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Terrorisme : ce qu'il faut retenir du rapport qui remet en cause le système d'alerte en France

Rédigé par le sénateur Les Républicains Jean-Pierre Vogel, ce rapport dresse un constat sévère de l'état des systèmes d'alerte de la population en cas d'attentat. En ligne de mire : l'application mobile d'alerte attentat.

Article rédigé par franceinfo
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L'application SAIP a été lancée le 8 juin 2016. (BERTRAND GUAY / AFP)

C'est un système "obsolète","contestable" et même "défaillant". Le "système d'alerte et d'information des populations" (SAIP), déclenché en cas d'attentats, est l'objet d'un rapport particulièrement critique du sénateur Jean-Pierre Vogel, élu Les Républicains de la Sarthe, rendu public lundi 7 août. Ce texte, consulté par le journal Le Monde samedi, s'inquiète des dysfonctionnements du système d'alerte attentat en France, et des retards particulièrement importants du pays dans le domaine.

Application mobile peu utilisée, réseau de sirènes "obsolète" et retard dans le lancement de SMS d'alerte : franceinfo vous résume ce qu'il faut retenir des conclusions de ce rapport sénatorial. 

Une application d'alerte mal conçue et peu efficace      

Dans son rapport, le sénateur Jean-Pierre Vogel regrette que l'application mobile SAIP ait été conçue "dans l'urgence", ce qui aurait "nui à la qualité du produit final", précise Le Figaro. L'application d'alerte attentat a été lancée le 8 juin 2016 dans le cadre de l'Euro de football. Soit seulement cinq mois après la décision de lancer un tel dispositif, rappelle Le Monde. En un an et deux mois, seuls 900 000 personnes l'ont téléchargée sur leur téléphone mobile. Pour Jean-Pierre Vogel, l'application ne peut être vraiment efficace qu'à partir d'un minimum de cinq millions d'utilisateurs. 

L'élu rappelle également les dysfonctionnements de ce système d'alerte depuis son lancement. Lors de l'attentat de Nice, le 14 juillet 2016, le message d'alerte de l'application a été envoyé près de trois heures après les faits. Les autorités s'étaient pourtant engagées à transmettre l'information d'un attentat "dans les 15 minutes", rappelle L'Express. L'application SAIP a également envoyé de fausses alertes, à la suite d'un canular téléphonique annonçant une prise d'otages dans le quartier des Halles, à Paris, et lors d'une fusillade dans un lycée de Grasse, au mois de mars dernier. Comme le précise le journal Sud-Ouest, l'auteur n'était pas un terroriste, mais un adolescent "fragile et fasciné par les armes"

Jean-Pierre Vogel regrette enfin que l'application n'ait pas répondu à son objectif initial. Selon le sénateur, l'application "devait initialement reposer sur une solution technique permettant la diffusion, en toute circonstance, de SMS d’alerte et d’information, en liaison avec les opérateurs de téléphonie mobile". Lors des récentes attaques au musée du Louvre, en février, et sur l'avenue des Champs-Elysées le 20 avril, la préfecture de police de Paris a préféré communiquer via son compte Twitter, et non via l'application. 

Des alertes par SMS toujours pas testées

C'est l'un des principaux regrets du sénateur de la Sarthe. Selon Jean-Pierre Vogel, la méthode du "Cell broadcast" ou "diffusion cellulaire" – le fait d'envoyer des SMS d'alerte lors d'un attentat – est sûrement la plus efficace, car elle permet de toucher un public bien plus large, au-delà des utilisateurs de smartphones. Ce système est notamment utilisé aux Etats-Unis, en Chine, aux Pays-Bas ou en Espagne, rapporte Libération. Selon Le Monde, les autorités réfléchissent au lancement de ce dispositif depuis 2011. 

Pourquoi, alors, n'est-il toujours pas mis en place ? Dans son rapport, l'élu Les Républicains explique que les opérateurs de téléphonie mobile ont répondu avec réticence au projet, s'inquiétant du coût qu'engendrerait un tel dispositif. Jean-Pierre Vogel évoque un montant total de "plusieurs dizaines de millions d'euros", pour l'adaptation des équipements mobiles en vue de l'application d'un tel système. Le quotidien rappelle le coût bien plus faible de l'application mobile SAIP : 300 000 euros. 

Un réseau d'alerte par sirène vétuste

Le rapport sénatorial dénonce enfin le choix du gouvernement de privilégier encore "un réseau de sirènes devenu totalement obsolète". 80% des 44,7 millions d'euros prévus jusqu'en 2019 pour les systèmes d'alerte sont consacrés à la modernisation de ce réseau de sirènes, précise Challenges. "Ce choix est contestable, les sirènes, initialement installées pour répondre au risque de bombardement aérien pendant la guerre froide, n'étant aujourd'hui quasiment jamais utilisées dans d'autres contextes que ceux des essais hebdomadaires", regrette le sénateur Jean-Pierre Vogel dans ce rapport.

Selon Le Monde, la rénovation des près de 3 000 sirènes à travers le territoire devrait se poursuivre jusqu'en 2022. Le rapport sénatorial s'interroge sur l'utilité de cette modernisation. Pourquoi y consacrer la quasi-totalité des crédits alloués aux systèmes d'alerte, alors que les règles en cas de déclenchement d'une sirène ne sont pas claires ? Selon Jean-Pierre Vogel, "la plupart des Français" n'ont "aucune idée" de la bonne marche à suivre si une sirène se déclenche. 

Le sénateur appelle à une évaluation de l'ensemble de ces systèmes au cours des deux prochaines années. Interrogé par Le Monde, le ministère de l'Intérieur a assuré prévoir une "évaluation" de l'application SAIP, sans toutefois en annoncer la date. 

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