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Algérie : le président Abdelaziz Bouteflika chassé du pouvoir par la rue, il y a un an

Sa cinquième candidature avait été perçue comme l'humiliation de trop par des millions d'Algériens.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le président Abdelaziz Bouteflika dans sa résidence de Zéralda, le 10 avril 2016. (ERIC FEFERBERG / AFP)

"En quittant mes fonctions, je ne puis achever mon parcours présidentiel sans vous adresser un ultime message afin de ne pas quitter la scène politique nationale sur une séparation qui me priverait de demander pardon à ceux, parmi les enfants de ma patrie, envers lesquels j'aurais, sans le vouloir, manqué à mon devoir (...)" Le président algérien Abdelaziz Bouteflika venait de démissionner. Dans sa lettre d'adieu (lire en intégralité), il demande pardon au peuple. Une page est tournée, le divorce consommé. 

"Sans gloire"

Jamais un président algérien n'aura "régné" aussi longtemps. Mais Abdelaziz Bouteflika, qui a eu 83 ans le 2 mars 2020, restera comme le seul dirigeant de l'Algérie indépendante qui, agrippé au pouvoir malgré la maladie, en aura été chassé par la rue. "Il y a un an, il quittait le pouvoir sans gloire. Le jour où Bouteflika a capitulé", titre le quotidien francophone Liberté. 

Plus de 35 années après son premier poste ministériel, Bouteflika accède triomphalement à la tête de l'Algérie en 1999 dans un pays déchiré par une guerre civile. Vingt ans après, il en est chassé sans égards par l'armée, pilier du régime, sous la pression d'un mouvement (Hirak) de contestation inédit.

"Boutef", comme l'appellent familièrement ses compatriotes, jette l'éponge le 2 avril 2019, après une improbable tentative de briguer un cinquième mandat malgré l'attaque cérébrale qui l'a cloué sur un fauteuil roulant et rendu quasi inerte, six ans plus tôt. Cette candidature a été perçue comme l'humiliation de trop par des millions d'Algériens. 

Résidence médicalisée 

Une année après sa chute aussi spectaculaire qu'inattendue, l'ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika reste retranché, solitaire, dans sa résidence médicalisée de Zeralda, à seulement une quinzaine de kilomètres à l'ouest d'Alger, mais très loin du pouvoir auquel il s'est si longtemps accroché. Omniprésent dans la vie politique algérienne durant des décennies, mais devenu quasi-invisible depuis cet accident vasculaire cérébral (AVC) en 2013, Abdelaziz Bouteflika n'a plus donné aucun signe de vie depuis que la rue et l'armée l'ont contraint à la démission ce 2 avril 2019. Ce jour-là, il apparaît pour la dernière fois à la télévision pour annoncer qu'il jette l'éponge, après avoir tenté de s'accrocher coûte que coûte, contre toutes les évidences. 

Plus jeune ministre

A l'indépendance en 1962, il est, à 25 ans, ministre des Sports et du Tourisme, avant d'hériter un an plus tard du portefeuille convoité de la diplomatie, qu'il conserve jusqu'en 1979, une époque où l'Algérie s'affiche en leader du tiers-monde.

En 1965, il soutient le coup d'Etat de Houari Boumédiène, alors ministre de la Défense, qui renverse le président Ahmed Ben Bella. S'affirmant comme le dauphin de Boumédiène, qui décède en 1978, il est néanmoins écarté de la succession par l'armée, puis de la scène politique sur fond d'accusations de malversations. Il s'exile à Dubaï et Genève.

C'est pourtant l'armée qui l'impose en 1999 : il l'emporte à la présidentielle après le retrait de ses adversaires qui dénoncent des fraudes.

"Parrain de la corruption"

Son état de santé n'empêche pas certains intellectuels et universitaires de réclamer justice pour la corruption qui a gangrené l'Algérie sous ses 20 ans de présidence. Depuis sa retraite forcée, la justice algérienne a ouvert une flopée d'enquêtes pour faits de corruption et condamné et/ou incarcéré des ex-politiciens et d'influents hommes d'affaires accusés d'avoir profité de leurs liens privilégiés avec le clan Bouteflika. Deux Premiers ministres, de nombreux ministres et responsables politiques, les principaux patrons, gavés aux marchés publics grâce à leur proximité avec le président-bis, Saïd Bouteflika, croupissent à la prison d'El Harrach

Il ne peut échapper à une sanction. C'est une revendication des Algériens qui ont découvert avec horreur l'ampleur des dégâts causés par l'homme et son environnement familial

Nacer Djabi, sociologue

à l'AFP

"Bouteflikisme" sans Bouteflika ?  

Pour les Algériens, Abdelaziz Bouteflika, c'est désormais du passé, avance le politologue Hasni Abidi. En revanche, ils ont "le sentiment que (...) les mauvaises pratiques persistent" et que "le système qui a fait de Bouteflika ce qu'il est devenu est toujours en place", note-t-il. Le changement dans la continuité ? Les nombreux procès d'opposants, journalistes et manifestants algériens donnent l'impression que rien n'a changé. 

Des courtisans et des nostalgiques sont prêts à rempiler sous un autre patron qui reproduira le même fonctionnement dans un système non démocratique

Hasni Abidi, politologue

à l'AFP

La société civile entend toujours obtenir le départ de tout "le système". Le Hirak, qui a suspendu ses marches hebdomadaires pendant la pandémie, promet de reprendre la rue, une fois la crise sanitaire passée.

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