Législatives 2024 : comment le Parti socialiste, porté par le succès du Nouveau Front populaire, parvient à peser à nouveau sur l'échiquier politique

Considéré depuis quelques années comme un "astre mort", menacé de disparition, le PS reprend des couleurs à l'issue du scrutin de dimanche.
Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, lors d'un discours à l'issue du second tour des élections législatives, à Paris, le 7 juillet 2024. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

"C'est le rôle du Nouveau Front populaire, et en son cœur, de notre famille – la famille socialiste – de refonder un projet collectif pour notre pays." Lorsqu'Olivier Faure, numéro un du PS, prend la parole, dimanche 7 juillet à l'issue du second tour des élections législatives, il salue un travail collectif dans la première place surprise obtenue par le Nouveau Front populaire (NFP). Mais il souligne surtout le poids, au sein du bloc de gauche, d'une formation régulièrement qualifiée "d'astre mort" depuis 2015.

Affaibli durablement à l'issue du quinquennat de François Hollande, le PS n'a cessé de dégringoler. En 2022, sa candidate, Anne Hidalgo, n'a recueilli que 1,75% lors du premier tour de l'élection présidentielle. Un plus bas historique. Pourtant, deux ans plus tard, au lendemain du second tour des élections législatives anticipées, le parti à la rose se retrouve au centre du jeu à gauche.

Un discours apaisé

Deuxième composante du NFP au lendemain du second tour avec 64 sièges dans le nouvel hémicycle, contre 71 pour La France insoumise, le PS peut encore voir ses effectifs grossir avec des ralliements d'élus divers gauche lors de la constitution officielle des groupes politiques

Le Premier secrétaire du PS a insisté lundi matin sur la place importante que les socialistes doivent occuper au sein de l'alliance, tout en choisissant des mots fédérateurs. "Tout le monde a eu sa place et son rôle dans ce Nouveau Front populaire. De Jean-Luc Mélenchon jusqu'à François Hollande, chacun a sa place dans la discussion", a déclaré Olivier Faure sur franceinfo.

"Il faut se poser la question de savoir comment est-ce que l'on gouverne ? a poursuivi le patron du PS. Qui est le plus à même de le faire ? Comment est-ce que l'on peut être en capacité d'apaiser ce pays ? De réparer les fractures qui le divisent profondément ? Et donc il y a des profils qui s'imposent plus que d'autres", sans donner de nom.

Lundi soir, au "20 heures" de TF1, Olivier Faure est resté sur la même ligne.

Un espace pour une gauche "moins radicale" que LFI

Face à la "brutalisation" du débat public, selon l'expression utilisée par le leader de Place publique Raphaël Glucksmann, le PS a clairement choisi la voie de l'apaisement. "Nous avons compris, après les élections européennes, qu'il y avait un électorat qui souhaitait la conservation d'une gauche un peu moins radicale que celle qui est représentée par La France insoumise", remarque auprès de franceinfo Olivier Rouquan, politologue, chercheur associé au Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques (Cersa).

"Il y a toujours en France un électorat social-démocrate qui n'est ni le libéralisme social ni le radicalisme de gauche."

Olivier Rouquan, politologue

à franceinfo

Lors de ces élections législatives, le PS a également su capitaliser sur son implantation territoriale, qui lui avait déjà permis de conserver plus de 60 sénateurs lors des dernières élections sénatoriales en septembre 2023, 23 présidences de départements et quatre présidences de région.

Alors que La France insoumise poursuit son ancrage "très lentement", avec "un vote très urbain, très concentré, notamment dans les quartiers dits populaires", le vote socialiste est davantage réparti sur le territoire, pointe le politologue. Au total, le PS est reconnu comme un "gestionnaire crédible", ce qui fait encore parfois défaut à LFI, selon Olivier Rouquan.

Des rivalités internes en sourdine

Si le PS recommence à être audible, c'est aussi parce qu'il a réussi à passer sous silence les importantes divergences qui ont secoué la formation ces derniers mois. Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, et Nicolas Mayer-Rossignol, rival d'Olivier Faure pour prendre la tête du parti, ne sont plus en conflit ouvert avec l'actuel premier sécrétaire. "Il ne semble pas aujourd'hui que le leadership d'Olivier Faure soit frontalement contesté", résume Olivier Rouquan. Nicolas Mayer-Rossignol s'est d'ailleurs affiché dimanche soir sur l'estrade aux côtés des nombreux cadres du PS encadrant Olivier Faure.

Philippe Aldrin, professeur de science politique à Sciences Po Aix, relativise toutefois la dynamique de la formation et son score. Si le PS réalise une forte progression entre 2022 et 2024, en doublant son nombre de députés (passé de 31 à 64), le parti n'occupe que 10-12% des 577 sièges de l'hémicycle, souligne le chercheur.

Pour ce politologue, qui a travaillé longtemps sur le PS, le parti "est tiré par des logiques de coalition". C'est ainsi qu'il a "bénéficié des reports de voix", et d'un "barrage anti-RN". De plus, selon lui, le PS "n'est plus un parti de gouvernement" car "il n'est plus en mesure de gagner en son propre nom, d'investir des candidats dans toutes les circonscriptions, d'avoir une offre programmatique qui lui soit propre"

"Le PS est de retour, mais au sein d'une coalition dont il n'est pas le leader."

Philippe Aldrin, politologue

à franceinfo

Philippe Aldrin estime que "le PS peut constituer un centre de gravité ou un interlocuteur possible pour une coalition élargie au-delà du Nouveau Front populaire". Dans ce cas, il serait "en bonne posture pour se recentrer dans le jeu politique". Toutefois, tempère-t-il encore, il ne s'agirait pas d'un retour grandiose, digne de ses grandes heures.

Une chose est sûre, néanmoins : le PS va pouvoir compter sur une arrivée d'argent importante car, comme l'a expliqué franceinfo, le financement public des partis dépend majoritairement des élections législatives. Un député rapporte 37 000 euros à une formation politique et chaque voix au premier tour, environ 1,61 euro. En doublant son effectif au Palais-Bourbon, le parti va doubler son budget. De quoi  au moins lui donner une "respiration" financière, souligne Olivier Rouquan.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.