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Quand les livres africains se retrouvent sur grand écran...

Peu d'ouvrages africains ont fait l'objet d'une adaptation cinématographique. Retour sur quelques-unes d'entre elles. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7 min
Les adapations cinématographiques de romans africains restent rares.  (TEK IMAGE / ABO)

L'auteur franco-rwandais Gaël Faye a récemment dévoilé sur les réseaux sociaux la bande-annonce du film adapté de son livre à succès Petit Pays qui a remporté le Goncourt des lycéens en 2016. L’ouvrage, qui n'est pas autobiographique, dépeint la façon dont la vie d’un adolescent métis franco-rwandais bascule quand la guerre civile éclate au Burundi en 1993. Le conflit ethnique oppose Tutsis et Hutus. Ses tensions aboutiront à un génocide dans l’état voisin du Rwanda. Le long métrage est attendu dans les salles françaises le 18 mars 2020.

La Sénégalaise Angèle Diabang prépare, elle, une adaption d'un classique de la littérature africaine publié en 1979 par sa compatriote Mariama Bâ, Une si longue lettre. Ce n'est pas la première fois que l'œuvre sera adaptée au cinéma. Le réalisateur sénégalais Cheick Tidiane Diop avait déjà réalisé Braxal en s'appuyant sur ce texte, indique Koffi Anyinefa qui s'est intéressé à la question des adaptations cinématographiques de la littérature africaine. 

Dans l'espace francophone, par exemple, "l'écrivain et cinéaste sénégalais Sembène Ousmane s'est illustré dans cette pratique avec des œuvres comme La Noire de... et Xala. Il a même tenté l'aventure inverse, c'est-à-dire l'adaptation romanesque d'un film avec Gelwaar (film 1992 ; roman 1996). Il y a eu aussi, cas tout à fait unique, la quadruple adaptation de L'Aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane (Vieyra 1961 ; Champreux 1984 ; Jules-Rosette (Benjamin) 1991 ; Gomis 2000)", explique-t-il. 

D'autres cinéastes se sont frottés à cet exercice ces dernières années.   

"Notre Dame-Dame du Nil" (2019)

Le film Notre-Dame du Nil est une adaptation cinématographique réalisée par Atiq Rahimi, projetée depuis le 5 février 2020 dans les salles françaises. L'ouvrage de la Franco-Rwandaise Scholastique Mukasonga, qui donne son titre au long métrage, a notamment décroché le Renaudot en 2012. Il raconte, à travers le regard de deux adolescentes scolarisées dans le même établissement scolaire la mécanique de la haine qui perdure entre Tutsis et Hutus depuis des décennies au Rwanda et qui préfigure le génocide de 1994. "C'est la meilleure des choses qui pouvait m'arriver", a affirmé Scholastique Mukasonga au micro de France 3 à propos de l'adaptation de son livre tout en soulignant qu'elle avait eu quelques craintes quant au résultat. Elles ont été balayées puisqu'elle a été consultante sur le film. 


"Rafiki" (2018)

Les premiers pas de la cinéaste kényane Wanuri Kahiu ne sont pas passés inaperçus. Censuré dans son pays, son long métrage est le premier film de l'histoire du cinéma kényan à être en sélection officielle au Festival de Cannes. Il a été projeté dans la section Un Certain Regard. Le film est l'adaptation de Jambula Tree de l'écrivaine ougandaise Monica Arac de Nyeko. "Je voulais raconter une histoire d’amour. J'en ai donc lu beaucoup. Celle qui m’a le plus touchée est Jambula TreeIl y avait à la fois une force et une naïveté chez les protagonistes de cette histoire. En outre, l’univers créé par Monica Arac de Nyeko était riche et incroyablement merveilleux", confiait à franceinfo Afrique Wanuri Kahiu en 2018.  

"Half of a Yellow Sun" (2013)

Pour son premier film, l’écrivain et cinéaste Biyi Bandele décide de porter à l'écran un épisode douloureux de l'histoire de son pays, le Nigeria, en s'inspirant du livre de sa compatriote Chimamanda Ngozi Adichie, Half of a Yellow Sun (L’autre moitié du soleil) paru en 2006. La guerre civile du Biafra, qui éclate dans les années 60, est relatée à travers notamment le regard de deux sœurs jumelles et de leurs compagnons. Dans les rôles principaux, on retrouve les acteurs britanniques Chiwetel Ejiofor et Thandie Newton. Le film sera très bien accueilli.  

Les écrits de Chimamanda Ngozi Adichie continuent d'inspirer le monde de l'audiovisuel. Americanah, publié en 2013 et qui a révélé l'écrivaine nigériane au monde, fera également l'objet d'une mini-série portée notamment par la comédienne kényane Lupita Nyong'o. 

