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Pénurie de carburant : on vous raconte le bras de fer entre les syndicats et les groupes pétroliers

Trois semaines après le début de la grève chez Esso-ExxonMobil, puis chez TotalEnergies, le gouvernement presse les acteurs du dossier de mettre fin au conflit.

Article rédigé par franceinfo
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Des salariés grévistes de TotalEnergies sont rassemblés le 10 octobre 2022, devant une raffinerie du groupe à Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime). (LOU BENOIST / AFP)

Sortie de crise ou faux espoir ? Après que TotalEnergies a proposé d'avancer ses réunions salariales à condition de mettre fin au blocage de ses sites pétroliers, la CGT a dénoncé, lundi 10 octobre, un "chantage" de la direction. "TotalEnergies essaie d'imposer une suspension de la grève avant toute réunion de négociation", a déploré le syndicat, avant d'annoncer la poursuite du mouvement jusqu'à mardi.

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Comment en est-on arrivé là ? Franceinfo remonte le fil du conflit social qui paralyse plusieurs dépôts et raffineries de TotalEnergies, mais aussi du groupe Esso-ExxonMobil.

Acte 1 : la fronde débute chez Esso-ExxonMobil

Sans faire les gros titres, la mobilisation commence le 20 septembre, touchant les deux raffineries françaises du groupe Esso-ExxonMobil, en Seine-Maritime et dans les Bouches-du-Rhône. Un mouvement parti de la base, en pleine journée de négociation salariale. "La direction propose une augmentation générale des salaires bien en deçà de l'inflation 2022-2023 en prévision, explique le syndicat FO au site 76actu. Vu les résultats du premier semestre et ceux annoncés pour le second, les salariés estiment que c'est très insuffisant."

L'entreprise, qui avait déjà accepté d'avancer ces négociations de décembre à septembre, défend alors "une bonne proposition", avec "6,5% d'augmentation moyenne des salaires et une prime de 3 000 euros". Elle fixe même un ultimatum au 26 septembre. En vain : la grève s'inscrit dans la durée.

Acte 2 : le mouvement s'étend à TotalEnergies

Le mouvement social prend de l'ampleur, le 27 septembre, au coup d'envoi d'une grève à TotalEnergies, annoncée pour au moins trois jours. Cantonnée aux raffineries et aux dépôts de carburants, la mobilisation rassemble "un peu plus de 70%" des effectifs présents dès le premier jour, selon la CGT. Comme lors de précédents mouvements les 24 juin et 28 juillet, le syndicat revendique une "revalorisation salariale immédiate à hauteur de 10% pour l'année 2022" – 7% pour l'inflation, 3% pour "le partage de la richesse" –, un "dégel des embauches" et "un plan massif d'investissements" en France.

En face, la direction rappelle avoir déjà acté des "mesures salariales représentant une augmentation moyenne de 3,5% en 2022". Elle souligne que "des négociations vont démarrer dès le mois de novembre", soit deux mois plus tôt qu'habituellement, "afin de voir comment les salariés pourront bénéficier des résultats générés par TotalEnergies". Grâce à la hausse des cours du pétrole et du gaz, le groupe a réalisé d'énormes bénéfices au deuxième trimestre 2022, doublant son bénéfice net, à 5,9 milliards d'euros (contre 2,3 milliards un an plus tôt).

Acte 3 : le PDG de TotalEnergies promet de "ne pas oublier" ses employés

Le 28 septembre, l'entreprise annonce vouloir "partager avec ses actionnaires" les fruits de ses bons résultats, via le versement d'un "acompte sur dividende exceptionnel" estimé à plusieurs milliards d'euros. Un geste est également adressé aux clients "qui réduiront leur consommation d'électricité cet hiver". Quant aux salariés, mystère. Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, promet de "ne pas [les] oublier" au moment de partager l'excédent de trésorerie. Il "n'y aura pas d'annonce aujourd'hui", ajoute-t-il aussitôt, car les discussions suivent leur cours, selon lui.

Sur le terrain, la situation s'aggrave. Au lendemain du début de la grève, le géant des hydrocarbures doit commencer à mettre à l'arrêt sa raffinerie de Normandie, près du Havre (Seine-Maritime), la plus importante de France. "On s'inscrit sur le long terme, prévient la CGT. Une raffinerie, pour l'arrêter, il faut cinq jours. Pour la redémarrer, il faut à peu près la même chose, donc on part minimum sur dix jours sans production."

