Changement à l'Education, polémique au Logement, départs au sein de l'aile gauche... Les cinq leçons de l'annonce du gouvernement Attal

Article rédigé par Margaux Duguet, Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Amélie Oudéa-Castéra se rend au conseil des ministres à l'Elysée (Paris), le 12 janvier 2024. (LUC NOBOUT / MAXPPP)
Au total, l'équipe de Gabriel Attal compte 34 ministres, ministres délégués et secrétaires d'Etat. L'équilibre entre les partis de la majorité ne changent pas, malgré les critiques du patron du MoDem, François Bayrou.

Un gouvernement resserré, ou presque. Après un mois d'attente qui a mis les nerfs des intéressés à rude épreuve, la liste complète de l'équipe de Gabriel Attal est tombée, jeudi 8 février à 20h30. ​​"Pour compléter mon gouvernement, ça a pris un peu de temps", a lui-même reconnu le Premier ministre, invité de l'émission "L'Evénement", jeudi soir sur France 2. Ce sont 20 nouveaux ministres, ministres délégués et secrétaires d'Etat qui ont été nommés, et qui venant compléter la première liste des 14 ministres de premier plan, et la corriger en partie.

Malgré la tonitruante sortie de l'allié historique d'Emmanuel Macron, François Bayrou, les équilibres entre les trois composantes de la majorité présidentielle – Renaissance, le MoDem et Horizons – restent les mêmes. Le principal fait marquant de cette seconde vague de nominations réside dans le départ du ministère de l'Education nationale d'Amélie Oudéa-Castéra (qui conserve son précédent portefeuille des Sports et des Jeux), remplacée par l'ancienne garde des Sceaux, Nicole Belloubet. Voici ce qu'il faut retenir de l'annonce du gouvernement au complet de Gabriel Attal. 

1 Très fragilisée, Amélie Oudéa-Castéra perd l'Education nationale au profit de Nicole Belloubet

C'est la principale information de cette seconde vague de nominations du gouvernement Attal. Après un mois continu de polémiques diverses, Amélie Oudéa-Castéra est débarquée de l'Education nationale. Son grand ministère n'aura été qu'éphémère, mais cette ancienne joueuse de tennis conserve les Sports, en cette année olympique. "On a vu qu'il y avait un trouble, un malaise, elle s'en est d'ailleurs expliquée, elle s'est excusée. Ce qui nous importe le plus, c'est qu'on puisse avancer pour l'école", a justifié Gabriel Attal jeudi soir sur France 2. Et le chef du gouvernement d'ajouter : "Les conditions n'étaient plus remplies dans l'immédiat." Sur X, Amélie Oudéa-Castéra, qui avait perdu du soutien jusqu'au sein de la majorité présidentielle, s'est dit "honorée" d'avoir servi la communauté éducative. 

Pour la remplacer, c'est une ancienne ministre d'Edouard Philippe qui fait son grand retour. Nicole Belloubet, qui avait été garde des Sceaux de 2017 à 2020, décroche donc le portefeuille de l'Education nationale, elle qui a été rectrice des académies de Limoges et de Toulouse entre 1997 et 2005. A l'époque, opposée aux suppressions de postes dans cette dernière académie, elle avait choisi de claquer la porte. Pour justifier sa nomination, jeudi soir, Gabriel Attal a décliné le riche CV de cette ancienne membre du Conseil constitutionnel : "C'est une femme issue de la gauche, qui a été rectrice, qui connait très bien le ministère. (...) C'est une professeure de droit. Elle a par ailleurs été élue locale."

2 Les équilibres politiques restent inchangés, malgré la sortie fracassante de François Bayrou

Son tonitruant communiqué à l'AFP aura largement marqué l'attente de la liste complète du gouvernement de Gabriel Attal. "Sans accord profond sur la politique à suivre, je ne pouvais pas accepter d'entrer au gouvernement", confie François Bayrou, mercredi soir, alors que son nom circulait pour récupérer la charge de l'Education nationale. Le patron du MoDem, qui n'a prévenu personne de cette sortie, ouvre alors une crise ouverte avec la majorité. "Lunaire", confie à franceinfo un député Renaissance, tandis qu'un conseiller ministériel fustige "un boutiquier qui veut être président".

Jeudi soir, Gabriel Attal a refusé le terme d'"incident" pour qualifier l'épisode. Le MoDem conserve bien quatre postes au gouvernement, comme il en avait sous Elisabeth Borne. Mais avec de légers changements : Sarah El Haïry, jusqu'ici en charge de la Biodiversité, prend le portefeuille de la Jeunesse, de l'Enfance et des Familles ; Jean-Noël Barrot devient ministre délégué chargé de l'Europe, et quitte le secrétariat d'Etat au Numérique. Un portefeuille qui revient à Marina Ferrari, députée de Savoie, qui fait son entrée au gouvernement et compense le départ de Philippe Vigier, débarqué de son poste de ministre des Outre-Mer. Marc Fesneau reste, lui, ministre de l'Agriculture.

