Mort d'Alexia Daval : comment Jonathann Daval est passé de veuf éploré à meurtrier présumé en moins de trois mois
L'époux de la joggeuse, retrouvée morte en octobre dans un bois de Haute-Saône, a été arrêté par les gendarmes lundi. Il a avoué mardi le meurtre de sa femme.
Il a craqué. Face aux enquêteurs qui l'interrogeaient depuis plus de 24 heures à la gendarmerie de Besançon (Doubs), Jonathann Daval a avoué le meurtre de sa femme, Alexia, retrouvée morte fin octobre dans un bois de Haute-Saône, à quelques kilomètres de leur domicile de Gray-la-Ville. "Il a dit que c'était un accident, qu'il ne voulait pas et il regrette", ont indiqué ses avocats, maîtres Ornella Spatafora et Randall Schwerdorffer.
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La fin de trois mois de mensonges, pendant lesquel le mari avait nié être lié à la disparition de sa femme. Du veuf éploré au mari suspect, franceinfo retrace le film des événements.
Un homme brisé face aux caméras
Le 2 novembre, Jean-Pierre et Isabelle Fouillot, les parents d'Alexia Daval, convoquent la presse dans une salle de la mairie de Gray. Ils prennent la parole pour la première fois. Les flashs des appareils photo crépitent. Les caméras sont braquées sur eux. Et une forêt de micros attend de recueillir leur parole. La disparition de leur fille suscite un émoi national.
La veille, le corps d'Alexia Daval a été identifié. Le cadavre a été découvert trois jours plus tôt, calciné et dissimulé sous des branchages, dans le bois d'Esmoulins, à quelques kilomètres du parcours que la jeune femme empruntait habituellement pour son jogging. La jeune femme de 29 ans était portée disparue depuis deux jours.
Ce jeudi soir-là, seule Isabelle Fouillot prend la parole, brièvement. "Nous avons décidé de rendre hommage à Alexia par l'organisation d'une marche blanche qui aura lieu ce dimanche 5 novembre dans la dignité et le respect", lit-elle. Jonathann Daval fait lui aussi face aux médias pour la première fois. Il est assis entre son beau-père et sa belle-mère. Silencieux, le visage agité, les lèvres pincées, le souffle court, il peine à contenir ses sanglots.
A la sortie de la mairie, à la nuit tombée, une vingtaine de personnes forme une chaîne humaine en soutien aux proches d'Alexia Daval. A Gray, les habitants sont sous le choc. Depuis des jours, ils déposent fleurs et bougies au pied du rideau de fer baissé du restaurant tenu par les parents de la victime. L'avis de recherche est toujours placardé sur la devanture.
En tête d'une course en hommage à son épouse
Une semaine jour pour jour après la disparition d'Alexia Daval, partie de bon matin faire son habituel jogging, selon les dires de son mari aux enquêteurs, des joggeurs et beaucoup de joggeuses se rassemblent à Gray pour rendre hommage à la jeune femme en courant.
Ses parents embrassent les coureurs avant le départ. A nouveau, c'est Isabelle Fouillot qui s'exprime pour les remercier de ce geste de solidarité. "C'était l'activité préférée de ma fille et j'encourage tout le monde à courir", déclare-t-elle, émue.
Jonathann Daval, un ruban blanc noué autour du bras gauche, s'élance en tête, des dizaines de coureurs dans sa foulée. Ensemble, ils suivent le trajet en bord de Saône qu'affectionnait Alexia Daval. La course s'achève par une minute de silence d'une foule compatissante en tenue de sport autour de son mari.
De Paris à Marseille en passant par Nancy ou Dijon, des centaines de joggeurs et de joggeuses, choqués par la mort d'Alexia Daval, prennent part à des courses similaires.
"Cette plénitude me manquera terriblement"
Deux jours plus tard, la marche voulue par les parents de la jeune femme réunit une foule impressionnante dans les rues de Gray. Plus de 8 000 personnes – au moins 3 000 de plus que le nombre d'habitants de la ville – foulent le pavé d'un pas lent. Tous réclament justice. Beaucoup ne cachent pas leur émotion.
Jonathann Daval marche en tête du cortège, une rose rouge à la main, tandis que ses beaux-parents en tiennent des blanches. La douleur se lit sur son visage. Sa belle-mère le tient par le bras. Son beau-père pose la main sur son épaule.
Le cortège parcourt ainsi deux kilomètres, le long de la rivière, là où Alexia Daval aimait tant courir. La volonté de la famille a été respectée : la marche est silencieuse, digne et sans banderole ni message de revendication.
A la fin du cortège, les parents et le mari montent sur une estrade et prennent la parole chacun à leur tour. Jonathann Daval dit quelques mots d'une voix douce et brisée. Les larmes coulent sur ses joues.
La force de notre couple nous faisait nous dépasser, dans nos sorties et notre vie commune. Cette plénitude me manquera terriblement.
Jonathann Daval, mari d'Alexia Davalle 6 novembre 2017, à Gray (Haute-Saône), lors d'une marche silencieuse en hommage à son épouse tuée
Un veuf en larmes aux obsèques
Neuf jours après la découverte du corps d'Alexia Daval, ses obsèques sont célébrées dans la basilique de Gray. Là où elle avait épousé Jonathann Daval, quelques années plus tôt. L'archevêque de Besançon a fait le déplacement. L'église est trop petite pour accueillir la foule qui se presse sur le parvis sous une fine pluie glaciale.
