassines non merci, le mouvement écologiste Les Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne visent une nouvelle démonstration de force, cinq mois après la dernière protestation qui avait donné lieu à des affrontements avec les forces de l'ordre.

Un "camp de base" a été installé vendredi dans un champ privé à Vanzay, avec l'accord du propriétaire. "L'objectif est clair : obtenir la suspension des travaux de nouvelles 'méga-bassines' et la réouverture d'un dialogue local et national sur l'eau", explique à franceinfo Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne.

>> REPORTAGE. Dans les Deux-Sèvres, face à la sécheresse, stocker de l'eau dans des "méga-bassines" ne coule pas de source

Dans le viseur des manifestants, le projet porté par la Coop de l'eau 79. Cette société privée, qui regroupe 450 agriculteurs, veut construire dans le département seize retenues de substitution pour stocker l'eau puisée dans les nappes phréatiques l'hiver, afin d'assurer l'irrigation l'été.

Pour leurs promoteurs, ces réserves sont un outil pour s'adapter au réchauffement climatique. Leurs détracteurs y voient, eux, un accaparement de l'eau par l'agriculture conventionnelle. Soutenu par l'Etat et par le syndicat agricole majoritaire FNSEA, ce projet bénéficie d'importants financements publics. Une première retenue est en service à Mauzé-sur-le-Mignon, et une autre est en chantier à Sainte-Soline.

Une manifestation interdite par la préfecture

C'est vers ces deux communes que doivent converger les manifestants samedi, temps fort d'un week-end ponctué de festivités et de tables rondes. "Il y a toujours l'envie de visualiser l'objet de la lutte. Nous allons nous approcher des bassines et, si on peut rentrer dedans, on rentrera dedans", confirme Nicolas Girod. "Les forces de l'ordre seront débordées", a promis à l'AFP Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci. À l'automne 2022, les manifestants avaient réussi à investir la bassine de Sainte-Soline et des canalisations avaient été sabotées.

>> VIDEO. Qui est Julien Le Guet, la figure du mouvement anti-bassine ?

Pour tenter de les en empêcher, la préfecture, qui attend entre 7 000 et 10 000 manifestants, a pris des mesures très strictes. La manifestation est interdite, en raison "des antécédents de graves troubles à l'ordre public constatés à l'occasion des précédentes manifestations ayant entraîné des actes violents à l'encontre des forces de l'ordre et des actes de sabotage sur les installations agricoles".

Placé en garde à vue la semaine dernière dans le cadre de l'enquête sur les violences survenues lors de la manifestation d'octobre, Julien Le Guet a interdiction de se rendre à Sainte-Soline et Mauzé-sur-le-Mignon. "M'interdire de séjour parce qu'il y a des bassines sur une commune, c'est quand même une conception des libertés fondamentales et de l'aménagement du territoire très particulière", a-t-il grincé au micro de France Bleu Poitou, en promettant qu'il s'approcherait "au plus près de Sainte-Soline".

"Plus ils interdisent, plus ils entraînent des violences"

Ces mesures ne font qu'attiser les tensions, dénonce Nicolas Girod. "Je l'ai dit au ministre de l'Agriculture. Plus ils interdisent, moins ils nous donnent de possibilités pour rendre cette lutte visible, plus ils vont tendre le contexte local et entraîner des violences", développe-t-il, en dénonçant un "dialogue à la matraque des CRS". "Ça va être un bordel monstre à Sainte-Soline", redoute d'ailleurs un conseiller ministériel.

Le représentant de la Confédération paysanne compte également sur le contexte social, avec le mouvement contre la réforme des retraites. "Ces deux causes se rejoignent, estime-t-il. Si on a des salariés et des retraités renforcés sur une planète qui se meurt, on n'aura rien gagné du tout".

Dans le camp d'en face, Thierry Boudaud, président de la Coop de l'eau, ne cache pas son inquiétude. "On appelle au calme plus que jamais", confie-t-il à franceinfo, inquiet face à une manifestation "de plus en plus annoncée comme une volonté d'avoir un trophée, faire des symboles, dégrader une retenue d'eau". Des messages ont été passés aux agriculteurs pour éviter toute confrontation avec les manifestants.

Des premières escarmouches ont déjà eu lieu. Les bâches d'une "bassine" ont été lacérées mercredi dans la commune des Gours (Charente), limitrophe des Deux-Sèvres. Le même jour, à La Laigne (Charente-Maritime), des agriculteurs se sont attaqués à la maison du vice-président de France Nature environnement 17, Patrick Picaud. "Sa propriété a été saccagée, taguée d'insultes homophobes et des portraits de lui ont été affichés", dénonce l'association. Une plainte a été déposée.

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