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Info franceinfo Affaire Adama Traoré : l'avocat de la famille demande la nullité de l’expertise médicale du 25 mai dernier qui disculpait les gendarmes

Selon l'avocat de la partie civile, un médecin a participé à l'expertise rendue le 25 mai dernier, mais son nom n'était pas indiqué dans le rapport ce qui est contraire à la loi. 

Article rédigé par franceinfo, David Di Giacomo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Yassine Bouzrou, l'avocat de la famille d'Adama Traoré, le 3 mars 2020 à Paris. (ALAIN JOCARD / AFP)

L'avocat de la famille d’Adama Traoré a adressé lundi une requête en nullité à la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris pour faire annuler l’expertise médicale du 25 mai dernier qui concluait à la non responsabilité des gendarmes dans la mort du jeune homme, il y a quatre ans, à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise), a appris franceinfo auprès de maître Yassine Bouzrou.

Dans cette requête, les parties civiles reprochent aux trois médecins qui ont conduit cette expertise de ne pas avoir précisé, dans le premier rapport d’expertise rendu aux juges, qu’ils avaient sollicité l’avis d’un cardiologue nîmois. Un oubli qui n’est pas conforme à la loi selon l’avocat de la famille d’Adama Traoré.

Un oubli qui jette le trouble

Cette expertise du 25 mai dernier, dans laquelle les experts concluaient qu’Adama Traoré n’était pas mort "à la suite d’une ‘asphyxie positionnelle’ mais d’un œdème cardiogénique", a été très critiquée par la partie civile, qui a tout de suite pointé l’absence de compétence en cardiologie des trois experts nommés. Des médecins respectivement pneumologue, interne en gériatrie, et hématologue.

Pour répondre à ces critiques, l’un des médecins a alors écrit aux juges, quelques jours après la remise du rapport, en précisant qu’ils avaient demandé l’avis d’un cardiologue avant de se prononcer. Or, selon maître Yassine Bouzrou, cette précision aurait du se trouver dans la première version du rapport médical. L’article 166 du code de procédure pénal stipulant que "les experts signent leur rapport et mentionnent les noms et qualités des personnes qui les ont assistés". Un oubli qui jette le trouble sur le rapport médical, selon l'avocat de la famille d’Adama Traoré.

"Nous venons d'apprendre avec stupeur qu'un médecin non désigné par les juges d'instruction et non inscrit sur la liste des experts a participé à l'expertise médicale qui exonère les gendarmes", a indiqué à franceinfo maître Yassine Bouzrou. "La participation clandestine d'un médecin, qui serait cardiologue, arrive opportunément. Elle vise à donner plus de valeur à une expertise qui a été clairement contestée par l'expertise indépendante versée à la procédure par les parties civiles", explique-t-il.

La partie civile s'interroge sur une "possible tentative d'escroquerie au jugement"


"Nous avions dénoncé un rapport de complaisance qui se permettait d'inventer une pathologie cardiaque alors qu'un cardiologue avait balayé cette hypothèse. Ces pseudo experts tentent en toute illégalité de justifier leurs conclusions et leur incompétence en matière de cardiologie", dénonce maître Yassine Bouzrou, pour qui ce rapport "devra être nul et écarté du dossier".

"Mes clients avaient dénoncé des médecins charlatans désignés par les magistrats instructeurs. Quant à moi, je m'interroge sur la possible tentative d'escroquerie au jugement par le fait d'user de manoeuvres frauduleuses pour tromper la justice. Cela ferait de ces experts des escrocs", ajoute maître Yassine Bouzrou, dubitatif devant l’avis qu’auraient sollicité les experts auprès de ce cardiologue.

Et pour lui, ce nouvel accroc au rapport d’expertise médicale renforce au contraire la thèse de l’asphyxie positionnelle pour expliquer la mort d’Adama Traoré. Sans ce rapport, dont il demande la nullité, "il reste ainsi trois expertises médicales de synthèse, lesquelles reconnaissent toutes que l'asphyxie positionnelle a eu un rôle dans le décès d'Adama Traore, assure Yassine Bouzrou. Les deux expertises indépendantes affirment elles qu'il s'agit de l'unique cause de la mort".

Sollicité par franceinfo, Rodolphe Bosselut, avocat de deux des gendarmes placés sous le statut de témoin assisté, n'a pas souhaité faire de commentaire sur cette requête de la partie civile.

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