Colère des agriculteurs : souveraineté alimentaire, pesticides, soutien fiscal... Ce qu'il faut retenir des nouvelles annonces du gouvernement
Deux mots d'ordre : "produire et protéger". Deux jours après les annonces faites pour l'agriculture française lors de sa déclaration de politique générale, Gabriel Attal a présenté, jeudi 1er février à Matignon, une nouvelle salve de mesures pour répondre aux revendications des agriculteurs mobilisés dans toute la France. Les ministres de l'Economie, de l'Agriculture et de la Transition écologique, Bruno Le Maire, Marc Fesneau et Christophe Béchu, se sont également succédé pour détailler ces annonces, dont le coût est estimé à 400 millions d'euros. Voici ce qu'il faut en retenir.
L'objectif de souveraineté alimentaire inscrit dans la loi
Le Premier ministre a annoncé sa volonté d'inscrire "l'objectif de souveraineté alimentaire dans la loi", c'est-à-dire la capacité d'un pays à produire sa propre alimentation. "Nous le ferons avec les agriculteurs sur la base d'indicateurs clairs définis avec eux", et "nous consacrerons dans le Code rural l'agriculture comme un intérêt fondamental de la nation", a détaillé Gabriel Attal.
"Ce n'est pas une souveraineté retranchée sur elle-même, car je n'oublie pas que notre agriculture est un de nos principaux secteurs exportateurs, avec les céréales, les vins, les spiritueux, les produits laitiers. Mais c'est une ouverture avec des règles de la réciprocité et les mêmes exigences pour tous", a-t-il ajouté.
Une enveloppe de 150 millions d'euros pour les éleveurs
Le gouvernement consacrera "150 millions d'euros en soutien fiscal et social dès cette année et de façon pérenne", a annoncé le Premier ministre. "Nos éleveurs ont besoin d'un soutien spécifique", a justifié Gabriel Attal, précisant qu'"un travail avec la filière permettra d'en préciser les modalités".
Bruno Le Maire avait déjà annoncé en octobre une mesure de défiscalisation pour les éleveurs bovins. Mais la Fédération nationale bovine a fait part fin janvier d'une "déception extrêmement forte" des éleveurs à ce sujet.
Une "phase massive de contrôle" dans les supermarchés et chez les industriels
Le ministre de l'Economie a annoncé "10 000 contrôles" sur les produits revendiquant une origine française, par leur étiquetage ou la présence d'un drapeau tricolore. Les sanctions en cas d'infraction pourront atteindre 10% du chiffre d'affaires des industriels ou distributeurs qui auraient fraudé, a précisé Bruno Le Maire.
Concernant le respect des lois Egalim, qui visent à garantir un revenu minimum aux agriculteurs, "toutes les plus grandes chaînes de la grande distribution seront contrôlées dans les prochains jours sans exception", et les marques distributeurs sont également concernées, a annoncé le ministre. Il a également pointé du doigt l'utilisation croissante de centrales d'achat européennes par les distributeurs pour se fournir, rappelant que "la loi française s'applique totalement", même dans ce cadre.
Le gouvernement a également annoncé une "mission d'évaluation" des lois Egalim. Un rapport à ce sujet sera remis "d'ici au printemps" et devra "ouvrir la voie à une amélioration et un renforcement de la loi", a précisé le ministre de l'Economie.
Une "mise en pause" du plan Ecophyto de réduction des pesticides
Le gouvernement va suspendre le plan Ecophyto, qui doit permettre de réduire l'usage des pesticides, a annoncé le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau. "Nous allons remettre sur l'ouvrage le plan Ecophyto, le mettre donc en pause, le temps d'en retravailler un certain nombre d'aspects, de le simplifier."
Gabriel Attal avait dit un peu plus tôt qu'Ecophyto serait "mis à l'arrêt le temps de mettre en place un nouvel indicateur". L'indicateur central du plan, le Nodu, qui mesure l'usage des molécules par les exploitants, est contesté par plusieurs organisations agricoles.
