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Récit Attentat de Nice : comment la soirée du 14-Juillet a tourné au cauchemar

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Des corps recouverts d'un drap sur la promenade des Anglais, à Nice (Alpes-Maritimes), après l'attaque d'un chauffeur à bord d'un camion, le 14 juillet 2016. (MAXPPP)

Un poids lourd a fait un carnage jeudi, juste après le traditionnel feu d'artifice. Francetv info déroule le fil de cette soirée d'horreur.

L'air est doux et la fête bat son plein sur la promenade des Anglais, à Nice (Alpes-Maritimes), en ce jour de fête nationale. La "prom", comme l'appellent les Niçois, est bondée, jeudi 14 juillet, comme chaque année à la même date. Du monde s'est amassé pour assister à des concerts de pop ou encore de blues/jazz donnés dans le cadre de la Prom' Party, la première de l'été, précise la Ville sur son compte Twitter.

Clou du spectacle : le feu d'artifice tiré à 22 heures, face à l'Office du Tourisme, située au 5, promenade des Anglais.

Le feu d'artifices, à Nice (Alpes-Maritimes), le 14 juillet 2016. (VALERY HACHE / AFP)

Le spectacle pyrotechnique se termine à 22h30. Quelques instants après, alors que Niçois et touristes quittent la plage et commencent à se disperser dans le calme, un camion frigorifique blanc de 19 tonnes, garé au niveau de l'hôpital Lenval, démarre et se dirige vers la foule. Suzy, une Niçoise de 65 ans, partage ses souvenirs avec L'Obs.

Juste après le bouquet final, les lumières de la rue se sont rallumées, l'orchestre a commencé à rejouer. Le camion a surgi de la droite et s'est déporté sur la promenade.

Suzy, 65 ans, Niçoise

à L'Obs

Le véhicule roule encore à faible allure. Un motard le longe sur la gauche et cherche à ouvrir la portière de la cabine, rapporte un journaliste allemand, Richard Gutjahr. "Mais il a chuté et il est passé sous les roues du camion", ajoute-t-il. Témoin de la scène depuis le balcon de son hôtel, il a tourné une vidéo avec son smartphone. Un extrait est visible dans ce sujet de France 2, après 12 secondes.

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Mouvement de foule

Stéphane, 55 ans, confirme à l'AFP que le véhicule a démarré aussitôt après le spectacle : "Juste après le feu d'artifice, on a entendu un bruit de l'autre côté du trottoir où on se trouvait, côté mer. Il s'est passé 10-15 secondes, et on a vu des gens affluer vers nous, vers le restaurant, complètement éberlués en disant 'Il y a un attentat ! Il y a un attentat !'"

Le vent de panique est soudain et violent. "Tout le monde marchait normalement, tranquillement, et d'un coup, un mouvement de foule. Tout le monde à commencer à courir, hurler, relate Sandrine à France 2. Quand je me suis retourné, en fait, le camion était à quelques mètres de moi, (…)  j'ai vu la tôle du toit du restaurant en dessous et, par réflexe, j'ai sauté dans le vide." Un "réflexe" qui lui sauve la vie.

VIDEO. Devant l'hôpital Pasteur de Nice, blessés et proches de victimes affluent
VIDEO. Devant l'hôpital Pasteur de Nice, blessés et proches de victimes affluent VIDEO. Devant l'hôpital Pasteur de Nice, blessés et proches de victimes affluent (FRANCE 2)

Car le camion fait de nombreuses victimes. Le véhicule file "à une allure folle sur les gens, donnant des coups de volant pour faucher un maximum de personnes"raconte Damien Allemand, journaliste à Nice-Matin, qui a assisté au feu d'artifice depuis la plage, "au niveau du High Club, juste à l’endroit où la 'prom' devient piétonne".

J’ai vu des corps voler comme des quilles de bowling sur son passage. Entendu des bruits, des hurlements que je n’oublierai jamais.

Damien Allemand, journaliste à "Nice-Matin"

"Quilles". Le même terme est aussi utilisé par Tiffany, 27 ans. Originaire de Haute-Savoie, elle est venue passer quatre jours à Nice avec son compagnon, en amoureux. "Le poids lourd passait sur leurs corps comme si c'étaient des quilles. J'ai vu un garçon au sol. Il devait avoir cinq ans, c'est l'âge de mon fils", dit-elle au Parisien, en sanglotant.

"Le conducteur avait l'air de s'amuser"

"C'était le chaos absolu", décrit Robert Holloway, journaliste à l'AFP. "J'ai entendu un boum, je me suis retournée et là, j'ai vu le camion qui fonçait et des corps qui voltigeaient. On voyait qu'il voulait faire le maximum de victimes. Il roulait vite. C'était horrible, témoigne Najate, une Niçoise de 52 ans. J'ai vu un père avec son fils de deux ans dans les bras. Le petit était mort. Après, je ne comptais plus les morts", poursuit celle qui traversait la promenade des Anglais à cet instant précis. "J'ai vu un petit coupé en deux, sa poussette est restée intacte", ajoute Laroussi. "Le camion était presque sur nous. J'ai même eu le temps de voir le visage du conducteur, barbu, qui avait l'air de s'amuser", précise Cyprien à L'Obs.

Le véhicule meurtrier continue de zigzaguer au milieu de la foule. Au niveau de l'Hôtel Negresco, le conducteur tire sur trois policiers. Les agents répliquent. Finalement, le véhicule s'immobilise sur la "prom", à hauteur du Palais de Méditerranée, après avoir parcouru environ 2 kilomètres.

