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Somalie : l'opposition juge le président Farmajo "illégitime" et réclame un "conseil national de transition"

Les négociations pour organiser des élections ont échoué. Une situation bloquée qui peut conduire au pire. La communauté internationale en appelle au calme.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
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Le président de la Somalie, Mohamed Abdullahi Mohamed, participe en mai 2017 à la conférence sur la Somalie à Londres (Royaume-Uni). (Reuters/Jack Hill/Pool)

Officiellement, depuis ce lundi 8 février 2021, Mohamed Abdullahi Mohamed, surnommé Farmajo, n'est plus le président de la Somalie. Elu en 2017, il devait organiser une nouvelle présidentielle à la date anniversaire de son élection. Mais le processus électoral somalien, fort complexe, n'a pas permis de mettre en place une nouvelle consultation. Naturellement, l'opposition a pris acte de cette situation : "Le conseil des candidats de l'opposition ne reconnaît plus Farmajo comme président légitime", a annoncé dans un communiqué une alliance de plusieurs dirigeants politiques qui ne cachent pas leurs ambitions présidentielles. Mais cette alliance n'accorde pas non plus de délai pour sortir de la crise. Le conseil "n'acceptera aucune forme d'extension de son mandat sous la pression", annonce ce même communiqué.

Aucune issue

Ainsi, semblant faire peu de cas des conséquences, ces dirigeants plongent la Somalie dans une crise politique dont elle se serait bien passée. Le 17 septembre dernier, Farmajo avait pourtant réussi à sceller un accord avec cinq leaders régionaux et le maire de Mogadiscio pour organiser l'élection présidentielle avant la date butoir du 8 février 2021.

Pour y parvenir en si peu de temps, les dirigeants somaliens abandonnaient la promesse d'un suffrage universel direct, "un homme, une voix". Ils admettaient que l'objectif était bien trop ambitieux. L'organisation d'élections dans un pays en proie à une insécurité permanente relevait de la gageure.

Un pouvoir central très faible

Car la République fédérale de Somalie est en fait un Etat confetti, où le pouvoir central contrôle à peine la moitié du territoire. Le Somaliland, à l'extrême nord du pays, a proclamé son indépendance en 1991. Son voisin le Puntland revendique son autonomie depuis 1998. Si les instances internationales n'ont reconnu ni l'une ni l'autre, ces deux régions ne sont guère à l'écoute de la capitale Mogadiscio.

Le Jubaland tout au sud est un Etat autonome, qui se reconnaît plus d'affinités avec le Kenya qu'avec la Somalie. Le sud du pays est enfin en proie à une activité terroriste massive du mouvement Al-Shebab, affilié à Al-Qaïda.

Un système électoral archaïque

Les parties prenantes acceptaient donc que le pays conserve un système d'élection indirecte qui a pourtant montré ses limites en favorisant un système clanique. A la base, les multiples chefs de clan désignent des délégués spéciaux chargés d'élire des parlementaires. Ces derniers élisent à leur tour le futur président. Un système particulièrement opaque dont est exclue une grande partie de la population.

Mais malgré cette consultation démocratique "allégée", le processus a débouché sur une impasse, chaque camp rejetant la responsabilité de l'échec sur l'autre. L'alliance des candidats de l'opposition réclame désormais la formation d'un "conseil national de transition" pour conduire le pays et préparer des élections.

Appel au calme

Une proposition qui ne rassure pas la communauté internationale. Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni dans l'urgence. L'Union européenne de son côté appelle à la retenue et demande aux responsables politiques d'éviter les déclarations qui peuvent conduire à des actes de violence. "Tout processus parallèle ou partiel ou toute extension du mandat actuel des institutions, qui n’est pas de nature technique, serait considéré comme un recul grave", a affirmé Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l'UE.

Tout le monde a en tête le passé troublé d'un pays qui depuis 1991 ne parvient pas à instaurer une paix durable. Et comme une autre menace, le mandat de l'Amisom, la mission des Nations unies en Somalie, s'achève à la fin du mois de février. Des Casques bleus, fragiles garants de la paix dans le pays, bien esseulés alors que le pire peu survenir.

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