Soulèvements de la Terre : ce qu'il faut savoir sur le recours contre la dissolution du collectif, examiné mardi par la justice

Le Conseil d'Etat doit examiner, mardi après-midi, un référé demandant la suspension rapide de la dissolution du collectif.
Article rédigé par franceinfo
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Basile Dutertre, l'une des voix du collectif écologiste des Soulèvements de la Terre, s'exprime lors de l'événement "Les Résistantes" sur le plateau du Larzac, le 4 août 2023, à La Couvertoirade (Aveyron). (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

La justice va-t-elle confirmer la dissolution des Soulèvements de la Terre (SLT) ? Le Conseil d'Etat examine, mardi 8 août, un référé du collectif écologiste demandant la suspension de cette décision, prononcée en Conseil des ministres le 21 juin. "Cette bataille juridique, on va en vivre la première étape mardi (...) : ce sera l'examen d'un référé-suspension, une procédure d'urgence qui demande à ce que la mise en application du décret soit immédiatement suspendue", a expliqué Basile Dutertre, qui se présente comme l'une des voix des Soulèvements de la Terre, vendredi 4 août. A l'issue de l'audience, l'un des juges a déclaré que le Conseil d'Etat rendra sa décision d'ici à la fin de la semaine. Franceinfo résume ce que l'on sait de ce recours. 

C'est une première requête, examinée en urgence

Le gouvernement a lancé la procédure de dissolution des SLT dès le 28 mars, après les affrontements lors d'un rassemblement contre les "méga-bassines" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Gérald Darmanin avait alors qualifié les SLT de "groupuscule", les accusant d'"envahissements d'entreprises", d'"exactions fortes contre les forces de l'ordre" et d'"appels à l'insurrection". Une note du ministère de l'Intérieur avait également reproché aux Soulèvements de la Terre d'"inciter et participer à la commission de sabotages et dégradations matérielles". 

Le 28 juillet, les SLT ont annoncé sur Twitter que leurs avocats avaient déposé "deux requêtes au Conseil d'Etat pour contester la dissolution du mouvement" : un référé "qui sera jugé rapidement et permettrait de suspendre la dissolution en urgence", ainsi qu'un "recours au fond qui sera jugé plus tard, mais qui statuera définitivement sur la dissolution ou non des Soulèvements de la Terre". 

Le Conseil d'Etat examine donc mardi la première requête, le référé-suspension. Comme le rappelle le site service-public.fr, cette procédure d'urgence "permet d'obtenir la suspension de l'exécution d'une décision prise par l'administration et qui vous est défavorable". Pour ce type de requête, le juge se prononce "entre quelques jours et un mois", mais "ce délai peut être dépassé si l'affaire le nécessite". Le "jugement prononcé en urgence est provisoire", dans l'attente d'un "jugement au fond", selon cette même source. 

Le collectif a déposé le référé-suspension avec l'écrivain et réalisateur Cyril Dion, la secrétaire générale du syndicat Solidaires Julie Ferrua, le député européen Benoît Biteau ou encore Youlie Yamamoto, porte-parole d'Attac. Tous sont membres des Soulèvements de la Terre.

Le collectif y dénonce une "atteinte aux libertés d'association et d'expression"

Dans le référé-suspension consulté par franceinfo, la défense du collectif estime que "le décret de dissolution porte une atteinte certaine à la liberté d'association, de manifester et à la liberté d'expression de nature à caractériser une situation d'urgence". La décision prononcée en Conseil des ministres, fin juin, "fait obstacle à la poursuite du mouvement des Soulèvements de la Terre, en exposant quiconque s'en revendiquant à des poursuites pénales", souligne le document. Résultat : "Le mouvement, plus massif que jamais, et ses très nombreux comités locaux sont privés de la possibilité de se réunir pour organiser la poursuite des mobilisations en faveur de l'écologie et la sauvegarde de la terre et de l'eau comme biens communs", s'indignent les SLT.

Le collectif estime donc que sa dissolution constitue "une violation" des articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme. Ces derniers disposent notamment que "toute personne a droit à la liberté d'expression", et que "toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association". 

Il conteste la qualification de "groupement de fait"

Les avocats du collectif contestent également la qualification de "groupement de fait", avancée par le gouvernement pour justifier la dissolution. L'article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure précise en effet que le gouvernement peut, sous certains motifs, dissoudre une association ou un groupement de fait.

Or, "les Soulèvements de la Terre ne sont pas constitutifs d'un 'groupement de fait' mais relèvent au contraire d'un courant de pensée fondé sur un vaste mouvement, dépourvu de dirigeants comme de membres identifiés", se défend le collectif. "Ce mouvement s'organise par une constellation de comités, de coordination inter-orgas et d'assemblées. L'idée, sur laquelle s'appuie l'ensemble du décret, d'un groupuscule piloté par des dirigeants est un pur fantasme policier", affirme-t-il. 

Les Soulèvements de la Terre fustigent aussi des qualifications juridiques "maladroitement bricolées". "La qualification de 'provocation à des violences' ne peut s'appliquer aux appels à la désobéissance civile portés par les soulèvements de la terre", assure le mouvement. 

Il nie être responsable d'une "majorité des faits reprochés"

Le collectif écologiste estime en parallèle qu'"une excessive majorité des faits reprochés dans le décret de dissolution ne sont pas imputables aux Soulèvements de la terre et reposent sur des éléments matériels factuellement inexacts". Dans le référé-suspension, il conteste par exemple un point du décret de dissolution, qui avance que "ce groupement incite à la commission de sabotages et dégradations matérielles, y compris par la violence, en se fondant sur les idées véhiculées par des théoriciens, prônant l'action directe et justifiant les actions extrêmes allant jusqu'à la confrontation avec les forces de l'ordre". 

Les SLT affirment au contraire n'avoir "jamais appelé à commettre de telles infractions". Ils estiment qu'on leur impute "l'ensemble des actes survenus au cours des manifestations, auxquelles ils ont appelé aux côtés de dizaines d'autres". Comme le rappelle Le Monde, plus de 150 collectifs et organisations, dont Les Soulèvements de la Terre, avaient appelé à se mobiliser contre le projet de "méga-bassines" à Sainte-Soline. 

Il affirme que "les droits de la défense" sont "bafoués"

A travers son recours, le collectif dénonce aussi "la violation du principe du contradictoire" lors de la procédure de dissolution du mouvement. Le référé-suspension évoque des motifs du décret qui "n'ont pas été soumis au contradictoire et sur lesquels les Soulèvements de la Terre n'ont, par la suite, pas été mis en mesure de présenter des observations écrites ou orales". 

Les Soulèvements de la Terre dénoncent enfin les délais trop courts dans le cadre de cette procédure de dissolution, qui, selon eux, "bafouent les droits de la défense". 

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