Européennes 2024 : "abasourdi" après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée, le camp présidentiel tente de justifier la décision d'Emmanuel Macron

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Le camp présidentiel subit un revers électoral, en terminant loin derrière le RN, aux élections européennes du 9 juin 2024. Emmanuel Macron a annoncé, en réaction, une dissolution de l'Assemblée nationale. (PAULINE LE NOURS - FRANCEINFO - AFP - GETTY IMAGES)
Le président de la République a annoncé dimanche soir la tenue d'élections législatives le 30 juin et le 7 juillet, surprenant jusqu'à son propre camp. Une décision prise en réaction au score historiquement haut du Rassemblement national et au désaveu cinglant de la liste Renaissance.

"Le chef va parler et il va annoncer quelque chose de costaud. La dissolution est dans l'air." Il est un peu plus de 20h30, dimanche 9 juin, quand ce proche d'Emmanuel Macron glisse cette confidence à peine croyable. Le président de la République pourrait dissoudre l'Assemblée nationale, en réaction aux résultats des élections européennes. Tombés une trentaine de minutes plus tôt, ils sont très mauvais pour le camp présidentiel : le Rassemblement national réalise un score historique, avec 31,36% tandis que la liste conduite par Valérie Hayer termine à 14,6%, selon les résultats publiés par le ministère de l'Intérieur. Une catastrophe pour la majorité présidentielle. 

"C'est la veillée funèbre", glisse un macroniste, à l'annonce des résultats, en direct de la Mutualité, la salle choisie par Renaissance à Paris pour suivre la soirée électorale. "C'est une claque, une baffe et clairement une sanction de la politique de la majorité", soupire un confident du chef de l'Etat. La prise de parole du président de la République, annoncée dès 19h59, agite les militants et les soutiens du chef de l'Etat. Une heure plus tard, La Marseillaise retentit, le visage grave d'Emmanuel Macron apparaît sur les écrans de télévision. "Je ne saurais, à l'issue de cette journée, faire comme si de rien n'était (...). J'ai entendu votre message, vos préoccupations, et je ne les laisserai pas sans réponse", assure-t-il, avant d'annoncer la dissolution de l'Assemblée nationale et des élections législatives anticipées, les dimanches 30 juin et 7 juillet

"Personne ne s'y attendait"

Dans le camp présidentiel, le choc est immense. "C'est une complète surprise", livre une candidate de la liste Hayer, qui refuse d'en dire davantage. "Je ne m'y attendais pas, personne ne s'y attendait", confie un conseiller ministériel. Le délai annoncé pour faire campagne laisse plusieurs macronistes dubitatifs. "Personne ne comprend comment réinstaller un récit en trois semaines", affirme l'un d'eux, avant de se reprendre et d'ajouter : "Bon allez, on va préparer des tracts ce soir." Les députés Renaissance sont aussi sous le coup de l'annonce. "Je ne comprends pas. Pour le moment, je suis totalement abasourdi", glisse le député Renaissance de Moselle, Ludovic Mendes.

"C'est toujours une surprise. Mais il fallait s'y attendre, considère Nadia Hai, députée Renaissance des Yvelines. Nous savions que ce n'était qu'une question de temps" pour un camp présidentiel sans majorité absolue à l'Assemblée. Depuis le début de la mandature, les rumeurs de dissolution ont été parfois tenaces, mais elles ne s'étaient jusqu'alors jamais concrétisées. L'option n'était pourtant pas sur la table des macronistes, jusqu'à ce dimanche 9 juin donc. "Je pense que le président ne fera pas de dissolution avant 2027. Il ne veut pas être celui qui aura permis au RN d'accéder au pouvoir", confiait, le 22 avril, un cadre de la majorité.

Trois jours plus tard, Emmanuel Macron lui-même semblait écarter l'hypothèse alors qu'il était interrogé sur l'organisation d'un débat avec Marine Le Pen. La présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale posait comme condition une dissolution ou la démission du chef de l'Etat en cas de défaite aux européennes. "Bah bien sûr", avait-il ironisé au micro de BFMTV. Le RN, par la voix de Jordan Bardella, n'avait cessé de réclamer de nouvelles élections législatives tout au long de cette campagne

Que s'est-il donc passé pour que la menace si souvent brandie de la dissolution soit mise à exécution ? "Il faut entendre le message passé par les Français, justifie la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot. Il ne faut pas se tromper d'élection, mais le score du RN est historique, il faut l'entendre et redonner la parole aux Français." Il est 21h20 et l'élue des Hauts-de-Seine s'apprête à foncer dans sa circonscription pour rencontrer ses militants et ouvrir un compte de campagne.

Peu d'options sur la table

Le risque pris par Emmanuel Macron est pourtant immense. Fort de ses 31,5%, le RN peut espérer l'emporter dans les urnes le 7 juillet. "Nous sommes prêts à exercer le pouvoir", s'est d'ailleurs réjoui Jordan Bardella. Le président tente "quelque chose d'extrêmement risqué. Selon toute vraisemblance, le Rassemblement national, dans la foulée des européennes, peut avoir une majorité à l'Assemblée nationale et pourquoi pas une majorité absolue", estime auprès de l'AFP Céline Bracq, directrice générale de l'institut de sondages Odoxa.

Passée la surprise, les soutiens du chef de l'Etat essayent de défendre la décision présidentielle. "Qu'est-ce qu'il aurait pu faire ? Il y a un message très clair qui a été passé. Il fallait aller plus loin qu'un remaniement", assure Prisca Thevenot. "Il n'allait pas démissionner, remanier c'est trop faible et donc la dissolution était sur la table", embraye un proche d'Emmanuel Macron. 

D'autres affirment qu'il valait mieux prendre les devants au regard des turbulences qui s'annonçaient après l'été. "Il vaut mieux créer l'électrochoc maintenant, plutôt qu'en étant contraint de le faire avec une motion de censure qui passe à l'automne", analyse un conseiller ministériel. Les Républicains ont brandi, depuis plusieurs semaines, la menace d'une motion de censure, lors des discussions sur le budget, qui aurait pu coaliser les oppositions. Le 20 mars, le gouvernement d'Elisabeth Borne avait déjà échappé à la censure, après le 49.3 sur les retraites, à neuf voix près

Les partisans du chef de l'Etat ont désormais trois petites semaines pour espérer contrer l'extrême droite. La majorité présidentielle "donnera l'investiture" aux députés sortants "faisant partie du champ républicain" et "qui souhaitent s'investir sur un projet clair pour le pays", a annoncé Stéphane Séjourné, le ministre des Affaires étrangères et secrétaire général de Renaissance, dans une déclaration transmise à l'AFP. Cela suffira-t-il ? "C'est la panique générale, mais on va repartir au combat, c'est comme ça", grince des dents un probable candidat Renaissance. "Je suis rincée, j'y vais en pilote automatique, mais on y va, et on ne lâchera rien", souffle une députée sortante.

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