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Pas de violences policières en France ? C'est "ridicule", mais "les policiers ont droit aussi à la présomption d'innocence", estime l'avocat Éric Dupond-Moretti

"Dire que la police est raciste, ce n'est pas vrai. Nier qu'il y ait des policiers racistes, c'est une hérésie", a notamment affirmé l'avocat.

Article rédigé par franceinfo
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L'avocat Éric Dupond-Moretti, à Lyon, le 24 septembre 2019. (ROMAIN LAFABREGUE / AFP)

Éric Dupond-Moretti, avocat notamment du jeune Théo, gravement blessé lors d'un contrôle de police il y a quatre ans à Aulnay-sous-Bois, a estimé jeudi 11 juin sur franceinfo qu’il était "ridicule" et "excessif" de déclarer qu’il n’y avait pas de violences policières en France, comme l’a affirmé le patron des Républicains, Christian Jacob, mais a rappelé que "les policiers avaient droit aussi à la présomption d'innocence".

franceinfo : La France a-t-elle un problème avec une partie de sa police ?

Éric Dupond-Moretti : Aujourd'hui, il y a toujours eu un certain nombre de bavures, contrairement à ce que dit monsieur Christian Jacob, mais ce n'est pas que ça la police.

Christian Jacob, le patron des députés Républicains, a dit qu'il n'y avait pas de problème de violences policières en France...

C'est ridicule, c’est excessif. Comme d'ailleurs, un certain nombre d'autres excès. L'opinion publique raisonne un peu comme les réseaux sociaux. Elle est volatile et inflammable et on n'est plus dans la raison. Dire que la police est raciste, ce n’est pas vrai. Nier qu'il y ait des policiers racistes, c'est une hérésie. D'ailleurs, il suffit de voir le résultat des élections syndicales au sein de la police et vous verrez les scores du Rassemblement national. C’est un vrai signe.

Le ministre de l’Intérieur a annoncé l'interdiction de la méthode d'interpellation dite de "l'étranglement", qui pourrait être remplacée par le pistolet à impulsion électrique. Est-ce remplacer un problème par un autre ?

Sans doute parce qu’il y a déjà eu des accidents graves avec le taser. Il y a eu des accidents avec le flashball pendant les manifestations des "gilets jaunes". La police a le droit d'utiliser la violence quand l'utilisation de la violence est légitime et mesurée. Moi, je ne suis pas un spécialiste des arts martiaux. Je sais qu'à un moment, l'utilisation de la violence peut être légitime. La question est de savoir si d'abord c'est légitime et ensuite dans quelle mesure il n'y a pas de disproportion.

Est-ce que vous avez le sentiment, comme les responsables des syndicats policiers, qu'ils ont été lâchés ces derniers jours par Christophe Castaner ?

Il y a quelque chose qui m'a beaucoup choqué, c'est que l'on parle de "suspicion" à l'égard de policiers. De policiers qui pourraient être révoqués sur une simple suspicion. Les policiers ont droit aussi à la présomption d'innocence et on ne sanctionne pas quelqu'un sur une suspicion, cela me choque beaucoup. En revanche, qu’on vire le policier qui a été pris la main dans le pot de confiture et qui est un raciste avéré − je dis bien avéré, pas soupçonné − c'est la moindre des choses. Moi, je pense que la solution est dans le contrôle. Dans une grande démocratie, on doit faire confiance a priori à la police, mais, et c'est le corollaire indispensable, on doit également la contrôler. Et ça, c’est le travail notamment de la justice.

C’est aussi le travail de l’IGPN, la police des polices. Est-ce qu’elle fait bien son travail et est-elle suffisamment indépendante ?

Cela pose parfois question dans certains dossiers. Mais c’est l'occasion, peut-être, de remettre à plat toutes ces histoires et de répondre à de véritables interrogations. Aujourd'hui, c’est une certitude, la justice a parfois du mal avec la police. Parfois, il y a des rapports d'Amnesty international, qui disent qu'ils ont parfois du mal à voir prospérer une procédure contre la police. Je rappelle par exemple que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme avait condamné la France pour des actes de torture et de barbarie. C'était des officiers de police judiciaire de Versailles qui étaient en cause. La Cour d'appel de Versailles les a relaxés.

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