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Rapport de l'IGPN sur la mort de Steve : "C'est surréaliste de voir le Premier ministre parler devant le ministre de l'Intérieur, qui est silencieux"

Le président de l'École des hautes études en sciences sociales a réagi sur franceinfo à la prise de parole du Premier ministre mardi après la découverte du corps de Steve Maia Caniço la veille. 

Article rédigé par franceinfo
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Christophe Castaner et Édouard Philippe dans la cour de Matignon, le 30 juillet 2019. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS)

Le rapport de l'IGPN n'établit pas de lien "entre l'intervention de la police et la disparition de Steve Maia Caniço", a déclaré mardi 30 juillet à Matignon, le Premier ministre Édouard Philippe. Le Premier Ministre a également annoncé la saisie de l'inspection générale de l'administration pour poursuivre l'enquête autour de la mort de Steve, qui participait à la Fête de la musique à Nantes. "C'est surréaliste de voir le Premier ministre parler devant le ministre de l'Intérieur, qui est silencieux", a réagi Michel Wieviorka mardi soir sur franceinfo. "On a le sentiment que l'information n'est pas disponible à ce jour et que les responsabilités des uns et des autres ne sont pas établies. Dans ce contexte, le ministre de l'Intérieur est en difficulté", a précisé le directeur d'études à l'EHESS (École des hautes études en sciences sociales) et président de la Fondation Maison des sciences de l'homme.

franceinfo : Est-ce que c'est la stratégie de maintien de l'ordre qui est en cause dans cette affaire ?

Michel Wieviorka : Je ne vais pas me permettre de me substituer à des rapports dont on ne connaît pas encore la teneur, car on nous annonce un nouveau rapport dans un mois. Ce que je note, c'est qu'il y a une victime et que c'est un jeune. Cela me fait penser à l'affaire Malik Oussekine : l'émotion est considérable dans notre pays lorsqu'il s'agit d'un jeune, et encore plus d'un jeune qui voulait écouter de la musique, qui participait à une soirée festive. Il est clair que les forces de police sont intervenues de façon un peu raide. Donc une fois qu'on a vu cela, on voudrait en savoir plus. On a le sentiment d'un gouvernement gêné aux entournures. Ce rapport est daté du 16 juillet, on en parle aujourd'hui. C'est trop tôt pour juger sur le fond, mais ce qui est clair, c'est qu'il y a un problème de communication, notamment avec ce rapport étonnant de l'IGPN. On conclut qu'il n'y a pas de liens avec l'intervention de la police, mais il n'y a aucune démonstration. Donc on peut douter de l'information officielle, médiatique.

Quand on lance une enquête administrative, cela délégitime les conclusions de l'IGPN : cela veut dire que cela ne suffit pas ?

Il y a du trouble dans ce qui s'est passé et dans la gestion de l'information, de la communication autour de tout ça. Il y a toutes sortes d'acteurs qui commencent à être mis en cause : on parle de la préfecture, de la ville de Nantes, des organisateurs privés de la soirée. On a le sentiment que l'information n'est pas disponible à ce jour et que les responsabilités des uns et des autres ne sont pas établies. Dans ce contexte, le ministre de l'Intérieur est en difficulté. C'est surréaliste de voir le Premier ministre parler devant le ministre de l'Intérieur, qui est silencieux. Le Premier ministre vient protéger, en quelque sorte le ministre de l'Intérieur, en prenant les choses en main.

Vous faisiez le lien avec l'affaire Malik Oussekine, qui est mort en 1986 : c'était dans le cadre de manifestations contre un projet de réforme universitaire. Cette fois-ci, c'est une jeune qui est mort alors qu'il faisait la fête. Il y a quand même une différence majeure ?

J'ai fait le lien avec Malik Oussekine uniquement parce que c'est un jeune. Le reste est très différent. C'est un jeune et par conséquent, cela touche tout de suite la population. Il y a eu des images d'une répression très forte, dans un contexte où le comportement des forces de l'ordre a été contesté pendant plusieurs mois. Il y a un contexte général et cela tombe très mal pour le pouvoir.

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