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Brésil : quatre questions sur les incendies qui ravagent toujours l'Amazonie

Alors que les images des feux de forêt avaient fait le tour du monde en 2019, le "poumon vert" de la planète continue de brûler dans une relative indifférence. Le nombre d'incendies était même en hausse en juillet 2020.

Article rédigé par franceinfo
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Incendie dans la réserve extractive de Jaci-Paraná, en Amazonie, dans l'ouest du Brésil, le 16 août 2020. (CHRISTIAN BRAGA / GREENPEACE BRAZIL)

Des images spectaculaires d'incendies dans les journaux télévisés, des manifestations appelant à sauver le "poumon vert" de la planète... L'année dernière, la forêt amazonienne s'embrasait sous le regard inquiet du monde entier. Un an plus tard, l'émotion est retombée. Pourtant, l'Amazonie, dont 60% de l'étendue se situe au Brésil, brûle toujours. Dans une tribune publiée sur franceinfo, une vingtaine d'ONG, dont Greenpeace et Notre affaire à tous, appellent "à des actions immédiates des entreprises françaises présentes en Amérique du Sud et du gouvernement français pour éviter le point de non-retour". 

Car depuis l'été, les feux sont repartis à la hausse, selon les données satellites de l'Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE), référent dans la détection des foyers d'incendie en Amérique du Sud. En juillet, 6 803 départs de feu ont ainsi été enregistrés dans la région amazonienne, contre 5 318 en juillet 2019. Franceinfo décrypte ce phénomène.

Feux en Amazonie brésilienne enregistrés en juillet 2020 par l'INPE. (INPE)

1Quelle est l'ampleur des incendies ?

Les chiffres sont alarmants. En juillet 2020, le nombre d'incendies de forêt en Amazonie brésilienne a augmenté de 28% par rapport à l'année précédente. Sur la seule journée du 30 juillet, les satellites ont détecté quelque 1 000 incendies en Amazonie, indique l'INPE. Le pire jour pour un mois de juillet depuis 2005, souligne Greenpeace. Une hausse similaire des départs de feu avait déjà été recensée en juin par rapport à l'année dernière. Et le pire reste à venir, selon les spécialistes. La saison sèche n'est pas terminée et les pics annuels d'incendies sont habituellement enregistrés aux mois d'août et surtout de septembre. Rien qu'au cours des 20 premiers jours d'août, plus de 20 000 foyers ont été recensés par l'INPE.

Incendie dans la réserve extractive de Jaci-Paraná, en Amazonie, dans l'ouest du Brésil, le 16 août 2020. (CHRISTIAN BRAGA / GREENPEACE BRAZIL)

Si le "poumon vert" de la planète est particulièrement touché par ces incendies, d'autres régions sont également concernées. A la frontière avec la Bolivie, le Pantanal brésilien, l'un des principaux sanctuaires de biodiversité au monde, a connu son pire mois de juillet pour les incendies. Les données satellites disponibles font état de près de 1 700 foyers, soit trois fois plus qu'en juillet 2019. Du jamais-vu depuis que ces statistiques ont commencé à être comptabilisées en 1998. 

Vue aérienne des incendies de forêt à Pocone, dans le Pantanal (centre-ouest du Brésil), le 1er août 2020. (ROGERIO FLORENTINO / AFP)

2Mais d'où viennent ces feux ?

Selon les défenseurs de l'environnement, les incendies sont essentiellement d'origine humaine et ont pour but de défricher des terres afin de laisser la place à l'agriculture, l'élevage ou l'exploitation minière. "96% des feux sont d'origine humaine", ils sont allumés par des fermiers qui développent leurs pâturages, constate Felipe Dias, directeur exécutif de l'association SOS Pantanal, auprès du Figaro (article payant).

"Il y a un lien de causalité très documenté entre déforestation et incendies car la quasi-totalité sont d'origine humaine et volontaire", avance quant à elle Cécile Leuba, chargée de campagne forêts pour Greenpeace France, auprès de L'Express (article payant). La saison des incendies en Amazonie s'étend généralement de juin à octobre. Mais les feux ne sont que l'une des causes de la déforestation. Pendant le reste de l'année, des éleveurs, des cultivateurs, des mineurs "préparent" des zones boisées afin de les brûler par la suite.

