Mouvement de colère, barrages, risque de pénuries... Quelle est la situation à Mayotte, où se rendent Gérald Darmanin et Marie Guévenoux ?
Un déplacement au chevet d'une société en colère. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et la nouvelle ministre déléguée chargée des Outre-mer, Marie Guévenoux, sont à Mayotte, dimanche 11 février, afin de préparer une nouvelle opération "contre la délinquance et l'immigration illégale", Wuambushu 2. Il s'agit de donner "plus de moyens de force de l'ordre ou de justice", a annoncé Gérald Darmanin à la veille de son arrivée. "Je viens d’ailleurs avec 15 hommes du GIGN supplémentaires dans l'avion", a-t-il aussi prévenu.
Dès son atterrissage, le ministre de l'Intérieur a annoncé des mesures radicales : fin du droit du sol et des titres de séjour territorialisés, évolution du regroupement familial... Un "projet de loi d'urgence pour Mayotte" sera présenté "avant l'été en Conseil des ministres", a précisé Marie Guévenoux, à ses côtés.
La difficulté à enrayer la délinquance et l'immigration illégale à Mayotte a vu naître un mouvement de contestation qui, pour exprimer sa colère, dresse des barrages routiers partout dans l'archipel. Des actions qui compliquent l'activité économique et font peser de forts risques de pénuries dans les supermarchés du territoire. Franceinfo fait le point sur cette situation complexe et explosive.
Un mouvement social "contre l'insécurité et l'immigration"
Le département est en partie paralysé depuis le 22 janvier et le début des actions menées par les Forces vives de Mayotte, un collectif qui proteste "contre l'insécurité et l'immigration" sur ce territoire. Ses membres pointent notamment les résultats décevants de l'opération Wuambushu, lancée en grande pompe, au printemps dernier, par Gérald Darmanin. "Cette opération a tourné au fiasco. Et le fait que cette opération ait échoué, nous l'avons pris comme un coup de massue", expliquait à franceinfo Haoussi, un membre du collectif rencontré dans une manifestation mardi.
Le mouvement a, en outre, élargi ses revendications et demande la fin de "mesures législatives d'exception" qui, selon les manifestants, consacrent l'inégalité de Mayotte avec le reste de la France.
Près d'un millier de personnes étaient regroupées le 4 février dans le stade de Tsingoni. Mardi, selon Mayotte La 1ère, "plus d'un millier de manifestants se sont réunis" à Mamoudzou, et des échauffourées avec les forces de l'ordre ont eu lieu devant le tribunal administratif, où une partie des protestataires avaient convergé.
Les pénuries guettent en raison des nombreux blocages
Dès le 22 janvier, en parallèle des manifestations, le collectif des Forces vives de Mayotte a organisé des blocages routiers sur de nombreux axes de l'île, à l'aide de bennes à ordures et de pneus. Les gendarmes ont entamé la levée de ces barrages routiers le 27 janvier, mais ils ont ressurgi deux jours plus tard.
Depuis mercredi, les contestataires bloquent aussi le port de Longoni, au nord de l'île, qui est la principale porte d'accès des produits et denrées alimentaires. "Si le poumon économique de l'île est menacé, les autorités finiront par réagir", commentait le porte-parole du mouvement, Abdou Badirou, samedi. "Nous bloquons des ronds-points et des services publics depuis trois semaines, mais nous n'avons aucune réponse de l'Etat."
Logiquement, Mayotte voit les rayons de ses supermarchés se vider et les risques de pénurie poindre, alors que la contestation s'amplifie et que les effets d'une sécheresse historique dans l'archipel commençaient à peine à se résorber.
Entreprises et services publics atteints par la paralysie
Au-delà des pénuries alimentaires, c'est toute l'économie et la société qui frôlent la paralysie. La présidente du Medef à Mayotte constatait mercredi sur France Inter des "désistements dans les hôtels" et des réservations en berne dans les restaurants. Elle craint ainsi que "beaucoup de commerçants ne s'en sortent pas" face à cette situation.
Les services publics fonctionnent aussi au ralenti du fait des barrages, comme La Poste ou l'Education nationale. "Les écoles ne fonctionnent presque plus, parce que plus de la moitié des enseignants n'arrivent pas à l'école, et c'est très compliqué de travailler sereinement", déplorait Rivomalala Rakotondravelo, du syndicat de professeurs Snuipp-FSU, auprès de franceinfo mardi.
"Je pense qu'il est important de comprendre que la situation à Mayotte est quasi-insurrectionnelle", estimait la députée Liot de Mayotte, Estelle Youssouffa, sur franceinfo lundi. "Il y a les barrages de citoyens, mais il y a aussi les barrages montés par les bandes criminelles qui sévissent à Mayotte (...) qui profitent de la tension sociale pour semer la violence."
Un camp de demandeurs d'asile en cours de démantèlement
Ces blocages interviennent alors que la situation migratoire est toujours tendue sur place. Mercredi, Gabriel Attal a demandé une "accélération" du démantèlement du camp de demandeurs d'asile africains installé dans le quartier de Cavani, à Mamoudzou. Démarrée le 25 janvier à la demande du Premier ministre, l'évacuation de ce camp cristallise les tensions entre habitants et réfugiés à Mayotte.
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