Le parcours du camion utilisé lors de l'attentat de Nice sur la promenade des Anglais, jeudi 14 juillet, et la délimination de la zone interdite à la circulation. (FRANCETV INFO)

Les policiers abattent le chauffeur

Les échanges de tirs ajoutent de la panique à la panique. "On entend des coups de feu. Ça a été la débandade, on a couru comme des fous (…) On avait le sentiment qu'on nous tirait dessus. On a couru vers la mer pour échapper aux tirs, il y a des gens qui allaient même dedans", témoigne Pascale. Dans la cohue, les passants tentent de trouver refuge dans des cafés, des bars, des hôtels ou des parkings. "Le camion s’est arrêté net, à quatre mètres de moi. Je n’ai rien compris. Mes copines m’ont tiré pour courir. On s’est réfugiées dans un hôtel, Le Royal. A l’intérieur, il y avait peut-être quatre-vingts personnes. Des jeunes, des vieux, des femmes, en pleurs ou qui criaient. Certains faisaient des malaises", se souvient Alexandra, 27 ans, interrogée par la Tribune de Genève.

Les agents abattent rapidement le chauffeur. "Ils l'ont tué, il avait la tête qui sortait", précise Nader au micro de BFMTV.

Des policiers près du camion blanc qui a foncé dans la foule sur la promenade des Anglais, à Nice (Alpes-Maritimes), le 14 juillet 2016. (VALERY HACHE / AFP)

Tout s'est passé en moins de deux minutes

Des corps jonchent la promenade des Anglais. Kevin, restaurateur, est "à peu près à 50 m des lieux". Il dit à francetv info avoir vu des "scènes horribles" : "Des corps de femmes écrasées, plein de sang. Il n'y avait plus personne à secourir alors j'ai rebroussé chemin." 

Après s'être abrité, le journaliste Damien Allemand revient sur les lieux du drame. Il aperçoit des corps "tous les cinq mètres". "Les plagistes ont été les premiers sur les lieux. Ils ont amené de l’eau pour les blessés et des serviettes qu’ils ont déposées là où il n’y avait plus d’espoir (…). J’ai remonté la "prom" et j’ai pris conscience de l’ampleur du drame", écrit-il.

Des corps recouverts sur la promenade des anglais à Nice (Alpes-Maritimes), le 14 juillet 2016. (MAXPPP)

Tout cela se passe en moins de deux minutes. Il n'est pas encore 23 heures. Ce n'est qu'à 23h25, que Christian Estrosi, président de la région PACA, rapporte qu'un camion a fait des "dizaines de morts".

Le police municipale de Nice invite, à 23h49, "la population niçoise à garder son calme et ne pas sortir de chez soi". Il est 23h58 lorsque le sous-préfet des Alpes-Maritimes indique qu'il y a "plusieurs dizaines – peut-être une trentaine – de morts". Très vite, le bilan grimpe à "au moins 60 morts" pour se stabiliser à un peu plus de 80 personnes tuées.

Cellule de crise à Paris

Alors qu'il est à Avignon pour assister au festival, François Hollande se rend à la cellule de crise gouvernementale mise en place à Paris, au ministère de l'Intérieur. Bernard Cazeneuve annonce, de son côté, se rendre à Nice dans la nuit, tout comme Marisol Touraine, la ministre de la Santé.

Entre temps, circule la rumeur d'une prise d'otages dans un restaurant Buffalo Grill, ainsi que dans les hôtels Negresco et le Méridien, situés sur la promenade des Anglais. Le ministère la dément à 00h37.

Facebook active son dispositif "Safety Check" pour permettre à ses utilisateurs présents dans la région de se signaler "en sécurité". Des Niçois proposent sur Twitter d'accueillir les gens paniqués avec le hashtag #portesouvertes. Un semblant de calme revient.

Hollande condamne une attaque "terroriste"

Le parquet antiterroriste annonce, aux alentours de 1h30, se saisir de l'enquête alors que l'attaque n'est pas encore revendiquée. Au cœur de la nuit, à 3h50, François Hollande prend la parole lors d'une allocution télévisée depuis le palais de l'Elysée. Pour lui, "c'est une attaque dont le caractère terroriste ne peut être nié". Le chef de l'Etat déclare que "c'est toute la France qui est sous la menace du terrorisme islamiste". Il annonce également la prolongation de l'état d'urgence alors qu'il devait prendre fin le 26 juillet.

VIDEO. Après l'attaque de Nice, Hollande annonce la prolongation de l'état d'urgence
VIDEO. Après l'attaque de Nice, Hollande annonce la prolongation de l'état d'urgence VIDEO. Après l'attaque de Nice, Hollande annonce la prolongation de l'état d'urgence

Au petit matin, de nombreux quartiers de Nice sont bouclés. Un important dispositif de sécurité est déployé dans la ville et un PC sécurité est installé dans le Palais de Méditerranée. Sur la promenade des Anglais, totalement fermée au public, les corps des victimes sont encore présents. Les dépouilles sont parfois simplement recouvertes d'un drap. Elles doivent être évacuées dans le courant de la journée. Et alors qu'un nouveau bilan officiel fait état d'au moins 84 morts et de 18 personnes entre la vie et la mort, les enquêteurs continuent de s'activer.

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