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Affrontements au Soudan : quelle est la situation dans le pays, alors que les Etats-Unis annoncent un cessez-le-feu de trois jours ?

Avant l'annonce américaine, les évacuations se sont poursuivies lundi, et la France a fermé son ambassade. Le bilan humain, encore très provisoire, s'élève à plus de 420 morts et 3 700 blessés, selon les estimations de l'OMS.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des personnes fuient des combats, dans la partie sud de Khartoum, la capitale du Soudan, le 21 avril 2023. (AFP)

Des milliers de réfugiés et une situation humanitaire catastrophique. Près de dix jours après le début des combats au Soudan, le 15 avril, le pays est plongé dans le chaos. L'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant du Soudan depuis le putsch de 2021, affronte les paramilitaires de son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les Forces de soutien rapide (FSR). Les deux belligérants ont conclu un cessez-le-feu qui doit débuter mardi et durer 72 heures, ont annoncé les Etats-Unis lundi 24 avril dans la soirée.

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Bilan des combats, gestion de la crise humanitaire, évacuation des ressortissants étrangers. Franceinfo fait le point sur la situation dans le pays.

Un cessez-le-feu annoncé

Le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken, a annoncé, lundi dans la soirée, la conclusion d'un cessez-le-feu censé débuter à minuit, mardi, et durer 72 heures. C'est le résultat de 48 heures de négociations, a-t-il expliqué dans un communiqué. Un peu plus tôt, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait réclamé une trêve pour "éloigner le Soudan du précipice" et éviter une extension du conflit aux pays voisins.

"Durant cette période, les Etats-Unis s'attendent à ce que l'armée et les FSR respectent pleinement et immédiatement ce cessez-le-feu", a ajouté Anthony Blinken qui, sur Twitter, a salué l'engagement des deux parties à "travailler (...) pour une cessation permanente des hostilités et pour des dispositions humanitaires".

De nombreux pays évacuent leurs ressortissants 

L'heure est à la fuite pour une grande partie des citoyens et diplomates étrangers coincés au Soudan. Bien que des explosions et tirs n'aient pas cessé de résonner dans le pays ce weekend, les capitales étrangères sont parvenues à négocier des passages avec les deux belligérants.

Les Etats-Unis ont ainsi évacué leur personnel diplomatique se trouvant à Khartoum, la capitale soudanaise, lors d'une opération héliportée, a annoncé le président Joe Biden samedi soir. "Plusieurs dizaines d'Américains font partie d'un convoi de l'ONU qui se dirige vers le port du Soudan par voie terrestre", a précisé lundi un porte-parole de la Maison Blanche. Plus de mille ressortissants de l'Union européenne (UE) ont été évacués du Soudan lors d'une "opération complexe", a également fait savoir lundi le chef de sa diplomatie Josep Borrell.

L'Arabie saoudite, l'Allemagne, l'Irlande, l'Italie, la Tunisie, la Libye, la Jordanie, l'Irak, le Liban, les Philippines, le Nigéria, l'Afrique du Sud, le Tchad, le Liban, la Jordanie, l'Irak, l'Egypte, la Turquie, la Suisse, la Norvège, l'Espagne ou encore la Chine ont par ailleurs annoncé avoir entrepris l'évacuation de leurs ressortissants ou projettent de le faire prochainement. 

La Corée du Sud et le Japon ont pour leur part programmé dès vendredi l'envoi d'avions militaires pour procéder aux évacuations. En Indonésie, le gouvernement dit prendre "toutes les mesures nécessaires" et l'Inde assure enfin travailler "pour assurer le déplacement en toute sécurité des Indiens bloqués".

Au Royaume-Uni, le gouvernement essuie quant à lui de nombreuses critiques de sa gestion de la crise, alors que lundi, seuls quelques Britanniques ont pu quitter le Soudan lors de différentes missions d'évacuation menées par d'autres pays, dont la France.

