Les comédiennes africaines ont désormais leur association après une assemblée historique en Côte d'Ivoire
Une assemblée générale inédite des actrices du continent s'est tenue à l'initiative de la comédienne ivoirienne Naky Sy Savané, dans le cadre du Festival international du film des lacs et des lagunes, dont elle est la fondatrice. Entretien.
![](https://www.francetvinfo.fr/pictures/cXINGeETaMYJ5xIkXW-fjVv3MAQ/100x100/2022/12/22/63a4b72923434_falila-gbadamassi-franceinfoafrique.png)
![De gauche à droite, en haut, les comédiennes Thérèse Mbissine Diop, Touria Jabrane, Aï Keïta et, en bas, Félicité Wouassi et Naky Sy Savané. (FRANCEINFO/AFP/ANADOLU AGENCY/ROMAN BONNEFOY)](https://www.francetvinfo.fr/pictures/u24kzAPpC8iGyhqY5aRC-d3vS8c/0x45:1616x953/432x243/2019/11/15/phpciUWwC.jpg)
InspirĂ©e par les pionnières, Naky Sy SavanĂ© s'est lancĂ© le dĂ©fi de rĂ©unir les comĂ©diennes africaines pour une rencontre historique. Ce rassemblement s'est tenu dans le cadre du Festival international du film des lacs et des lagunes (Festilag, 12 au 16 novembre 2019) qu'elle a crĂ©Ă© et qui en est Ă sa huitième Ă©dition. L'actrice ivoirienne, reconnue Ă l'Ă©chelle du continent, a toujours eu Ă cĹ“ur d'allier cinĂ©ma et fĂ©minisme. Son festival, nĂ© dans le but de faire la promotion du cinĂ©ma ivoirien après une dĂ©cennie de guerre civile, est aussi le lieu de la dĂ©fense des droits des femmes depuis quelques annĂ©es en CĂ´te d'Ivoire. Entretien avec une comĂ©dienne qui a rĂ©ussi son pari. Â
Franceinfo Afrique : vous avez tenu le 12 novembre 2019, la première assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des comĂ©diennes africaines pendant le Festilag. Pourquoi une telle rencontre vous paraissait-elle nĂ©cessaire ? Â
Naky Sy Savané : dès mes premiers Fespaco (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou), j'ai rencontré des femmes comme Zalika Souley (actrice nigérienne à qui sa compatriote Rahmatou Keïta a consacré un documentaire Al'Lèèssi, une actrice africaine) et Aï Keïta (actrice originaire du Burkina Faso qui incarne l'héroïne de Sarraounia, le film du Mauritanien Med Hondo adapté du livre du Nigérien Abdoulaye Mamani, Sarraounia : le drame de la reine magicienne). Le film de cette dernière a remporté l’Etalon d'or du Yennenga en 1987. Le réalisateur a soulevé le trophée et sa comédienne, évidemment heureuse, en avait fait de même. J’ai constaté après coup qu’elle avait été stigmatisée suite à son geste. En tant que comédienne, on a le droit de porter l’Etalon qui récompense une œuvre à laquelle on a participé. Un film est le produit d'un ensemble – réalisateurs, comédiens et techniciens – dans lequel chacun joue sa partition.
