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Rapatriées du jihad en France : qui sont les femmes et les enfants qui restent dans les camps en Syrie ?

La France a rapatrié mardi 25 mineurs et dix femmes depuis la Syrie. Paris présente ce rapatriement comme le dernier, alors qu'il reste encore des dizaines de femmes jihadistes détenues dans le pays, et au moins 50 enfants.
Article rédigé par Noé Pignède
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Une femme retenue au camp de Roj, en Syrie, marche avec son enfant, en mars 2021. (DELIL SOULEIMAN / AFP)

Dix femmes et 25 enfants, emprisonnés dans des camps de prisonniers jihadistes du nord-est de la Syrie, ont été rapatriés en France mardi 4 juillet. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères précise que "les mineurs sont remis aux services chargés de l'aide sociale à l'enfance", et feront l'objet d'un suivi médico-social. Les adultes, quant à elles, âgées de 23 à 40 ans, qui se sont toutes rendues volontairement dans la zone contrôlée par l'organisation Etat Islamique, vont être "remises aux autorités judiciaires compétentes", ajoute le ministère.

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Dans ces camps gérés par les Kurdes, "il reste une centaine d'enfants qui ne connaissent que la fange, les barbelés et la violence", a réagi mardi 4 juillet l'avocate Marie Dosé, qui défend des femmes emprisonnées dans le nord-est syrien.

Si des enfants français sont toujours présents dans ces camps, c'est en raison de la décision de leur mère. Près d'une cinquantaine de femmes ont ainsi refusé de monter dans l'avion qui décollait pour la France. Selon les informations de franceinfo, cinq jihadistes, qui devaient faire partie de ce rapatriement, se sont même cachées dans le camp de Roj, où elles sont détenues, pour échapper aux autorités.

Impossible de les obliger à revenir en France

La plupart de ces femmes jihadistes sont poursuivies par la justice française, mais pour autant, il n'est pas légalement possible de les arrêter pour les ramener en France contre leur gré. Cela s'explique par le fait qu'elles sont retenues dans une zone de non-droit, administrée par les miliciens kurdes et dont l'autorité n'est pas officiellement reconnue par la communauté internationale. "Ce n'est pas un Etat souverain, aucune procédure d'expulsion ne peut être mise en œuvre, et aucun mandat d'arrêt ne peut être notifié à ces mères détenues arbitrairement", appuie Maître Marie Dosé, qui défend des familles de jihadistes détenus dans ces camps.

Les femmes qui ont refusé de monter dans l'avion pour la France pour rester en Syrie, avec leurs enfants si elles en ont, dans un camp entouré de barbelés, insalubre, sans soins et sans école sont celles qui n'ont pas renié l'idéologie jihadiste du groupe Etat Islamique. Parmi ces femmes, on trouve par exemple les veuves des frères Clain, les deux jihadistes français qui ont revendiqué les attentats du 13 novembre 2015 à Saint-Denis et Paris. Ces femmes continuent de glorifier leurs maris, tués dans des bombardements, et éduquent leurs enfants dans la terreur et la haine.

"Certaines sont toujours soumises à une idéologie extrémiste, d'autres ne supportent pas l'idée d'être séparées de leurs enfants, d'autres encore redoutent les conséquences de leur prise en charge en France", écrit l'avocate Marie Dosé, qui liste "le placement en foyers, la rupture du lien familial et le fichage". Ces jihadistes savent bien que si elles rentrent en France, elles iront en prison, et seront privées de leurs enfants qui seront confiés à l'aide sociale à l'enfance. Elles préfèrent donc rester en Syrie coûte que coûte.

L'épineuse question du sort des enfants de jihadistes

Pour l'instant, le Quai d'Orsay refuse de communiquer sur le sort de ces enfants français qui seraient, selon nos informations, entre 50 et 80, toujours retenus dans ces camps tenus par les Kurdes. La seule solution serait que les milices kurdes de Syrie remettent ces enfants à une autorité reconnue, comme l'Irak, qui n'est qu'à une vingtaine de kilomètres du camp de Roj. Une fois sur le territoire irakien, ils pourraient être expulsés vers la France.

"Plutôt que de déléguer aux autorités kurdes la détention de leurs enfants et de leurs mères, il est impérieux que la France agisse afin que les Kurdes de Syrie procèdent à leur expulsion vers un pays tiers. La France a les moyens d'imposer le retour de ces enfants, qui peuvent tout à fait être conduits avec leurs mères au Kurdistan irakien en vue de leur expulsion vers la France, que ce retour soit ou non accepté par ces femmes."

Maître Marie Dosé

communiqué

Pour ces mineurs qui grandissent sans éducation ni accès aux soins dans ces camps, c'est la double peine. La plupart sont nés en Syrie ou y ont été amenés de force par leurs parents. Ils y ont vécu la guerre, les bombardements, et sont aujourd'hui privés d'avenir dans une prison à ciel ouvert, otages de leurs mères radicalisées.

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