"Les circonstances sont réunies pour une exaspération totale" : pourquoi le gouvernement s'inquiète de la colère des agriculteurs
La colère des agriculteurs peut-elle déboucher sur une crise politique plus profonde ? L'inquiétude est en tout cas palpable et grandissante au plus haut sommet de l’Etat. Des tracteurs prêts à prendre la route pour Paris, des agriculteurs qui menacent de déverser leurs productions devant les préfectures... Voilà le tableau qu’un ami d’Emmanuel Macron a dépeint au président ce week-end. "Une colère sourde et des images qui peuvent faire peur", s’inquiète un poids lourd de la majorité.
Dans l’attente des remontées des préfets, l’Elysée tente de calmer le jeu : "Le chef de l’Etat est soucieux de la situation des agriculteurs, lâche un de ses conseillers. Il a toujours considéré qu’il fallait protéger les consommateurs sans jamais s’attaquer aux agriculteurs". Le dossier est géré par Matignon, d’où le rendez-vous prévu lundi 22 janvier avec les principaux syndicats agricoles, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs (JA), ainsi que ce nouveau déplacement du ministre Marc Fesneau, lundi également, en Vendée, sur le thème de la gestion de l’eau.
L’examen de la loi d’orientation agricole, initialement prévu mercredi 24 janvier, a été reporté de "quelques semaines". Avant ou après l’ouverture du Salon de l’agriculture, fin février ? Impossible à dire. Ce délai laissera du temps pour comprendre les ressorts de la crise et, selon le ministère, "d’incorporer dans le texte des mesures de simplification".
Un terrain fertile pour le RN
Moins de normes et une vie plus facile, c'est ce que réclament justement les agriculteurs lors des manifestations comme celle de Carbonne, près de Toulouse où l'autoroute A64 est toujours coupée en ce début de semaine, pour la cinquième journée consécutive.
"Le pacte de confiance avec le gouvernement est rompu", estime ainsi Pierrick Horel, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs, sur franceinfo, avant d'être reçu par le Premier ministre Gabriel Attal.
"C'est un ras-le-bol général. On a eu des grandes annonces, du 'en même temps' du gouvernement, qui nous expliquait qu'il fallait qu'on progresse très vite, mais sans moyens sur la question environnementale ou la transition énergétique"
Pierrick Horelà franceinfo
Le manque de "réelle vision ou d’accompagnement financier" vient "cristalliser un mécontentement qui explose aujourd’hui sur le territoire et dans les campagnes", analyse le secrétaire général des Jeunes Agriculteurs. Rémunérations, normes environnementales jugées trop contraignantes, fin des réductions fiscales sur le gazole non-routier… Les problématiques sont nombreuses, et elles peuvent "être gérées si on a un revenu suffisant sur nos exploitations, mais là, ce n’est plus le cas", estime-t-il.
Mais "il n’y a pas de catalyseur, on a du mal à évaluer leurs revendications", grimace de son côté un soutien d’Emmanuel Macron, ce qui rend le mouvement encore plus difficile à cerner et le terrain d’autant plus fertile pour le Rassemblement national, à moins de cinq mois des élections européennes. "Tout le monde va se mettre à parler comme nous, mais la politique, c’est comme l’amour, il faut des preuves", confiait à franceinfo Jordan Bardella, samedi 20 janvier en marge d’une visite sur une exploitation agricole.
"Un discours culpabilisant, des prix en hausse, une forme d’impuissance", égrène un ministre qui s'inquiète : "Les circonstances sont réunies pour une exaspération totale". Voilà donc un deuxième front à gérer pour le nouveau Premier ministre alors que la polémique Amélie Oudéa-Castéra rebondit, avec de nouvelles révélations de Mediapart et que Gabriel Attal n’a toujours pas de gouvernement complet.
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