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Majorité relative à l'Assemblée : comment Elisabeth Borne tente de reprendre la main après la claque des législatives

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
La Première ministre, Elisabeth Borne, le 23 juin 2022 à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine).  (THOMAS COEX / AFP)

Fragilisée par les résultats du scrutin et par l'offensive de certains poids lourds de son propre camp, la Première ministre cherche à reprendre l'initiative, avec l'espoir de conserver sa place à Matignon.

"Je suis à l'action", insiste-t-elle. Interrogée sur son maintien à Matignon et le fait qu'elle puisse être "en sursis", Elisabeth Borne a esquivé le sujet, jeudi 23 juin lors d'un entretien accordé à LCI : "Je ne suis pas en train de me poser ce genre de questions." Pourtant, la Première ministre a été plus que fragilisée par les résultats des élections législatives, qui n'ont pas permis au camp présidentiel d'obtenir une majorité absolue à l'Assemblée nationale.

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Lors de son allocution mercredi soir, Emmanuel Macron n'a même pas pris la peine de citer le nom de la cheffe du gouvernement. Traditionnellement, au lendemain d'élections législatives, le ou la locataire de Matignon remet sa démission et le président de la République choisit de le ou la renommer dans la foulée pour lui renouveler sa confiance. Cette fois, Emmanuel Macron a choisi de refuser cette démission, officiellement pour des questions techniques afin de permettre au gouvernement de continuer à gérer les affaires courantes.

Officieusement, tout le monde se pose la question d'un changement de tête au sein de l'exécutif pour permettre à la majorité d'élargir ses bases à l'Assemblée. La "fonction de Première ministre, c'est un CDD, je vous le confirme", a d'ailleurs reconnu Elisabeth Borne sur LCI. Dans ce contexte miné, on vous explique comment la cheffe du gouvernement tente de reprendre l'initiative pour ne pas se laisser dépasser.

Elle répond aux attaques

Le président du MoDem, François Bayrou, ne s'en cache plus : il n'a pas été convaincu par la nomination d'Elisabeth Borne comme Première ministre et par son profil technocratique. Depuis des semaines, il répète à ses interlocuteurs que Matignon doit être occupé par un profil plus politique. Interrogé mercredi sur France Inter sur le maintien d'Elisabeth Borne à la tête du gouvernement, le maire de Pau a choisi de renvoyer la balle au président de la République. Avant d'estimer : "Les temps exigent que le Premier ministre ou la Première ministre soit politique, qu'on n'ait pas le sentiment que c'est la technique qui gouverne le pays."  

"Je ne me sens pas visée par cette critique", a réagi l'intéressée sur LCI jeudi soir, en précisant qu'elle avait "eu l'occasion de s'expliquer avec François Bayrou". "Je ne sais pas ce que ça veut dire 'technique', a poursuivi l'ancienne ministre du Travail. Si 'technique', c'est l'idée que je serais enfermée dans mon bureau derrière des piles de dossiers et que je ne saurais pas aller à la rencontre des Français, que je ne vivrais pas leurs difficultés, (...) que je ne travaillerais pas avec les députés, c'est tout le contraire de ce que je suis."

Elle montre qu'elle reste au travail

Elisabeth Borne souhaite donner l'image d'une Première ministre à la tâche, qui ne s'arrête pas malgré l'incertitude institutionnelle qui pèse à l'Assemblée. La cheffe du gouvernement s'est rendue mercredi dans un centre de gestion du gaz, en compagnie de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Elle a fait un point sur la situation en France n'a pas hésité à se projeter, en annonçant notamment le prolongement du bouclier tarifaire sur les prix du gaz "jusqu'à la fin de l'année".

Elisabeth Borne a également réuni ses ministres mercredi après-midi. Elle a d'ailleurs reçu le soutien de plusieurs d'entre eux ces derniers jours. "Elisabeth Borne, je peux vous l'assurer, est à son poste matin, midi, et soir et elle nous fait beaucoup travailler", a notamment déclaré le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, depuis l'Assemblée nationale. "Je soutiens évidemment la Première ministre et on n'est pas dans des questions de personnes", a pour sa part assuré le ministre délégué chargé de l'Europe, Clément Beaune. 

