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Vidéo Violences policières : "On est dans une situation alarmante pour la démocratie", dénonce le président de la Ligue des Droits de l’Homme

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Article rédigé par franceinfo
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L’avocat dénonce des interventions des forces de l’ordre "disproportionnées". Selon lui, "il faut revenir à une véritable déontologie des forces de l’ordre".

"On est dans une situation particulièrement alarmante pour la démocratie", s’est ému mercredi 22 mars sur franceinfo Me Patrick Baudouin, président de la Ligue des droits de l'Homme alors que le mouvement social contre la réforme des retraites se durcit depuis quelques jours après le recours au 49.3. Plusieurs manifestants ont dénoncé les violences policières et les interpellations arbitraires lors des rassemblements. 

Ce mouvement social, qui est clairement en train de déborder, vous inquiète-t-il ?

C'était pleinement prévisible face à la surdité et à l'aveuglement du pouvoir et d'autre part, c'est effectivement extrêmement inquiétant parce qu'on a le sentiment que c'est incontrôlé et incontrôlable. On ne sait pas vers où l'on va. On est dans une situation particulièrement alarmante pour la démocratie et en présence de violences policières qui ne peuvent que faire dégénérer la situation.

Le ministre de l’Intérieur demande aux policiers de ne pas répondre aux provocations de l'extrême gauche. Tant que les manifestations ne sont pas déclarées, le préfet de police ne laissera pas faire le désordre, assure-t-il. Est-ce la bonne façon de fonctionner ?

Ça donne un peu l'impression du pyromane qui a ensuite un peu du mal à éteindre l'incendie. Il ne faut quand même pas oublier que la cause de ces manifestations, c'est encore une fois l'entêtement du pouvoir. Les manifestations non autorisées, ce ne sont pas des manifestations interdites. Il faut faire la différence. Ce sont des rassemblements spontanés, qui d'ailleurs se tiennent en général à peu près paisiblement, jusqu'au moment où interviennent des forces de l'ordre. Ces interventions des forces de l'ordre sont actuellement à nouveau, comme cela a été le cas au moment de la crise des Gilets jaunes, disproportionnées. On voit d'abord, et ça vient d'être dénoncé par la Défenseure des droits, des interpellations abusives, préventives, c'est-à-dire de manifestants qu'on va essayer d'empêcher d'accéder au lieu d'un rassemblement. C'est une atteinte à la liberté de manifestation. Les autres éléments que l'on a pu constater dans les jours écoulés, c'est tout de même à nouveau un comportement excessivement violent de la part des forces de l'ordre. On retourne à ce qu'on appelle la technique de la nasse qui pourtant a été interdite par le Conseil d’État.

300 policiers blessés depuis le début du mouvement contre la réforme des retraites, dont deux gravement. Les policiers sont aussi victimes de violences. Vous en convenez ?

J'entends l’argument. Je ne suis pas là du tout pour ‘taper sur la police’. Ce n'est pas du tout la position de la Ligue. Je ne conteste pas ni la difficulté du métier ni le fait qu'il n'est pas normal évidemment que des policiers puissent être blessés. Le problème, c'est la réponse qui est apportée au niveau du pouvoir, dans la technique du maintien de l'ordre. C'est une technique à nouveau de provocation et de violence qui elle-même va générer inévitablement une réaction qui va se reporter sur les policiers eux-mêmes. Donc il faut revenir à une véritable déontologie des forces de l’ordre. Les policiers ont un numéro d'identification parce qu'il y a des abus, il y a des bavures, c’est incontestable. Le numéro Rio, [ce numéro d’identification individuel] on ne le voit pas pour beaucoup de policiers. Or, c'est élémentaire en terme aussi de déontologie. C'est cela que nous reprochons. Aujourd'hui, il y a aussi le recours au matraquage qui est quand même assez systématique. Les Brigades de répression de l'action violente motorisée (Brav M) sortent un peu du cadre du maintien de l'ordre normal. Ce sont des brigades de répression de la violence qui agissent elles-mêmes d'une façon qui est immédiatement ressentie comme violente. Donc, ça provoque forcément une étincelle.

Emmanuel Macron estime devant les députés de la majorité que la foule n'a pas de "légitimité" face au peuple qui s'exprime à travers ses élus. C’est un discours apaisant, selon vous ?

Certainement pas. Il faut distinguer la légalité et la légitimité. Il y a des périodes de notre histoire où on a eu des lois qui ont été adoptées en pleine conformité avec les dispositions légales et constitutionnelles et pour autant, elle était illégitime. Ce qu’oublie M. Macron, c’est qu'aujourd'hui, il y a une légitimité dans la réaction de la rue car, manifestement, il y a un mouvement populaire de grande ampleur qui est majoritairement et très largement hostile à cette réforme des retraites et à la façon dont ça s'est passé au Parlement. Venir nous dire aujourd'hui qu'il n'y a pas de légitimité à cette action, c'est extrêmement provocateur et en plus, c'est historiquement erroné. C'est à nouveau mettre de l'huile sur le feu.

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