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En République centrafricaine, le pouvoir du président Touadéra ne tient plus qu'à un fil

Les groupes armés hostiles sont désormais aux portes de Bangui, la capitale. Une fois encore, l'avenir du pays passe par les armes.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une affiche électorale du président sortant Faustin-Archange Touadéra placardée dans Bangui, la capitale de la République centrafricaine, à l'occasion des élections du 27 décembre 2020. (FLORENT VERGNES / AFP)

Ce mercredi 13 janvier 2021 marque une nouvelle étape dans la lutte pour le pouvoir en République centrafricaine. Des groupes armés s'en sont pris directement à la capitale, Bangui. Et même si les deux attaques simultanées ont été repoussées, cette action semble affaiblir un peu plus le régime de Faustin-Archange Touadéra qui vit peut-être ses derniers jours.

L'élection présidentielle et les législatives couplées du 27 décembre 2020 ne doivent tromper personne quant au réel pouvoir du gouvernement. En fait, la moitié des électeurs a été empêchée de voter, de nombreux bureaux de vote n'ayant pu ouvrir sous la pression de groupes armés. La réélection du président sortant Faustin-Archange Touadéra n'a été qu'un rideau de fumée aux yeux de l'opposition qui a rejeté le scrutin.

Bangui, ultime bastion ?

Le pouvoir légal a déserté le territoire et semble recroquevillé dans la capitale Bangui. Protégé par ses troupes, par les Casques bleus des Nations unies et par des forces étrangères, notamment russes, dont on ignore tant le nombre que les intentions.

Mi-décembre, une coalition hétéroclite de six groupes armés, union improbable d'anciens ennemis, a vu le jour. La Coalition pour le changement (CPC) multiplie désormais les attaques sur tout le territoire et a promis de "marcher sur Bangui".

Le pouvoir en place à Bangui doit compter sur les forces des Nations unies déployées au sein de la Minusca pour se maintenir en place. (ALEXIS HUGUET / AFP)

Les deux-tiers de la Centrafrique sont désormais contrôlés par des milices qui multiplient les coups d'éclat. La ville de Bambari, à 380 kilomètres au nord-est de Bangui, a subi une attaque fin décembre. Elle a donné lieu à deux heures d’échanges de tirs avec les Forces armées centrafricaines (FACA) et les Casques bleus de la Minusca. La ville, qui se veut "une cité pilote" pour le pouvoir, symbole de reconstruction et de pacification, ne serait pas tombée selon la Minusca.

Les groupes armés contrôlent également les axes routiers. A l'Ouest, l'itinéraire vers le Cameroun est désormais bloqué. Les camions s'entassent à Bangui ou à la frontière côté Cameroun, plus aucun chauffeur ne voulant prendre de risques. Conséquence directe, un début de pénurie touche Bangui.

Les puissances étrangères en soutien

Le président Touadéra semble encore pouvoir compter sur quelques alliés. En premier lieu la Russie qui a reconnu du bout des lèvres avoir envoyé un contingent de plusieurs centaines de soldats, officiellement de simples instructeurs.

Le Rwanda a également annoncé avoir "déployé une force de protection en République centrafricaine, dans le cadre d'un accord bilatéral de défense". Le gouvernement rwandais n'a pas donné de précisions quant au nombre de ses soldats, ni sur leurs objectifs. Kigali parlant d'une réponse aux attaques ciblées subies par ses hommes engagés dans la Minusca.

La France, enfin, a par deux fois envoyé ses avions de chasse survoler les points chauds. Marquant ainsi son soutien à l'actuel président de la Centrafrique, sans oublier de condamner "des tentatives des groupes armés et de certains leaders politiques, dont François Bozizé, de saper les accords de paix et le processus électoral constitutionnel soutenus par la communauté internationale", selon le communiqué de l'Elysée.

Le retour de François Bozizé

Car le retour de François Bozizé est un élément important dans ce que traverse la Centrafrique en ce moment. L'homme est un habitué des coups d'Etats et des exils. C'est par un coup d'Etat qu'il a accédé au pouvoir en 2003 (après deux putschs manqués) et c'est la rébellion de la Séléka qui l'en chassera en 2013. Revenu de son exil au Cameroun, sa candidature à la dernière présidentielle a été rejetée, au motif des sanctions internationales qui pèsent sur lui. Le conseil de sécurité des Nations unies en a même fait l'instigateur des troubles qui secouent le pays.

Un air de déjà-vu traverse la République centrafricaine. En fait, elle ne s'est jamais remise des événements meurtriers de 2013. Depuis, elle navigue dans une fausse paix, que les forces des Nations unies tentent de sauver. Dans ce contexte très incertain, le pouvoir de Faustin-Archange Touadéra ne semble tenir que de la volonté de puissances étrangères...

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