Comment la direction de la SNCF tente de limiter les effets de la grève des cheminots
Alors que les syndicats lancent le 3 avril une "grève perlée" pour contester la réforme de la SNCF, la compagnie met tout en œuvre pour contourner le mouvement.
Trente-six jours de grève étalés sur trois mois. Face à l'ampleur du mouvement lancé par les syndicats de cheminots, la SNCF a un plan de bataille. Calcul des jours de grève, remplacement des grévistes… La compagnie ferroviaire s'organise pour limiter au maximum l'effet du mouvement social, au risque d'être accusée d'atteinte au droit de grève.
Elle fait son maximum pour que ses clients ne prennent pas le train
Les jours de grève, la SNCF veut vous faire préférer la voiture. En partenariat avec la Ville de Paris, l'application de navigation GPS Waze et Facebook, elle propose une nouvelle offre de covoiturage, baptisée "Autostop-Citoyen". La SNCF entend ainsi organiser et encourager "l'auto-stop bénévole et solidaire". Certainement plus facile que de lever son pouce et un carton indiquant "Limoges" sur le bord de la route.
Cette longue période de perturbations lui permet aussi de mettre en avant son service de covoiturage iDVROOM. Le service est payant mais la SNCF s'engage à rembourser "le mois suivant" les passagers, "pour chaque covoiturage réellement effectué partout en France à partir du 21 mars et jusqu'à l’arrêt des perturbations".
Après avoir fermé les réservations pour les jours de grève, la SNCF s'est engagée à assurer l'échange et le remboursement sans frais de la grande majorité des billets de train, pour inciter les voyageurs à avancer ou repousser leurs trajets. Et la mesure concerne aussi les billets non échangeables et non remboursables. La SNCF va aussi rembourser les abonnés iDTGV et TGVmax, qui risquent de payer entre 60 et 80 euros d'abonnement pour rien en avril.
Elle frappe les grévistes au portefeuille
Le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, dispose d'une arme redoutable : la retenue sur salaire. Et pour en maximiser l'effet, la direction de la compagnie a décidé de considérer les 18 préavis de grève de l'intersyndicale d'avril à juin comme "une seule et même grève contre la réforme du système ferroviaire". C'est ce qu'a expliqué Guillaume Pepy, sur France 2, jeudi.
En déposant ces 18 préavis de deux jours, les syndicats espèraient que les agents grévistes ne subiraient des retenues sur salaires que pour les jours où ils font effectivement grève, soit, à chaque fois, un 30e du salaire mensuel en moins.
Mais l'interprétation de la SNCF lui permettra de ne pas payer les jours de repos des cheminots qui tomberont sur ces jours de grève. Une vision soutenue par la ministre des Transports. "Je pense que les Français ont bien l'impression que c'est un mouvement global", a déclaré Elisabeth Borne, jeudi, sur Europe 1. La SNCF ajoute que "ce n'est pas la première fois" qu'elle calcule de cette manière et que "c'était déjà le cas en 2016", lors d'un précédent mouvement.
La CGT-Cheminots, premier syndicat du groupe, accuse la direction de "mentir sur le droit de grève" pour "étouffer la contestation". "La direction est prête à se mettre dans l'illégalité afin de casser la grève", alors que "la mobilisation s'annonce extrêmement importante", déclare son porte-parole, Cédric Robert, à l'AFP.
Elle oblige de plus en plus de salariés à se déclarer 48 heures à l'avance
Depuis 2007, la loi obligeait certains salariés à se déclarer en grève 48 heures à l'avance, afin de laisser plus de temps aux entreprises concernées pour organiser le service minimum. Conducteurs de trains, contrôleurs et aiguilleurs étaient concernés. En novembre 2017, "la SNCF a étendu cette obligation à 26 760 employés supplémentaires, qui travaillent notamment dans la maintenance des trains ou l'information des voyageurs", selon Le Parisien. "Résultat : sur les 150 000 cheminots de la SNCF, ils sont désormais 58 000 à être soumis à cette obligation", selon le quotidien.
"Une attaque du droit de grève", pour les syndicats de cheminots. "La SNCF veut des grèves qui ne perturbent pas", avait alors déclaré un responsable de SUD-Rail au quotidien. La SNCF avait alors rétorqué qu'il s'agissait de "garantir le plan de transport et le droit d'informer les passagers".
Elle les remplace le plus possible
A chaque mouvement de grève, la SNCF appelle son personnel à la mobilisation. Dans un e-mail datant de février, consulté par Le Parisien, la compagnie a par exemple "proposé des formations accélérées pour assurer l'information en gare". Elle s'appuie également sur ses cadres, notamment "ceux chargés des essais ferroviaires et de la formation des conducteurs".
Dans un autre e-mail consulté par le journal, "Guillaume Pepy, président du directoire, et Patrick Jeantet, patron de SNCF Réseau, exhortent leurs plus proches collaborateurs à descendre dans les gares pour faire partir les trains et informer les voyageurs". "Mieux payés que nous, ils nous remplacent, confie un syndicaliste au Parisien. Ils sont surnommés les briseurs de grève."
La CGT accuse aussi la SNCF de faire appel à "la main-d'œuvre étrangère des filiales pour venir travailler dans les sites français", dans un tract diffusé lundi. "Des cheminots anglais de Leyton ont été sollicités pour travailler au Landy en région parisienne", pour assurer la maintenance des Eurostar, affirme le syndicat. Le RMT, syndicat britannique des travailleurs des transports, a d'ailleurs demandé à ses membres de "ne pas se porter volontaires pour des tâches qui pourraient saper la grève".
L'accusation a été "formellement" démentie par la SNCF, qui explique dans un communiqué que "des techniciens Siemens (constructeur du nouvel Eurostar) assurent régulièrement des sessions de formations au technicentre du Landy", "dans le cadre d'un contrat de maintenance lié à la mise en service de la nouvelle flotte Eurostar E-320".
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