ENQUETE FRANCETV INFO. Agnès Saal à l'INA : de l'espoir au malaise
Outre l'affaire des notes de taxis qui a conduit à sa démission, certains syndicats dénoncent le népotisme dont aurait fait preuve l'ancienne patronne de l'Institut national de l'audiovisuel.
Elle n'a pas résisté à la polémique. Presque un an jour pour jour après sa nomination en Conseil des ministres, Agnès Saal a démissionné de la présidence de l'INA à la demande de Fleur Pellerin, la ministre de la Culture et de la Communication, mardi 28 avril. La responsable de l'Institut national de l'audiovisuel était mise en cause pour ses dépenses de taxis de l'ordre de 41 000 euros en dix mois de présidence. Un dérapage qui intervient dans un climat social dégradé au sein de l'INA.
A son arrivée, pourtant, de nombreux salariés semblaient satisfaits de sa nomination. Puis, au fil des mois, la confiance souhaitée par la présidente a laissé place à de l'amertume. "On est surtout déçus car on pensait qu'elle était proche de nous", lâche un employé de l'INA. Du côté de la direction, le silence est imposé depuis mardi, dans l'attente de l'arrivée d'un nouveau président.
"Comment peut-on dépenser 40 000 euros en taxis ?"
Agnès Saal, 57 ans, énarque et ancienne directrice générale du Centre Pompidou, a été nommée le 30 avril 2014 à la présidence de l'INA en remplacement de Mathieu Gallet, qui a pris la tête de Radio France. C'est une proche d'Aurélie Filippetti, alors ministre de la Culture. En prenant ses fonctions, elle n'a pas hésité à fustiger le bilan de son prédécesseur et a promis une gestion plus rigoureuse. "Les frais de représentation de la présidence ont diminué de 90 000 euros à 70 000 euros entre 2014 et 2015", a assuré Agnès Saal dans un récent courrier de justification envoyé aux salariés de l'INA.
Mais un document anonyme de 68 pages, produit par un "corbeau", met au jour 40 915,31 euros (hors taxes) de frais de taxis de la présidente, sur dix mois. Une note salée réglée avec de l'argent public, alors même qu'Agnès Saal disposait d'un chauffeur de fonction pour ses déplacements. "En lisant le dossier, j'ai été effaré, je n'arrive pas imaginer que l'on puisse dépenser 40 000 euros en taxis", réagit un membre du conseil d'administration de l'INA, qui a réclamé la démission d'Agnès Saal dès lundi.
"Elle s’était vendue comme quelqu’un d’assez 'clean', du coup on a été blessés par ces révélations sur ses dépenses", raconte à francetv info un employé de l'INA. "Quand on joue au chevalier blanc, on se doit d’être irréprochable", ajoute une représentante syndicale de la CGT.
Des accusations de copinage
Au-delà de ces notes de frais, certains choix de la présidence sont questionnés. Après sa nomination, Agnès Saal a choisi de fortement renouveler l'équipe de direction autour d'elle. Quelques-uns sont partis dans les bagages de Mathieu Gallet, mais la nouvelle présidente a aussi décidé de se séparer de plusieurs responsables, comme le secrétaire général, Franck Laplanche, la directrice administrative et financière (Daf), Sandrine Anselme, ou encore le DRH (directeur des ressources humaines) Constantin Akouma et son adjoint, Jean-François Romanet, dont le licenciement est toujours en cours.
"Il fallait faire de la place à son équipe venue de Beaubourg", grince un salarié. Certains de ces licenciements sont mal vécus en interne. La CFDT va jusqu'à évoquer une "chasse aux sorcières" visant les cadres présents sous l'ère Gallet.
Parallèlement à ces départs, il y a eu une vingtaine d'arrivées "dont la majorité appartenait aux cercles concentriques autour de la présidente", assure la CFDT. Plusieurs embauches ont particulièrement fait tiquer les syndicats. Jean-Marc Auvray, qui travaillait avec Agnès Saal à Beaubourg, a été recruté au poste stratégique de secrétaire général, avant d'être rapidement rejoint par Carole Thomas, qui n'est autre que son épouse. Celle-ci, également venue du Centre Pompidou, a d'abord été embauchée comme secrétaire générale adjointe, avant de récupérer le poste de Daf.
Un renouvellement d'équipe est une pratique courante lors d'un changement de présidence, mais c'est l'ampleur de ce mouvement qui est dénoncé par les syndicats. "Je comprends qu'il est important d’avoir des gens de confiance autour de soi, mais là c’est trop", estime la CGT.
Des augmentations de salaires mal perçues
L'arrivée récente de l'ancienne directrice de l'Ecole de journalisme de Sciences Po, Agnès Chauveau, comme déléguée à la stratégie éditoriale et éducative, un poste créé pour l'occasion, a également fait grincer des dents. Selon plusieurs sources, Agnès Chauveau est une amie d'Agnès Saal, qui a souhaité la recaser. Interrogée sur son recrutement par un délégué du personnel, le 24 avril, la direction a répondu qu'un "besoin" avait été identifié pour l'INA et qu'Agnès Chauveau a " toutes les qualités requises", "compte tenu de son expérience".
Les syndicats pointent aussi, d'une manière générale, les augmentations de salaire qui ont accompagné les recrutements d'Agnès Saal, "parfois de l'ordre de 20 à 30%". "Pour la majorité, il s'agissait d'augmentations conformes aux règles de l'INA, ensuite il y a le cas de Carole Thomas, pour qui le contrôleur de l'Etat n'a pas validé l'augmentation proposée", assure un membre de l'équipe de direction, "mais en dehors de cela, je n'ai rien constaté d'anormal".
Rien d'illégal donc, mais dans un contexte de rigueur budgétaire qui frappe l'audiovisuel public, ces décisions passent mal au sein de l'INA. "On nous demande de faire beaucoup d’efforts sur les économies, et quand on voit ça..." s'étrangle un employé.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.