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Glyphosate : "On fait passer les lobbys de l'industrie chimique devant la santé et l'environnement", dénonce Foodwatch

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Article rédigé par franceinfo
Radio France

Karine Jacquemart, directrice générale de l'ONG de défense des consommateurs, a commenté, sur franceinfo, le vote de l'Union européenne de prolonger l'autorisation du glyphosate pour cinq ans. Une décision qu'elle juge "scandaleuse" et "inquiétante".

Invitée de franceinfo mardi 28 novembre, Karine Jacquemart, directrice générale de l'ONG de défense des consommateurs, Foodwatch, s'est dite inquiète par la décision de l'Union européene de renouveler le glyphosate pour cinq ans. Selon elle, "on fait passer, les lobbys de l'industrie chimique devant la santé des agriculteurs, des consommateurs et de l'environnement."

franceinfo : Le vote mardi des Etats membres en faveur du renouvellement pour cinq ans du glyphosate vous a-t-elle étonnée ?

Karine Jacquemart : Oui. On s'attendait à ce qu'il n'y ait pas de majorité qualifiée et on arrive avec un total de pays qui représente un tout petit peu plus de 65% de la population européenne, soit le quota minimum pour que le vote passe. C'est le retournement de l'Allemagne qui a changé la donne par rapport au précédent vote. Il y a un contexte politique assez instable en Allemagne, avec des négociations pour [former] le nouveau gouvernement. C'est aussi le pays de Bayer et BASF [groupes de chimie et de pharmacie]. Certains peuvent y voir un lien. En tout cas, cette décision de renouveler le glyphosate pour cinq ans par l'Union européenne est scandaleuse et c'est très inquiétant. On l'a vu avec les Monsanto Papers, la décision du renouvellement est prise par un certain nombre d'Etats membres sur la base de rapports qui sont des copier-coller de l'industrie chimique elle-même et de Monsanto. Ce n'est évidemment pas acceptable. On a l'impression d'être dans un mauvais film.

En termes d'urgence, est-on vraiment à une ou deux années près. En quoi un délai de cinq ans contre trois ans change-t-il réellement quelque chose ?

Ce qui change quelque chose, c'est que rien n'est acté vers une sortie du glyphosate. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le renouvellement de cinq ans ne veut pas dire qu'on a décidé d'en sortir dans cinq ans. Cela veut dire qu'il n'y aucune décision de prise. On renouvelle, on reporte, c'est une fuite en avant et la question se reposera dans cinq ans. Le virage n'est absolument pas pris, malgré nos connaissances de l'impact du glyphosate sur la santé, des "effets cocktail" des résidus de pesticides dans l'alimentation, des effets sur l'environnement, du fait que l'OMS a reconnu cette substance – l'herbicide le plus vendu au monde – comme "potentiellement cancérogène" pour l'homme. 

Rien n'est acté, on continue comme si de rien n'était et c'est ça qui est inquiétant.

Karine Jacquemart

à franceinfo

Pour le syndicat agricole, la FNSEA, cinq ans, c'est le minimum pour être sûr de trouver des alternatives au glyphosate. Mais la France, par la voix d'Emmanuel Macron, veut sortir du glyphosate au plus tard dans trois ans. Qu'en pensez-vous ?

C'est un acte politique, un engagement qui va dans le bon sens et qu'il faut saluer. Si on continue à dire qu'on renouvelle pour cinq ans, puis pour dix ans, sans prendre de décision d'en sortir, on n'ira nulle part. Là, au moins, il y a un acte politique qui est posé qui est de dire : on va vers une sortie. On attend maintenant de voir concrètement quelle forme cela prendra. L'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, peut interdire des formulations commerciales à base de glyphosate. Ce qu'il faut, c'est acter que nous allons vers une sortie. Foodwatch l'a toujours dit, il faut une sortie avec un accompagnement des agriculteurs. En aucun cas il ne faut opposer les agriculteurs et l'agriculture à la santé publique et la protection de l'environnement. Il faut qu'on avance de concert. Il faut le temps des alternatives pour certains, d'autres n'en ont pas besoin, car les alternatives existent déjà pour un certain nombre d'agriculteurs. Ce qui n'est pas acceptable, c'est quand on ne prend pas une décision et quand on fait passer les lobbys de l'industrie chimique et notre dépendance à l'égard de  l'industrie chimique devant la santé des agriculteurs, des consommateurs et de l'environnement. Ça, ce n'est plus possible.

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