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Attaque au couteau à Romans-sur-Isère : ce que l'on sait du suspect en garde à vue

L'homme de 33 ans soupçonné d'avoir tué deux personnes samedi dans la Drôme s'est longuement confié aux enquêteurs pendant sa garde à vue. Il doit être présenté au Parquet national antiterroriste mercredi. 

Article rédigé par franceinfo - Sophie Neumayer et Eric Pelletier
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'attaque au couteau a fait deux morts, le 4 avril 2020, à Romans-sur-Isère (Drôme).  (MAXPPP)

Qui est-il vraiment ? Et quelles étaient les réelles motivations de ce réfugié soudanais de 33 ans, Abdallah A.-O. ? L'assaillant au couteau, qui a tué deux personnes et en a blessé cinq autres, samedi 4 avril, à Romans-sur-Isère (Drôme), s'est longuement confié aux enquêteurs qui l'interrogent.

Son périple meurtrier est considéré comme ayant eu "pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur". Le Parquet national antiterroriste (PNAT) s'est donc saisi de l'enquête. Arrivé en France en 2016, Abdallah A.-O. a obtenu le statut de réfugié l'année suivante. Il semblait avoir réussi son intégration. Salarié en CDD dans une maroquinerie, il était en passe d'obtenir un contrat à durée indéterminée. Son patron décrit comme "travailleur" le jeune homme, qui n'avait pas non plus de problèmes de voisinage et n'était pas connu des services de renseignement.

"Il avait la sensation d'être épié"

Au début de sa garde à vue, samedi, le suspect est apparu psychologiquement instable, mais son état a finalement été jugé compatible avec son audition. Le soir même, il a livré sa version pendant plus de trois heures et demie aux enquêteurs de la Sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). "Il a confié que, depuis quelques jours, il se sentait mal dans sa peau. Il avait notamment la sensation d'être épié, indique-t-on dans les cercles de l'enquête. Il affirme qu'il supportait mal le confinement et de se trouver au chômage technique."

La crainte d'être atteint du coronavirus l'aurait amené à consulter un médecin le 29 mars. Le jeune homme a justifié les agressions en indiquant qu'il cherchait à se défendre face à des gens qui lui voulaient du mal. Il a expliqué aux enquêteurs avoir "pété les plombs" mais, paradoxalement, a assumé son périple meurtrier au nom de la religion. Les enquêteurs de la SDAT et de la DGSI cherchent à savoir si ses explications confuses sont sincères ou si elles visent à égarer les investigations.

Des textes religieux, "sans grande cohérence"

Peu après les faits, les policiers antiterroristes ont saisi trois feuillets manuscrits, en français et en arabe, d'une dizaine de lignes chacun, stigmatisant la France, comparée à un "pays de mécréants", et invoquant les "combattants". "Pas à proprement parler un testament mais plutôt des textes religieux, sans grande cohérence", souligne une source proche du dossier.

Les témoins du drame restent marqués par le regard du suspect, décrit comme "froid", et par son attitude "déterminée". Ils se penchent sur les relations de l'assassin présumé, à commencer par ses échanges téléphoniques et numériques. Ces expertises informatiques n'ont, à ce stade, pas mis en évidence de liens avec une quelconque organisation terroriste, ni même de consultation de sites jihadistes. Pas de preuves non plus de consommation de propagande ou d'une "allégeance" à un groupe structuré.

L'homme, qui demeurait en contact téléphonique avec son épouse restée dans leur pays d'origine, disposait d'une demi-douzaine de téléphones portables, la majorité étant des modèles anciens et hors d'usage. Seul l'un d'eux, dont il a accepté de donner le code de déverrouillage, semblait actif. L'exploitation d'une clé USB n'a pas apporté davantage d'explications à son geste. Aucune trace d'antécédents psychiatriques n'a été relevée. Les expertises toxicologiques n'ont pas mis en évidence de consommation d'alcool, ni de prise de stupéfiants.

"Un profil hybride"

"Il s'agit d'un profil hybride, que nous avons déjà vu apparaître lors de l'attaque de la préfecture de police de Paris [quatre morts en octobre 2019] ou à Villejuif [un mort et deux blessés en janvier] : instable psychologiquement, quasi paranoïaque et influencé par les discours des organisations terroristes, idéologie qui les incite au passage à l'acte", résume l'une des sources proches du dossier.

Deux autres hommes, de nationalité soudanaise eux aussi, ont été placés en garde à vue. L'un d'eux a été remis en liberté lundi. Le second était toujours interrogé mardi après-midi. Celui-ci est considéré comme un témoin clé : il a en effet passé la nuit précédant l'attaque au domicile de l'auteur présumé. Il avait, dit-il, jugé utile de tenir compagnie à son ami qui ne se sentait pas bien.

Abdallah A.O. devrait être présenté au Parquet national antiterroriste mercredi, au terme de sa garde à vue. L'un des premiers actes des juges d'instruction qui hériteront de l'affaire de Romans-sur-Isère devrait consister en une expertise psychiatrique. Trois blessés se trouvent encore hospitalisés mais leurs jours ne sont plus en danger.

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