"Il y a eu des erreurs" : après des mois de scandales, Facebook s'explique
Dans une interview accordée au "Parisien", le patron de Facebook France, Laurent Solly, tente de répondre aux accusations contre le réseau social. Mardi prochain, Mark Zuckerberg annoncera des nouveautés.
C'est suffisamment rare pour être signalé : le mea culpa d'un dirigeant de Facebook, le premier réseau social du monde. Dans une interview exclusive publiée dimanche 28 avril dans Le Parisien, le patron de Facebook France, Laurent Solly, revient ainsi sur les derniers scandales qui ont ébranlé la firme américaine depuis l'affaire Cambridge Analytica jusqu'au stockage de mots de passe, en passant par les pannes à répétition.
Laurent Solly répond sans détour aux questions que posent ces affaires : le réseau social peut-il garantir le respect de la vie privée ? Est-il capable d’enrayer la diffusion de fausses informations ? Comment peut-il améliorer la diffusion de contenus violents ? Entre excuses et propositions pour améliorer l’utilisation de Facebook, il tente de se défendre.
Sur la protection des données personnelles
Pas un mois sans que Facebook ne se retrouve dans la tourmente à cause de fuites de mots de passe ou d’e-mails. Il y a un an, le scandale Cambridge Analytica avait ébranlé la firme. Les données privées de plusieurs millions d'utilisateurs européens [jusqu'à 2,7 millions] "ont pu être transmis de manière inappropriée", avait annoncé la Commission européenne.
Plus récemment, le 21 mars, Facebook assurait dans un billet de blog avoir découvert que des mots de passe avait été stockés en clair, autrement dit sans protection. En avril, le réseau social avouait s’être trompé sur l’ampleur du phénomène. "Nous avons découvert de nouveaux mots de passe Instagram stockés en clair. Nous estimons aujourd'hui que le problème a touché des millions d'usagers Instagram."
Interrogé sur la garantie de protection des données personnelles, Laurent Solly, qui reconnait d'emblée qu'"il y a eu parfois des erreurs", l’assure : "C’est notre priorité". Pour cela, il promet de déployer "de meilleurs outils humains et technologiques", sans préciser les effectifs ou la nature de ces mesures prises "depuis des années".
Autre problème soulevé par les détracteurs de Facebook : le ciblage publicitaire. Sur ce point, Laurent Solly affirme que "la transparance est totale". L'utilisateur peut, "en trois clics", savoir pourquoi il a été ciblé par telle ou telle publicité. Enfin, il rappelle qu'il peut aussi "piloter un gestionnaire des préférences publicitaires", autrement dit choisir les marques qu'il veut voir, ou pas, dans son fil d'actualité.
Sur la diffusion de contenus illicites
Le 15 mars dernier, l’attentat de Christchurch, diffusé en direct sur Facebook, avait choqué le monde entier. La vidéo, virale, a été dupliquée des milliers de fois sur la plateforme avant d’être supprimée par les géants du web. Quelques jours plus tard, Facebook avait réagi en rappelant la chronologie des faits et ses actions : suppression du compte du tueur, retrait de la vidéo originale sur sa plateforme. Par la suite, le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, avait d'ailleurs détaillé dans un texte publié par quatre quotidiens internationaux, dont le JDD, "quatre idées pour réguler Internet". Il appelait notamment les gouvernements et pouvoirs publics à jouer un rôle dans la régulation des contenus violents sur internet.
Pour enrayer la diffusion de ces contenus, Facebook affirme au Parisien que "30 000 responsables de la sécurité et modérateurs" sont à pied d’œuvre derrière leurs écrans dans une vingtaine de centres dispersés aux quatre coins de la planète.
Alors pourquoi cette régulation n'a pas fonctionné pour la vidéo de l’attentat de Christchurch ? Elle a été diffusée en direct et les outils d’intelligence artificielle n’ont pas réussi à détecter le contenu comme violent. Car en plus des moyens humains, Facebook compte sur l’intelligence des machines pour analyser et détecter les vidéos ou images violentes. Laurent Solly estime qu’il "faut améliorer la technologie pour faire mieux". Autre possibilité, il envisage de "restreindre, voire d’interdire, l’utilisation de Facebook Live à ceux qui auraient déjà enfreint les règles de Facebook".
Sur la diffusion de fausses informations
Le principal problème de Facebook pendant les élections ? Les faux comptes. "Ce sont les premiers propagateurs" de fausses informations, assure Laurent Solly. Pour lutter contre ce biais, il assure qu’en 2018 "1,5 milliard de faux comptes, de fausses pages" ont été supprimés.
Autre mesure mise en place en 2017 : le réseau de fact checking créé en France avec 44 partenariats. L’AFP, l’un des partenaires impliqués, aide le réseau social à "vérifier des contenus textuels, des photos et des vidéos [...] et en fonction, ces équipes certifiées décident d'en réduire la visibilité", rappelle Laurent Solly.
Facebook a aussi annoncé jeudi 25 avril l’extension d'un programme de surveillance qui permet de filtrer les "fake news" locales. A l'approche des élections européennes, la firme a signé des contrats avec cinq nouvelles entreprises spécialisées dans la surveillance à qui Facebook délègue cette mission : Ellinika Hoaxes en Grèce, FactCheckNI en Irlande du Nord, Faktograf en Croatie, Observador au Portugal, et Patikrinta 15min pour la Lituanie.
Laurent Solly annonce aussi l'"ouverture d'un centre des opérations, à Dublin, où toutes nos équipes seront rassemblées 24 heures sur 24, pour sortir les fausses pages, identifier toute tentative d'ingérence" .
Sur la situation fiscale de la firme
"Facebook paye ses impôts en France", assure le patron de Facebook France. Mais Le Parisien rappelle qu'en 2017 la firme n'a payé "que" 1,9 million d'euros, une réalité qui a poussé les pouvoir publics français à mettre en place une "taxe GAFA". Celle-ci devrait rapporter 500 millions d'euros à Bercy.
Fixée à 3% du chiffre d'affaires réalisé en France, depuis le 1e janvier 2019, elle s'applique aux géants du numérique : Google, Apple, Facebook, Amazon, ainsi qu'une trentaine d'autres groupes. Mais cela correspondrait à une goutte d'eau selon certaines associations comme Attac France, qui affirme que "64% de la part des chiffres d'affaires additionnés des GAFAM échappe à la taxe GAFA, celle-ci ne concernant que les revenus publicitaires et d'intermédiation".
Les chiffres clés de notre note "La #TaxeGAFA, une fausse solution à l'#EvasionFiscale"
— Attac France (@attac_fr) 8 avril 2019
Consultez la note de décryptage ➡️ https://t.co/wFwsYC6M4k pic.twitter.com/cwO5UrTuOw
Laurent Solly souligne de son côté qu'ils n'ont pas "attendu la loi sur la taxation des GAFA" pour décider que "tous les revenus générés par les équipes commerciales de Facebook France seraient déclarés en France à partir de 2018". Il l'assure : "Facebook va payer de plus en plus d'impôts en France. Et je vous dire quelque chose : c'est normal".
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