La cheffe du gouvernement sera sur tous les fronts la semaine prochaine, avec un agenda bien rempli : une réunion de travail avec ses ministres sur le pouvoir d'achat, une réunion de crise sur la situation épidémique, un échange avec le chef du gouvernement ukrainien au sujet de l'aide française à Kiev, ou encore un déplacement sur le terrain prévu jeudi 30 juin. "Elle est à la tâche dans ses fonctions de Première ministre et continue ses entretiens pour fixer les feuilles de route de ses ministres et veiller au bon fonctionnement de l'Etat", assure son cabinet à franceinfo.

Elle fend l'armure

La première prise de parole de la Première ministre, lors de la passation de pouvoir, avait retenu l'attention, notamment quand elle a dédié sa nomination à "toutes les petites filles". Mais depuis, son manque de souffle a été souligné à plusieurs reprises, que ce soit pendant l'entre-deux-tours des législatives, quand elle a été chargée de remotiver les candidats de la majorité en lice, ou au soir du second tour"C'était une 'cata', elle a lu son texte sans lever la tête, il n'y avait aucune spontanéité, on aurait dit une préfète", confie un député à franceinfo.

Sur LCI, Elisabeth Borne a cherché à se dévoiler un peu plus. Son père a mis fin à ses jours quand elle était adolescente et elle a grandi avec sa mère, qui avait peu de ressources. "C'est choquant pour une petite fille de 11 ans de perdre son père dans les conditions où je l'ai perdu", a expliqué cette pupille de la nation. Elle a aussi confié que ces épreuves l'avaient sans doute poussée à se bâtir une carapace. "Peut-être que je ne sais pas exprimer mes émotions. Ça doit être vrai dans ma vie publique, on va dire que c'est peut-être aussi vrai dans ma vie personnelle. Je pense que ce blindage, peut-être, va un peu loin, oui", a-t-elle admis. 

Elle cherche encore à renforcer la majorité

Au-delà de la bataille de l'opinion, Elisabeth Borne mène aussi une bataille plus politique. Depuis le début de la semaine, l'Elysée comme Matignon passent de nombreux coups de fil. "Effectivement, j'ai eu du monde au téléphone", confirme à franceinfo un député LR considéré comme constructif. Pour gonfler les rangs de la majorité, l'exécutif cherche des renforts. Dans le viseur notamment : la vingtaine de députés Les Républicains qui ont préféré le jeune Julien Dive plutôt que la droite dure d'Olivier Marleix, dans le cadre du vote pour élire le nouveau patron des députés LR. Matignon a d'ailleurs prévu de poursuivre la semaine prochaine les entretiens "avec des parlementaires de tous bords".

Mais en dehors des débauchages individuels qui sont pour l'instant très insuffisants, la majorité pourrait tenter de constituer deux "groupes flotteurs" à l'Assemblée, rapporte Le Parisien, l'un sur son aile gauche, l'autre sur son aile droite. Ce qui permettrait au gouvernement de s'assurer de la présence de groupes suffisamment bienveillants pour voter les textes au cas par cas. Sur LCI, la Première ministre s'est en tout cas montrée "très confiante" sur le fait de "trouver des députés pour voter des textes parce qu'on a intégré leurs propositions".

Pour essayer de trouver la meilleure voie, Elisabeth Borne a reçu jeudi et vendredi tous les présidents de groupe de l'Assemblée, de LFI au RN. Elle a sans doute essayé de sonder les différentes forces politiques pour savoir si elle allait engager sa responsabilité, comme le réclame La France insoumise, dans le cadre de son discours de politique générale, qu'elle doit tenir le 5 juillet devant l'Assemblée nationale. Pour l'instant, elle a reconnu ne pas avoir "réellement tranché ce point".

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