Du côté d'Horizons, le parti d'Edouard Philippe, le contingent est légèrement revu à la baisse. Christophe Béchu reste ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, mais Charlotte Caubel quitte, elle, le secrétariat d'Etat à l'Enfance. Agnès Firmin Le Bodo, éphémère ministre par intérim de la Santé, est pour sa part débarquée au profit du député Frédéric Valletoux, proche de l'ancien Premier ministre. Il occupera la même fonction, mais en tant que ministre délégué.

3 L'arrivée de députés spécialistes de dossiers techniques

Une nouvelle fois, l'exécutif se retrouve à piocher dans le vivier de parlementaires de la majorité pour compléter l'équipe gouvernementale. Frédéric Valletoux, député Horizons, est ainsi un spécialiste reconnu des questions de santé. S'il n'est pas médecin, il a eu le temps de découvrir l'écosystème en occupant pendant onze ans, de 2011 à 2022, la présidence de la Fédération hospitalière de France, qui regroupe la majeure partie des établissements publics de santé. Pendant la crise du Covid-19, il avait plusieurs fois tiré la sonnette d'alarme sur la situation des hôpitaux submergés. Devenu député, ses propositions pour lutter contre les déserts médicaux lui avaient valu l'hostilité d'une partie des médecins libéraux.

Marina Ferrari, qui vient du MoDem et a été élue députée en 2022, connaît très bien le secteur du numérique, elle qui a conservé à mi-temps son poste de cadre dans une start-up savoyarde qui conçoit des applications pour smartphones. C'est "un domaine que je connais, car j’ai travaillé dix ans dans le numérique, dans deux entreprises différentes", a-t-elle confié sitôt l'annonce de sa nomination connue, au Dauphiné Libéré. Au très important portefeuille du Logement, on retrouve le député Renaissance Guillaume Kasbarian, devenu, sur ces thématiques, une figure reconnue mais clivante.

Marie Guévenoux, cadre historique de Renaissance et députée de l'Essonne, première femme questeure de l'Assemblée nationale, hérite de son côté du portefeuille des Outre-mer. Cette femme politique d'expérience n'est pourtant pas reconnue sur les sujets ultra-marins, ce qui fait déjà grincer des dents. "Cette nomination nous laisse un peu pantois. On ne comprend pas, elle n’y connait rien à nos territoires", a ainsi réagi auprès de La 1ère Davy Rimane, le président guyanais de la délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale.

4 L'arrivée de Guillaume Kasbarian au Logement hérisse la gauche et les associations

Son nom circulait depuis des semaines pour le poste : Guillaume Kasbarian hérite donc du ministère délégué au Logement. Le député Renaissance n'est pas un inconnu pour ce secteur en crise. Avec Aurore Bergé, c'est lui qui a porté une loi qui durcit les peines contre les squatteurs. Le texte, critiqué pour sa fermeté envers les personnes qui ne paient plus leur loyer, a été adopté en juin 2023 par le Parlement.

Cette nomination a été immédiatement contestée par une partie du secteur du logement. Sur franceinfo, Pascal Brice, président de la fédération des acteurs de la solidarité, a vu dans la nomination de Guillaume Kasbarian "une véritable provocation", mot qui revient dans les mots de nombreux élus de gauche. "C'est un terrible revers pour toutes les associations", a fustigé la tête de liste écologiste aux élections européennes, Marie Toussaint. Pour Mathilde Panot, patronne des députés LFI, il s'agit d'"un crachat aux visages des quatre millions de personnes mal logées et 330 000 personnes sans-abris".

Même chez ceux dont le langage est plus modéré, l'attente est très forte et les demandes nombreuses : "Je l'appelle clairement à renoncer à réformer la loi SRU [promise par Gabriel Attal] qui serait une catastrophe pour l'égalité républicaine", a par exemple déclaré à l'AFP Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat.

5 Les cadres de l'"aile gauche" quittent définitivement le gouvernement

Pour eux, l'aventure gouvernementale est officiellement terminée. Olivier Véran, Clément Beaune et Olivier Dussopt, souvent présentés comme les principaux représentants de l'aile gauche du gouvernement depuis parfois plus de sept ans, ne travailleront pas aux côtés de Gabriel Attal. Si le premier d'entre eux avait confirmé sa volonté de ne pas prolonger au Travail ni ailleurs, le second, qui s'était opposé à la ligne gouvernementale sur la loi immigration, n'était pas aussi définitif. Enfin, Olivier Véran, à la Santé de 2020 à 2022, a été remplacé par Prisca Thevenot au porte-parolat.

Désormais, ces ex-ministres vont faire leur retour sur les bancs de l'Assemblée nationale, en compagnie d'Elisabeth Borne, qui a repris le chemin de sa circonscription jeudi. Quels rôles auront ces figures dans la majorité ? "Il va falloir les gérer", soupirait fin janvier un cadre de Renaissance en imaginant leur nouvelle vie de députés. "Olivier Véran, ça serait un enfer. Ce serait lui qui mettrait le plus le bazar. Olivier Dussopt va revenir découper des têtes dans l'opposition." Se pose également la question de savoir si ces élus vont vouloir s'émanciper au sein d'un groupe de gauche au Palais Bourbon, un sujet de rumeurs récurrentes au début de l'année.

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