Le plan Ecophyto vise à réduire de moitié l'utilisation des pesticides d'ici 2030 (par rapport à 2015-2017) et à accélérer la recherche d'alternatives. Ce plan avait été rejeté d'emblée par les producteurs de grandes cultures (céréales, graines à huile, sucre, betteraves).
Des mesures contre la concurrence déloyale
Gabriel Attal a également annoncé qu'il allait prendre "sans délai une clause de sauvegarde" pour interdire les importations de produits agricoles utilisant du thiaclopride, un pesticide interdit en Europe, mais qui peut se retrouver dans les importations de certains produits. Cette décision représente selon lui un exemple de "clause de sauvegarde" ou de "mesure miroir" – un mécanisme qui impose aux produits importés de respecter les mêmes règles que celles imposées aux agriculteurs européens –, que la France peut prendre pour éviter "la concurrence déloyale".
Gabriel Attal a par ailleurs demandé que la question de la limitation des importations de céréales ukrainiennes dans l'UE soit incluse dans une prochaine négociation. L'UE n'a pas intégré les céréales dans une liste de produits "sensibles" sur lesquels les importations peuvent être freinées.
Une dérogation à la règle des prairies
Le Premier ministre s'est engagé à assouplir les règles imposant aux agriculteurs de maintenir des surfaces en prairies en appliquant "une dérogation à l'obligation de réimplantation pendant un an".
"Nous devons nous remettre autour de la table pour mieux protéger nos prairies essentielles à nos paysages et à la lutte contre le changement climatique, tout en sortant de situations totalement absurdes où des agriculteurs sont obligés de réinstaller des prairies alors même qu'ils ont arrêté leur activité d'élevage", a-t-il justifié.
Le relèvement des seuils d'exonération sur les successions agricoles
Le gouvernement va relever les seuils d'exonération sur les successions agricoles, a annoncé le Gabriel Attal. "C'est par les nouvelles générations que nous assurerons la pérennité de notre agriculture", a-t-il argué.
Le principal changement sur les successions concerne les plus-values sur les transmissions d'entreprises individuelles : actuellement fixés à 500 000 euros pour une exonération totale et jusqu'à un million d'euros pour une exonération partielle, les seuils seront relevés respectivement à 700 000 euros et 1,2 million d'euros, "en cas de reprise d'une exploitation agricole par un jeune agriculteur", a détaillé Bruno Le Maire.
Outre le relèvements de ces seuils, le gouvernement entend lancer une mission sur les transmissions agricoles pour faciliter le renouvellement des générations en agriculture. "Cela prendra quelques mois et pourrait être transposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025", a déclaré le ministre de l'Economie.
Le remboursement partiel immédiat de la taxe sur le gazole non routier
Le gouvernement a promis qu'à partir de juillet, la ristourne fiscale dont bénéficient les agriculteurs sur le gazole non routier (GNR) serait appliquée dès l'achat, et non plus après coup sur justificatif. En attendant, ils peuvent "bénéficier de l'avance de 50% sur le remboursement du GNR", comme annoncé par Gabriel Attal vendredi, "depuis ce [jeudi] matin", a précisé le ministre de l'Economie, en affirmant que le versement serait "effectué sous dix à quinze jours maximum".
Des aides à l'installation
Pour encourager le renouvellement des générations, "deux milliards d'euros" vont être débloqués pour faciliter l'octroi des prêts aux agriculteurs nouvellement installés afin de "permettre des investissements ou la reprise des exploitations", a rappelé Marc Fesneau. Le ministre de l'Agriculture a ainsi confirmé le montant du prêt garanti par l'Etat (PGE) déjà intégré en novembre dans le budget 2024. L'enveloppe pour l'accompagnement à l'installation passera par ailleurs de 13 millions à 20 millions d'euros pour "mieux accompagner" les jeunes agriculteurs. Enfin, le secteur agricole sera reconnu comme "en tension", un statut qui ouvre aux entreprises des aides pour le recrutement.
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