Acte 4 : la grève s'enracine, les pompes s'assèchent

Le 30 septembre, les grévistes de trois des cinq raffineries de TotalEnergies décident de prolonger le mouvement. Renvoyés par la direction aux négociations de novembre, les syndicats refusent de patienter. "C'est pour parler de 2023, déplore la CGT. Nous, ce qu'on voudrait, avant ça, c'est régler la problématique de 2022 et le rattrapage de l'inflation." Du côté d'Esso-ExxonMobil, la CGT dit revendiquer "7,5% a minima d'augmentation générale".

Pendant que le conflit s'enlise, les premiers problèmes d'approvisionnement apparaissent dans les stations-service. "Des conséquences pour le public, ce n'est pas notre objectif, assure la CGT TotalEnergies. Ce qu'on aimerait, c'est que la direction (...) dise : 'On arrête les frais et on passe à la négociation'." La direction reconnaît des difficultés dans "certaines stations", attribuée à une affluence en hausse de "30% sur le mois de septembre", en lien avec sa remise de 20 centimes à la pompe.

Acte 5 : l'exécutif presse les syndicats et pétroliers de "faire vite"

Le 7 octobre, après 17 jours de grève à ExxonMobil et 10 jours à TotalEnergies, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, appelle les parties prenantes à "faire vite" pour "trouver un accord" de sortie de crise. Un coup de pression particulièrement destiné aux géants pétroliers, priés de consentir "des efforts à l'endroit des salariés", comme le fait savoir la ministre déléguée Olivia Grégoire.

"J'appelle les entreprises concernées, qui, pour la plupart, ont quand même de bons résultats, à considérer les demandes d'augmentation de salaires."

Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises

à franceinfo

Le même jour, le président de la République, Emmanuel Macron, et sa Première ministre, Elisabeth Borne, montent à leur tour au créneau pour en appeler à la "responsabilité" des acteurs du dossier. "Toutes les revendications salariales sont légitimes, mais il ne faut pas qu'elles empêchent les uns et les autres de vivre et de pouvoir circuler", estime le chef de l'Etat, "confiant sur la capacité de ces deux groupes à finaliser leurs discussions salariales".

Acte 6 : la CGT et les entreprises font de premières concessions

Au cours du week-end des 8 et 9 octobre, marqué par des difficultés d'approvisionnement dans près de 30% des stations-service, la CGT de TotalEnergies lâche du lest la première. Dans une lettre ouverte adressée à Patrick Pouyanné, samedi, elle se dit prête à entamer des négociations, "dès lundi", "sur la base de notre revendication salariale seule", sans exigence en matière d'embauches et d'investissements.

Le lendemain, la main tendue vient des pétroliers. TotalEnergies propose alors d'avancer au mois d'octobre – et non plus au 15 novembre – l'ouverture des négociations annuelles sur les salaires, à condition que les blocages prennent fin dans les raffineries et dépôts de carburants. Plus tôt dans la semaine, son PDG avait réitéré sa promesse de ne pas "oublier" les salariés. "Tous nos collègues recevront leur juste récompense sur leur fiche de paie avant la fin de l'année", avait-il précisé, assurant aux collaborateurs qu'ils étaient "prioritaires dans le partage de la prospérité".

De son côté, la direction d'Esso-ExxonMobil en France annonce son intention de réunir, lundi, "les quatre organisations syndicales représentatives du personnel". Le groupe, dont les deux raffineries en France sont toujours à l'arrêt, se dit "convaincu que la qualité du dialogue social engagé et ininterrompu avec les organisations représentatives du personnel permettra de sortir rapidement du conflit".

Acte 7 : la CGT reconduit la grève jusqu'à mardi, le mouvement s'étend

Nouvelle impasse en début de semaine. Malgré les mains tendues, la grève pour les salaires chez TotalEnergies a été reconduite lundi jusqu'à mardi et étendue à une quinzaine de stations-service autoroutières du réseau Argedis, filiale de TotalEnergies. Le mouvement est reconduit à la raffinerie de Normandie, près du Havre, dans le dépôt de carburants de Flandres, près de Dunkerque et à la bio-raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône), précise à l'AFP Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité européen TotalEnergies, selon qui 15 stations-service du réseau Argedis "seront fermées" mardi.

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