"Les Chevaux de Dieu" (2012)

En 2012, le cinéaste marocain Nabil Ayouch revient, avec Les Chevaux de Dieu, sur le parcours des terroristes à l'origine de l'attaque qui a ébranlé le Maroc. Les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca ont été perpétrés, entre autres, par deux frères qui vivaient dans le bidonville de Sidi Moumen. Dans le film, présenté dans la section Un Certain Regard du Festival de Cannes, le réalisateur fait le récit de leur radicalisation en s'appuyant sur le livre Les Etoiles de Sidi Moumen (Flammarion) de son compatriote Mahi Binebine. 

"Johnny Mad Dog" (2008)

Johnny Mad Dog, réalisé par le cinéaste français Jean-Stéphane Sauvaire et produit par l'acteur Mathieu Kassovitz est sorti en 2008 en France. Il a été présenté en première mondiale à Cannes dans la section Un Certain Regard. Le film est inspiré du livre du Congolais Emmanuel Dongala, Johnny Chien Méchant, paru en 2002. Il raconte les pérégrinations d'un enfant soldat dont le nom donne son titre au livre. "Quand j'ai lu le livre d'Emmanuel (Dongala), j'ai vu des images... Il est magnifique et il m'a ému au point de me donner envie de l'adapter au cinéma", expliquait Jean-Stéphane Sauvaire au site d'informations Afrik.com en 2008. La fiction est le premier long métrage tourné au Liberia après la fin de la guerre civile.

"The Yacoubian Building" (2006)

Le film The Yacoubian Building (L'Immeuble Yacoubian), signé par le cinéaste égyptien Marwan Hamed, est l'adaptation du premier ouvrage du célèbre écrivain égyptien Alaa al-Aswany. L'ouvrage, qui a nourri la controverse et a été un best-seller notamment dans le monde arabe, est une chronique du quotidien des résidents du bâtiment construit en 1937 par un riche arménien. Situé dans le centre du Caire, l'immeuble a perdu son lustre au fil des ans et ses occupants ont évolué. Leurs (petites) histoires racontent celle de leur pays sur cinq décennies. Après le film sorti en 2006, l'un des plus gros budgets du cinéma égyptien et réunissant quelques-unes de ses stars, le livre a inspiré une série diffusée l'année suivante en Egypte. 

"Sia, le rêve du python" (2001)

Le long métrage du cinéaste burkinabè Dani Kouyaté est "une adaptation cinématographique de la légende du Wagadu, un mythe soninké du XIIe siècle (l'un des principaux groupes ethniques du Mali)", peut-on lire sur le site du film. Il est inspiré d'une pièce de théâtre La légende du Wagadu vue par Sia Yatabéré du dramaturge mauritanien Moussa Diagana paru en 1988. Il y est question de la puissance des élites, de la misère du peuple et d'une jeune fille Sia (incarnée par la chanteuse et comédienne Fatoumata Diawara), censée être sacrifiée pour la prospérité du royaume mais sauvée par son fiancé, qui organise à sa manière la résistance. La fiction remportera en 2001 le Bayard du meilleur scénario au Festival international du film francophone de Namur (Belgique). Dans son long métrage, Dani Kouyaté fait jouer son père, Sotigui Kouyaté, le grand acteur malien disparu en 2010. Sia, le rêve du python est reparti avec le prix du jury du Fespaco en 2001. 

"Une saison blanche et sèche" (1991)

A Dry White Season (Une saison blanche et sèche) est d'abord un livre de l'auteur sud-africain André Brink. Il paraît en 1979 à Londres et est interdit dans l'Afrique du Sud ségrégationniste. Afrikaner lui-même, Brink raconte l'histoire d'un professeur d'histoire, Ben du Toit, qui prend conscience de la situation des Noirs en Afrique du Sud à travers Gordon, le jardinier de l'établissement où il travaille.  

Dix ans après sa parution, la cinéaste française Euzhan Palcy fait de ce livre, dévenu un symbole de la lutte contre l'Apartheid, un film. Le long métrage est américain. Au casting, on retrouve, entre autres, Donald Sutherland et Marlon Brando dans la peau d'un avocat. Une Saison blanche et sèche obtient une nomination aux Oscars en 1990. 

"Sarraounia" (1986)

Dans son long métrage qui remporte l'Etalon d'or du Yennenga en 1987, le réalisateur mauritanien Med Hondo adapte le roman de l'homme politique et écrivain nigérien Abdoulaye Mamani à qui le documentaire Sur les traces de Mamani Abdoulaye, réalisé par sa fille, a été récemment consacré. Sarraounia, paru en 1980, raconte les exploits d'une reine africaine, à la fois chef politique et magicienne, qui symbolise la résistance des Africains face à la colonisation. La souveraine, incarnée la comédienne burkinabé Aï Keïta,  fait barrage à la mission Voulet-Chanoine, du nom des capitaines français qui la dirigent. Le 16 juillet 1899, "cette colonne infernale qui a mis à feu et à sang une large partie de l’Afrique de l’Ouest à cause de la folie destructrice de deux hommes s’achèvera comme elle s’est déroulée, dans le sang et l’odeur de poudre, mais cette  fois-ci par la mort de ses chefs", explique-t-on dans Jeune Afrique. Cette mutinerie fait l'objet d'une reconstitution dans le film de Med Hondo.

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