J’ai constatĂ© que ces pionnières avaient essayĂ© de s’organiser, mais elles n’y sont pas arrivĂ©es. A l’instar de Zalika Souley, elles nous ont nĂ©anmoins transmis cette ambition et ce combat. Ce n’est pas facile de rassembler. Par exemple, les billets d’avion pour se dĂ©placer Ă l'intĂ©rieur de l’Afrique sont chers. C’est leur rĂŞve qu’on a essayĂ© de rĂ©aliser, mais on ne pouvait pas le faire sans elles. Il fallait que ces pionnières soient lĂ pour nous donner leur bĂ©nĂ©diction.Â
Très heureux d'être invité à l'inauguration de la 1ère Assemblée Générale des comédiennes africaines, à #Abidjan, organisée dans le cadre du 8ème Festival de cinéma #FESTILAG @Casaafrica @MAECgob @SpainMFA @AECID_es #ci225 pic.twitter.com/xNigYj63lO
— Ricardo López-Aranda (@RLAranda) November 12, 2019
Cette assemblĂ©e et cette 8e Ă©dition du Festilag ont Ă©tĂ©Â l'occasion de rendre hommage aux actrices pionnières du cinĂ©ma africain, Ă savoir la SĂ©nĂ©galaise ThĂ©rèse Mbissine Diop, la Burkinabè AĂŻ KeĂŻta, la Marocaine Touria Jabrane, la Malienne Fatoumata Coulibaly, la NigĂ©rienne Zalika Souley, la Tunisienne HĂ©lène Catzaras, la Camerounaise FĂ©licitĂ© Wouassi ou encore l'Ivoirienne Anne Kacou Diop. Comment cette sĂ©quence a Ă©tĂ© vĂ©cue par vous toutes ?Â
Nous Ă©tions toutes très Ă©mues. Nous avons fait l'assemblĂ©e et nous sommes allĂ©es le lendemain lire une dĂ©claration (le 13 novembre 2019), baptisĂ©e DĂ©claration de Grand-Bassam (ancienne capitale de la CĂ´te d'Ivoire pendant la pĂ©riode coloniale, NDLR), sur le Pont de la victoire avec les associations fĂ©ministes qui nous ont accompagnĂ©es. Ce pont est celui sur lequel, Ă l'Ă©poque de la colonisation en 1949, les femmes ont affrontĂ© les colons pour aller libĂ©rer leurs maris. Nous avons ainsi demandĂ© la bĂ©nĂ©diction de toutes ces amazones.Â
Les actrices africaines sont-elles aussi des amazones ? Pourquoi ?
Le mĂ©tier de comĂ©dienne en Afrique est difficile. L'actrice est mal vue et toujours jugĂ©e. On croit mĂŞme que ce n'est pas un mĂ©tier noble, en comparaison d'autres.Â
Comment expliquez-vous que vous ayez pu organiser finalement cette assemblée ?
J'ai dit aux amies que je nous n'avions pas les moyens de prendre en charge des billets d'avion dans le cadre du Festilag, tout en insistant sur le fait qu'il fallait que nous fassions quelque chose, parce que ce qui était prĂ©vu nous concernait toutes au premier chef. Le message a Ă©tĂ© entendu et elles ont compris qu'elles ne pouvaient plus attendre que des moyens soient mis Ă leur disposition par les autres pour qu'elles s'organisent. Certaines ont pris le bus, d'autres ont pris le train. Comme des amazones, elles sont venues de partout. Nous Ă©tions autour d'une centaine, originaires d'une vingtaine de pays sur le continent.Â
Le mouvement #MeToo a dĂ©marrĂ© aux Etats-Unis et s'est propagĂ© un peu partout dans le monde. Il y a eu Ă©galement toutes ces revendications salariales, toujours aux Etats-Unis. Cette revendication des femmes dans le cinĂ©ma est un mouvement de fond. A-t-il gagnĂ© le continent africain ou ce n'est qu'une simple coĂŻncidence, qui fait que les aspirations des comĂ©diennes africaines prennent corps aujourd'hui ? Â
Les Africaines n'ont attendu personne pour se battre. La preuve, nous avons lu la Déclaration de Grand-Bassam. Nos pionnières se battaient déjà . Partout dans le monde, les femmes ont des soucis qu'elles soient jaunes, rouges ou blanches. Nous avons toutes les mêmes problèmes ! C'est là que nos combats se rejoignent. Avec l'évolution des moyens de communication, nos voix deviennent plus audibles.
Cette assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale a donnĂ© lieu Ă une association. Quelle est sa raison d'ĂŞtre et ses missions ?Â
Le but de l'Association des comédiennes africaines de l'image est d'organiser notre profession afin que nous ne soyons plus des laissées pour compte et que nous ne soyons plus fragilisées.
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