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Compte personnel de formation : en rendant payante l'utilisation du CPF, le gouvernement veut lutter contre les arnaques... et faire des économies

L'exécutif a déposé samedi un amendement pour que les salariés participent financièrement à leur formation.
Article rédigé par franceinfo
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En près de trois ans, environ 5 millions de personnes ont été formées pour un coût total de quelque 7 milliards d'euros. (photo d'illustration) (ROMAIN LONGIERAS / AFP)

Bientôt la fin des formations professionnelles gratuites ? Le gouvernement a déposé un amendement à son projet de budget 2023, samedi 10 décembre. Ce dernier prévoit que les salariés devront désormais participer financièrement lorsqu'ils utilisent leur compte personnel de formation (CPF). Ce reste à charge pourra être proportionnel au coût de la formation, dans la limite d'un plafond, ou fixée à une somme forfaitaire. Seuls les demandeurs d'emplois en seront exonérés.

Cette nouvelle mesure devrait entrer en vigueur rapidement, puisque l'amendement devrait être adopté via l'arme constitutionnelle du 49.3, en nouvelle lecture du budget par l'Assemblée nationale ces prochains jours. Un décret en Conseil d'Etat précisera ensuite les modalités. 

Pour comprendre ce revirement du gouvernement, il faut remonter un peu en arrière. Depuis 2015, toute personne en activité âgée d'au moins 16 ans a accès à un CPF. Mais la vraie révolution a eu lieu 2019, quand le travailleur n'a plus rempli son CPF avec des heures de formation, mais avec de l'argent. La cagnotte augmente de plusieurs centaines d'euros par an, selon le type d'emploi. Chaque personne peut ensuite choisir et payer directement en ligne sa formation.

Un succès grandissant... et coûteux

La simplification du système de formation professionnelle, voulue par la majorité lors du premier mandat d'Emmanuel Macron, a été un véritable succès. En 2020, un million de dossiers de formation ont été acceptés par la Caisse des dépôts et consignations. L'année suivante, ce nombre a plus que doublé. "On a créé un nouveau droit facile d'accès qui permet à chacun de se former régulièrement", se félicite Antoine Foucher, ancien directeur de cabinet de l'ex-ministre du Travail Muriel Pénicaud entre 2017 et 2020.

Derrière cette augmentation fulgurante se cache un autre phénomène qui ennuie davantage le gouvernement : l'explosion du coût pour l'Etat, et ce, alors que les formations choisies sont aussi de plus en plus chères. En 2021, le prix moyen des formations a atteint 1 358 euros, soit une augmentation de près de 10% par rapport à 2020. E n près de trois ans, environ 5 millions de personnes ont été formées pour un coût total de quelque 7 milliards d'euros, selon la CDC.

Face à cette explosion des sommes déployées pour la formation, le gouvernement a donc décidé de revoir le système. Avant le dépôt de cet amendement, un nouveau système d'authentification sécurisé pour accéder à son compte CPF a ainsi été mis en place. "Depuis le 25 octobre déjà, il faut se créer une identité numérique obligatoire pour pouvoir accéder à votre CPF, relève Antoine Foucher. Résultat, et c'était l'un des objectifs recherchés par le gouvernement, la demande de formation a reculé de 50%." 

Avec l'amendement déposé samedi, le gouvernement s'attaque cette fois au portefeuille des salariés pour limiter le recours aux formations. Si on ne connaît pas encore les détails du reste à charge, la volonté est bien de réduire l'addition pour l'Etat. "C'est une belle réforme, le compte personnel de formation", a expliqué Olivier Véran, porte-parole du gouvernement lors de l'émission "Le Grand Jury", dimanche, tout en estimant que c'est  "une réforme très financée" par l'Etat.

"C'est la fin du quoi qu'il en coûte"

" Faire des économies sur la formation alors que les compétences permettent aux individus de changer de société, aux entreprises d'être plus performantes, à une nation de gagner la bataille de la mondialisation, c'est un contre-sens total", juge pour sa part Antoine Foucher

"C'est totalement contraire à l'ambition macronienne de 2017."

Antoine Foucher, ex directeur de cabinet de Muriel Pénicaud

à franceinfo

"C'est la fin du quoi qu'il en coûte", a réagi auprès de franceinfo Angéline Barth, secrétaire confédérale de la CGT. La formation professionnelle est "un droit attaché à la personne, inaliénable, opposable à l'employeur et normalement finançable à 100% pour le salarié", rappelle-t-elle. Elle dénonce "une mesure violente" pour les travailleurs, alors que les contributions des entreprises à la formation ont, elles, diminué depuis 2014.

Des millions d'euros détournés

Le boum des formations professionnelles a également engendré un autre phénomène que le gouvernement veut tenter de réduire avec cet amendement  : les arnaques au CPF. En effet, depuis 2019, c'est la Caisse des dépôts et consignations qui rémunère directement les sociétés de formation. Certaines se révèlent parfois être des coquilles vides. Des millions d'euros ont ainsi été détournés.

"Chaque personne qui est dotée d'un téléphone a dû recevoir un certain nombre d'appels ou d'emails pour lui proposer des formations pas très rigoureuses", a confirmé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran lors du "Grand Jury", dimanche. Avec cet amendement, "il y a un peu de régulation, un petit reste à charge qui permet aux Français de ne pas tomber dans des arnaques et à l'Etat de ne pas payer des formations qui n'en sont pas", a-t-il assuré.

Le Parlement a déjà adopté une proposition de loi pour interdire le démarchage commercial des titulaires de CPF, espérant tarir le flux de sollicitations subi par les particuliers. Cette mesure, en revanche, ne touchait pas au porte-monnaie des personnes actives.

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