A leur arrivée, le beau-père soutient son gendre. Jonathann Daval retient avec difficulté ses larmes, devant les portraits géants de son épouse qui encadrent l'entrée du lieu de culte. Jean-Pierre et Isabelle Fouillot affichent un visage fermé. Le trentenaire, tout de noir vêtu, se signe avant que le haillon du corbillard ne se referme sur le cercueil en bois clair de son épouse.
Deux jours plus tôt, la procureure de Besançon a dévoilé à la presse les conclusions de l'autopsie. "S'il est avéré qu'elle a subi des violences physiques, en revanche, la cause de sa mort n'est pas encore établie avec certitude. Son décès est probablement lié à une asphyxie. De la même manière, il n'est pas possible, comme il l'a été dit, d'affirmer hélas qu'elle n'a pas été violée."
Rumeurs et soupçons à Gray
Plus de quinze jours après la mort d'Alexia Daval, le mystère reste entier et le meurtrier court toujours. A Gray, les habitants réclament un coupable. Et depuis quelques jours, une rumeur persistante se fait entendre : le mari ne serait pas étranger à la mort de sa femme. Personne n'a vu courir cette joggeuse, dont seul l'époux assure qu'elle est partie faire son jogging le samedi matin. Et que s'est-il passé entre les deux conjoints, la nuit précédente, derrière les murs de leur maison, une fois rentrés de leur "soirée raclette" en famille, chez les Fouillot.
L'avocat de Jonathann Daval, Randall Schwerdorffer, défend son client contre cette rumeur "ridicule" et "stupide". "Je n'ai pas connaissance de difficultés de couple", plaide-t-il. Il fait cependant un aveu : il y a eu "des possibilités d'interpellation" de son client, "y compris le jour de l'enterrement" d'Alexia Daval. "Mais attention", prévient-il. "Qu'on ne se trompe pas d'auteur" pour le meurtre. "Ce serait dramatique."
Le 28 novembre, un mois jour pour jour après la disparition, l'avocat fait un nouveau point sur l'enquête. "On a retrouvé des indices en nombre important", confirme Randall Schwerdorffer. Ces indices vont permettre "des investigations importantes", "techniques" et "scientifiques", "et notamment des prélèvements d'ADN", indique-t-il. "On sent que l'enquête arrive à son terme, assure-t-il. Avant la fin décembre, avant les fêtes (...), on aura la solution de cette affaire."
A Gray, les parents d'Alexia Daval ont rouvert leur commerce. Les habitants attendent la résolution de l'énigme et l'arrestation d'un suspect qui mettra fin à leurs craintes et leurs soupçons.
"L'étau se resserre violemment"
Il est un peu plus de 9 heures, lundi 29 janvier, quand des gendarmes viennent arrêter Jonathann Daval à son domicile de Gray-la-Ville. L'homme est interrogé, sa maison perquisitionnée. Mardi matin, sa garde à vue à la gendarmerie de Besançon est prolongée de 24 heures. Les enquêteurs ont des questions à lui poser. Et son avocat lui-même laisse entendre que le sort de son client pourrait bientôt basculer.
Ses beaux-parents "maintiennent" toutefois "la même confiance qu'ils avaient" à l'égard de leur gendre "avant la mort de leur fille" et "cette confiance n'a pas été remise en cause jusqu'à ce jour", selon leur avocat Jean-Marc Florand. Ils "souhaitent de tout cœur que Jonathann Daval soit relâché ce soir ou demain matin et qu'il y ait un communiqué indiquant qu'aucune charge n'ait été retenue à son encontre". A Gray, les habitants en quête de vérité accusent le coup de ce dernier rebondissement de l'affaire.
Jonathann n'est pas soupçonné par hasard, c'est une réalité.
Randall Schwerdorffer, avocat de Jonathann Davalau deuxième jour de la garde à vue de son client à Besançon (Doubs)
Jonathann Daval "maintient rigoureusement sa version" des faits, selon laquelle il n'a rien à voir avec la mort de son épouse. Mais "l'étau se resserre violemment", concède son avocat, qui constate "des éléments effectivement gênants" concernant la déposition de son client. "On nous a apporté des éléments qui (...), effectivement, posent des véritables questions", glisse-t-il. Et de conclure : "La seule personne qui est capable de dire s'il est coupable ou innocent, c'est lui-même, et la garde à vue n'est pas finie. Jonathann doit encore s'exprimer."
"Il l'a étranglée"
C'est chose faite quelques heures plus tard. Aux enquêteurs, Jonathann Daval avoue le meurtre, tout en assurant qu'il s'agissait d'un "accident". "Il l'explique parce qu'ils avaient une relation de couple avec de très fortes tensions (...) A un moment, il y a eu des mots de trop, qu'il n'a pas su gérer", a ensuite détaillé devant la presse Maître Schwerdorffer. "Il l'a étranglée", a-t-il ajouté, assurant que son client n'avait "pas été dans une logique criminelle" et "n'avait impliqué personne d'autre".
"Il n'a jamais essayé de mettre le feu au corps d'Alexia", a ajouté l'avocat. Pourtant, le corps de la jeune femme de 29 ans avait été retrouvé partiellement brûlé, dissimulé sous des branchages dans le bois d'Esmoulins. Pour son avocat, "dès le départ, tout le monde a vu que Jonathann cachait un secret plus lourd que la disparition de son épouse".
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