La France ferme son ambassade, l'ONU reste au Soudan

La France a pour sa part évacué près de 491 personnes, dont 196 Français, en assurant depuis dimanche plusieurs rotations aériennes entre Khartoum et Djibouti, a déclaré lundi la diplomatie française, qui a annoncé ensuite la fermeture de son ambassade "jusqu'à nouvel ordre". La communauté française au Soudan compte "250 personnes", a expliqué dimanche sur franceinfo la porte-parole du Quai d'Orsay, "mais la totalité des ressortissants ne souhaite pas quitter le pays".

L'ambassade n'est plus "un point de regroupement" pour ceux qui souhaitent fuir les combats dans la capitale soudanaise, a précisé la porte-parole du ministère. Le personnel diplomatique "poursuivra ses activités depuis Paris, sous la responsabilité de l'ambassadrice".

L'ONU a pour sa part fait savoir que son émissaire au Soudan, Volker Perthes, restait dans le pays, tandis que des centaines de ses employés avaient été évacués à Port-Soudan, sur la côte épargnée par les violences. "L'ONU ne planifie pas de quitter le Soudan", a-t-il annoncé.

Un bilan humain déjà lourd et des milliers de personnes déplacées

Le bilan humain, encore très provisoire, s'élève à plus de 420 morts et 3 700 blessés, selon les estimations de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) communiquées samedi (en anglais). "Il y a eu 14 attaques contre le personnel de santé, tuant huit personnes et en blessant deux", précise le communiqué. "Les médecins sont souvent incapables d'accéder aux blessés et les blessés ne peuvent pas atteindre les installations", a déploré sur Twitter le directeur de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Vendredi, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), agence de l'ONU, a annoncé la mort d'un de ses humanitaires, victime d'un échange de tirs au sud d'El Obeid. Avant cela, trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués au Darfour, dans l'ouest du pays, dès le premier jour des combats, le 15 avril. Dans le même temps, l'ONU dénonce "des pillages, des attaques et des violences sexuelles contre des humanitaires", qui se dérouleraient depuis le début du conflit.

Selon Jérôme Tubiana, chercheur spécialiste du Soudan et conseiller aux opérations de Médecins sans frontières (MSF), qui s'exprimait au micro de franceinfo dimanche, les travailleurs humanitaires qui ont perdu la vie dans ce conflit "semblent plutôt être des victimes collatérales", comme dans tout conflit, mais "les ONG peuvent être des cibles", nuance-t-il.

Ces violences ont déjà déplacé des dizaines de milliers de personnes vers d'autres régions du Soudan, ou vers le Tchad, le Soudan du Sud et l'Egypte. Avant les combats, Le Caire accueillait déjà près de cinq millions de Soudanais, qui fuient la pauvreté ou la violence, alors que les deux pays possèdent un accord de libre circulation, rappelle la BBC (article en anglais). Les combats au Soudan risquent d'"envahir toute la région et au-delà", a prévenu lundi le secrétaire général de l'ONU, réclamant une nouvelle fois un cessez-le-feu pour "éloigner le Soudan du précipice".

Une situation humanitaire complexe

Dans ce pays de 45 millions d'habitants, plus du tiers de la population souffrait de la faim avant même le début des combats entre l'armée régulière et les paramilitaires des FSR, selon le PAM. Les conditions de vie sont probablement pires au Darfour, théâtre d'un terrible conflit dans les années 2000 et où les combats sont particulièrement violents, rapporte RFI. L'arrêt des opérations de la plupart des organisations humanitaires, ciblées par les combats, pourrait bien aggraver encore une situation déjà très tendue. Aujourd'hui inaccessible, la région est de nouveau en proie aux pillages, attaques et exactions.

"L'autre problème, c'est le manque de médicaments et d'équipements", déplore Jérôme Tubiana. Dimanche, le Comité international de la Croix-Rouge a déclaré que son bureau dans la région du Darfour et un entrepôt stockant des médicaments et de l'aide au nord de Khartoum avaient été pillés, repère le New York Times (article en anglais réservé aux abonnés). Le carburant et la nourriture se font également rares dans le pays. Dimanche, enfin, les services internet et téléphoniques étaient en panne sur une grande partie du territoire, rapporte The Guardian (article réservé aux abonnés).

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