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14-Juillet : comment les autorités tentent de contrôler la vente et l'utilisation des mortiers d'artifice

Les autorités craignent que les célébrations de la fête nationale marquent une recrudescence de l'utilisation de ces projectiles, utilisés contre les forces de l'ordre lors des émeutes qui ont suivi la mort de Nahel.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Les forces de l'ordre sous le feu des tirs de mortiers d'artifice durant les manifestations contre la réforme des retraites, le 22 mars 2023, à Paris. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

Un accessoire de fête désormais étroitement surveillé par les autorités. Le mortier d'artifice, très utilisé dans les émeutes qui ont suivi la mort de Nahel, fait réagir jusqu'à la Première ministre Elisabeth Borne qui en a interdit "la vente, le port, le transport et l'utilisation" pendant le week-end du 14-Juillet, selon un décret paru dimanche 9 juillet au Journal officiel. Le gouvernement veut prévenir "les troubles graves à l'ordre public", craints le jour de la fête nationale.

Franceinfo vous explique comment la puissance publique compte contrôler cette interdiction, qui ne s'applique ni aux professionnels habilités ni aux communes qui organisent des feux d'artifice pour la fête nationale.

En renforçant les moyens de contrôle

Cette interdiction des mortiers d'artifice fait partie d'un dispositif de moyens sécuritaires "massifs", promis par Elisabeth Borne. Les autorités multiplient les contrôles et les fouilles depuis le début des émeutes, notamment aux frontières. Car si la vente de ces mortiers est contrôlée en France, elle est beaucoup plus libre en Belgique. Les contrôles à la frontière et la coopération entre la préfecture du Nord et la Belgique ont été renforcés. "Il s'agit d'empêcher les émeutiers de se réapprovisionner", a expliqué la préfecture du Nord.

A Tournai, ville belge située à une trentaine de kilomètres de Lille, le bourgmestre, Paul-Olivier Delannois, a suspendu la vente de feux d'artifice au moins jusqu'au 10 juillet."Il est relativement logique que si je fermais les yeux sur le fait que l'on vienne chercher des choses ici pour créer du désordre en France, ça manquerait de solidarité et de responsabilité", a-t-il commenté devant la caméra de France 3. Toutefois, Bernard Deom, le président du Syndicat de la pyrotechnie de spectacle et de divertissement, tient à nuancer auprès du Figaro : "Il y a un mythe qui dit que les jeunes se fournissent en Allemagne ou en Pologne, mais c'est faux. Pas besoin de quitter la France."

En multipliant les saisies

Les saisies de mortiers se sont multipliées ces derniers jours. Mardi, 300 kilos de mortiers d'artifice ont notamment été saisis par les policiers dans le 18e arrondissement de Paris. La préfecture de Seine-Saint-Denis a communiqué sur ses saisies réalisées mercredi, jeudi et vendredi pour un total de 918 kg. Au total, 1,5 tonne de mortiers d'artifice a été saisie dans l'agglomération parisienne en 48 heures, a annoncé vendredi le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, sur franceinfo. Il a ajouté que 14 personnes avaient été interpellées, dans quatre affaires distinctes. 

En traquant les vendeurs sur internet

Depuis le début des émeutes, les cyberenquêteurs fouillent les réseaux sociaux pour identifier revendeurs d'engins pyrotechniques ou auteurs d'appels aux violences. Une cinquantaine de gendarmes et une douzaine de réservistes sont mobilisés par le Commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend). Leur but est d'"anticiper les appels à commettre des exactions", puis "capturer des preuves numériques" pour identifier leurs auteurs. "Dans le week-end, un peu plus de 50 projets délictueux" ont ainsi été repérés par les gendarmes, a expliqué à l'AFP vendredi le général Marc Boget, le patron du ComCyberGend.

Ce travail porte ses fruits, puisque deux hommes ont par exemple été arrêtés le 1er juillet à Biache-Saint-Vaast (Pas-de-Calais), au lendemain d'un appel lancé sur Snapchat à "commettre des exactions contre les bâtiments publics et patrouilles de gendarmerie", a détaillé le général. D'autres sont aussi mis en cause pour avoir "ravitaillé" des émeutiers en engins pyrotechniques. Mardi, à Cluses (Haute-Savoie), un homme qui revendait des mortiers d'artifice via les réseaux sociaux a été interpellé, après une enquête de l'Office central de lutte contre la cybercriminalité de la police judiciaire.

En rappelant le caractère dissuasif de la loi en vigueur (même si elle est peu respectée)

La vente et le transport de mortiers d'artifice sont soumis à une réglementation stricte. Mais "elle n'est pas respectée", assure Bernard Deom au Figaro. Selon lui, seule une douzaine d'enseignes sur le millier de commerçants recensés sur le territoire respecteraient les règles. "Toutes ces entreprises devraient être titulaires d'un agrément technique attestant que leur outil de travail respecte les règles du code l'environnement, de la défense, de la sécurité intérieure...", assure-t-il.

La loi dite de "sécurité globale" stipule que le vendeur d'articles pyrotechniques destinés au divertissement "est tenu d'enregistrer la transaction et l'identité de l'acquéreur". Elle précise aussi que ce même vendeur peut tout à fait "refuser de conclure toute transaction visant à acquérir de tels articles s'il est raisonnable de considérer que cette transaction présente un caractère suspect, en raison notamment de sa nature ou des circonstances".

Selon cette loi, la vente d'"articles pyrotechniques à des personnes physiques ne possédant pas les connaissances techniques particulières ou ne répondant pas aux conditions d'âge exigées par la réglementation pour les acquérir, les détenir, les manipuler ou les utiliser" est désormais "puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende".

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