Vue aérienne d'une zone brûlée dans la forêt amazonienne, dans la commune de Novo Progresso, dans le nord du Brésil, le 15 août 2020. (FERNANDO SOUZA / AGIF / AFP)

Au cours des 12 derniers mois, d'août 2019 à juillet 2020, 9 000 km2 de forêt ont été rasés, soit 34,5% de plus que l'année précédente. Et dans cette surface, 11% ont touché des zones de préservation environnementale ou des réserves indigènes. Si on se concentre uniquement sur les six premiers mois de l'année 2020, 3 069 km2 ont été déboisés, selon les données de l'INPE.

3Qu'en pense Jair Bolsonaro ?

Le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, connu pour son climatoscepticisme, est accusé par les défenseurs de l'environnement d'encourager la déforestation avec des appels à ouvrir la forêt tropicale à l'activité agricole et à l'industrie. Le gouvernement brésilien va même jusqu'à rejeter l'existence des feux de forêts en Amazonie et conteste les chiffres de l'INPE. "Je suis le rempart de la vérité face aux mensonges des médias et des défenseurs de l'environnement", a-t-il ainsi lancé lors d'un sommet régional sur l'Amazonie, le 11 août.

Cette histoire d'Amazonie en feu est un mensonge (...) que nous devons combattre avec les vrais chiffres.

Jair Bolsonaro

lors d'un sommet régional sur l'Amazonie

Durant son discours, devant d'autres dirigeants sud-américains, le président a incité son auditoire à survoler l'Amazonie pour se rendre compte qu'aucune flamme n'était visible. "Ils ne trouveront pas un seul foyer d'incendie, pas un seul hectare de déforestation", a-t-il assuré.

En avril, Ricardo Salles, le ministre de l'Environnement brésilien, avait quant à lui proposé de profiter de "l'opportunité du fait que la presse soit focalisée sur le coronavirus" pour "passer des réformes et assouplir les règles" liées à la protection de l'Amazonie.

4L'été dernier n'a-t-il donc rien changé ?

En 2019, les incendies avaient provoqué de vives réactions au sein de la communauté internationale. Emmanuel Macron s'était ému de voir la forêt amazonienne, "bien commun" de l'humanité, ravagée par les flammes. Le président français avait appelé à la "mobilisation de toutes les puissances" pour aider le Brésil à lutter contre ces feux et à investir pour la reforestation des régions affectées. Des "interférences" étrangères qui n'avaient pas plu au président brésilien, reprochant au passage à son homologue français une "mentalité colonialiste".

Jair Bolsonaro avait toutefois signé un décret (en portugais), en août 2019, pour déployer l'armée et combattre les incendies et les trafics illégaux. "L'an dernier, ce n'est finalement pas la pire année que nous ayons connue parce qu'après la mobilisation mondiale, il y a eu un moratoire avec moins de feux en septembre et octobre", expliquait il y a quelques jours Ane Alencar, directrice de l'Institut de recherche environnemental de l'Amazonieà franceinfo.

Mais ce sont surtout les pressions économiques qui pourraient faire changer d'avis le gouvernement. Récemment, d'importants fonds d'investissements internationaux ont menacé de couper les ponts si le pays ne parvenait pas à réduire la déforestation. Un ultimatum qui a poussé le vice-président Hamilton Mourao, fin juillet, à s'engager à "réduire à un minimum acceptable" la déforestation et les incendies.

Des pompiers éteignant un feu sur la commune Novo Progresso, dans le nord du Brésil, le 21 août 2020, malgré le décret interdisant les brûlis agricoles. (ERNESTO CARRICO / NURPHOTO)

Par ailleurs, le gouvernement a interdit mi-juillet les brûlis agricoles en Amazonie et au Pantanal pour une durée de quatre mois. Sans grand effet, selon les organisations de défense de l'environnement. "Nous avons identifié 207 propriétaires qui ont mis le feu illégalement à des réserves protégées. Seulement 5% d'entre eux ont reçu une amende pour ce qu'ils avaient fait", précisait à la mi-août Romulo Batista, chargé de campagne Amazonie pour Greenpeace Brésil, auprès de franceinfo.

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