"Personne n'est venu nous voir, aucune autorité" : en Amazonie, sur la route des zones dévastées
De nouveaux feux se déclarent chaque jour dans la région de Rondonia, dans l'ouest du Brésil, malgré le déploiement des renforts. Une route, la BR 364, traverse les zones calcinées. franceinfo l'a empruntée.
200 kilomètres et une seule route, la BR 364, séparent la ville d’Ariquemes et la capitale de la région de Rondonia, Porto Velho. Une longue ligne droite entourée par endroits de terres noircies, calcinées, qui témoignent de la violence de ces incendies d’Amazonie. Ces dernières 24 heures, plus de 800 nouveaux départs de feu ont été détectés sur la seule partie brésilienne de la forêt tropicale. Et ce malgré le déploiement des renforts en hommes et en matériel.
Kilomètre 9 : "C’est comme si on allumait une bougie"
Une allée de terre mène à un petit ranch modeste. Un cheval est accroché à un arbre. Sur le perron, Aguinaldo se sert un maté, boisson traditionnelle sud-américaine faite à partir de feuilles infusées. "J’ai 26 ans, dit-il, ici, on achète et on vend du bétail". Il se souvient avoir vu le feu arriver sur ses terres. "Nous avons réuni tout le monde, explique le jeune homme, on était une trentaine. Certains sont venus avec des pompes à eau, d’autres avec des battes à feu. Il fallait bien l’éteindre ce feu. Ça a brûlé les terres de quatre ou cinq voisins. A priori, ce serait un homme à moto qui aurait jeté un mégot. Mais comment voulez-vous qu’on trouve le responsable maintenant… C’est impossible !"
Dans la forêt amazonienne, les flammes se propagent à une vitesse impressionnante. Notamment à cause de certains arbres qui peuvent atteindre six à neuf mètres, comme le babaçu, explique avec des gestes Aguinaldo : "Le feu monte en spirale en faisant comme ça. Quand il arrive en haut, c’est comme si on allumait une bougie. Et c’est là, quand le vent touche les feuilles, que le feu se répand. Et les étincelles se dispersent partout…", conclut-il avec une pointe de fatalité dans la voix.
Km 17 : "Personne n'est venu nous voir"
Des troncs brûlés entourent une petite bâtisse isolée. C’est ici que vit et travaille Noémia, cuisinière de 51 ans. Elle regarde les vestiges des arbres et se remémore : "J’ai eu très peur". Il y a quelques jours, le feu léchait encore les murs de sa maison mais aucun pompier n’est venu l’éteindre. "Non, personne, s'indigne Noémia, personne n’est venu nous voir, aucune autorité. Ça s’est éteint tout seul. Hier encore, il y avait des petits foyers, continue-t-elle. Mais il a plu et ça a étouffé le feu".
Ce président, j’ai voté pour lui. Mais je le regrette, parce qu’il ne fait rien du tout
Noémia, habitante de la région de Rondonia au Brésilsur franceinfo
Km 88 : Débat sur les responsabilités
Itapuã do Oeste est un petit village situé au bord de la forêt Jamari, un parc national protégé. Sur la radio locale, on discute du fait d’accepter ou non l’aide internationale proposée par le G7. Et dans les rues, on cherche les responsables. "On critique beaucoup, mais je pense que ce n’est pas la faute du gouvernement, estime une habitante. Ça fait trop peu de temps qu’il est au pouvoir. Il n’est pas coupable de tout. C’est juste le climat de la région", assure-t-elle. Un autre habitant n'est pas d'accord : "Les gens sont habitués à brûler tout et n'importe quoi Donc ce qu’il faut, c’est surveiller et leur dire, ‘si vous mettez le feu, vous allez recevoir une amende’. Et vous allez devoir la payer tout de suite. C’est comme ça qu’ils vont arrêter."
Km 135 : "Des millions de nouveaux consommateurs, ça a un impact sur la déforestation"
Une grande propriété agricole s’étend sur 800 hectares. Elle appartient à Silas. Chapeau de paille sur la tête, il dit en avoir assez d’être pointé du doigt comme seul responsable de la déforestation et des incendies : "On consomme plus que ce qu’on produit aujourd’hui, analyse-t-il. Surtout depuis l’arrivée du marché chinois, ça a amené des millions de nouveaux consommateurs. Et ça a un impact sur la déforestation."
C’est facile de critiquer les agriculteurs d’Amazonie quand on habite Londres ou Paris
Silas, grand propriétaire terrien dans la jungle brésiliennesur franceinfo
Km 170 : "Mort aux grandes propriétés"
À quelques kilomètres de chez Silas, un panneau porte un tag "Mort aux grandes propriétés". Beaucoup les jugent responsables de la déforestation et des nombreux incendies qui ravagent actuellement l'Amazonie. Au loin, Porto Velho, la capitale de la région, se dessine. Et au-dessus d’elle, ce couvercle de fumée, conséquence des incendies.
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