On vous explique les lois Egalim, qui cristallisent la rancœur des agriculteurs

Ces lois doivent garantir un revenu fixe aux agriculteurs et éleveurs français. Mais la grande distribution est accusée de contourner ces textes ou de mal les appliquer dans le but de faire baisser les prix.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des agriculteurs en colère manifestent à l'entrée du pont de Noirmoutier (Vendée), le 27 janvier 2024. (ESTELLE RUIZ / HANS LUCAS / AFP)

C'est l'une des raisons de la colère. Les agriculteurs ont poursuivi leurs actions, lundi 29 janvier, avec le blocage des axes de communication autour de Paris et de grandes villes. Après neuf jours de mobilisation, les agriculteurs ne désarment pas et réclament toujours une meilleure lutte contre la concurrence déloyale de certains pays européens et un assouplissement des normes environnementales. Mais ils veulent surtout une meilleure rémunération et notamment le respect des lois Egalim "par les distributeurs", selon Jérôme Foucault, président de l'Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (Adepale). Que prévoient ces lois ? Pourquoi les agriculteurs y tiennent-ils ? Franceinfo fait le point sur ce qui constitue le moteur de la contestation.

Une première loi pour protéger les exploitants agricoles

La loi Egalim provient des Etats généraux de l'alimentation, tenus en 2017. Il s'agissait d'une grande concertation de l'ensemble de la chaîne alimentaire française lancée peu après l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. Mais plutôt que la loi Egalim, il est préférable d'évoquer les lois Egalim. Il en existe effectivement trois, respectivement votées en 2018, 2021 et 2023. La première, adoptée en octobre 2018, est baptisée "loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine, durable et accessible à tous". Elle devait permettre "aux agriculteurs d'avoir un revenu digne en répartissant mieux la valeur", selon le site du ministère de l'Agriculture.

Egalim 1 contraint les supermarchés à réaliser une marge d'au moins 10% sur les produits alimentaires et plafonne les promotions à 34% de la valeur du produit. Objectif théorique : éviter qu'en resserrant excessivement leurs marges, les distributeurs ne soient tentés d'exercer une pression supplémentaire sur les industriels et, par conséquent, sur les producteurs. Elle comporte aussi des mesures sur le bien-être animal ou le gaspillage.

Une deuxième loi pour améliorer la première

L'efficacité d'Egalim 1 a été mise en doute par des travaux parlementaires et par des associations de défense des consommateurs. Un constat d'échec également fait en mai 2021, devant les députés de l'Assemblée nationale, par le ministre de l'Agriculture de l'époque, Julien Denormandie : "La loi Egalim était nécessaire, mais elle n'est pas suffisante." La deuxième loi Egalim, adoptée en octobre 2021, a rendu "non négociable", entre l'industriel et le distributeur, la part du prix correspondant au coût des matières premières agricoles.

Elle a également renforcé la transparence des prix avec la généralisation des contrats écrits entre l'agriculteur et l'entreprise qui transforme ses produits, sur trois ans minimum, en tenant compte des coûts de production. Elle a rendu obligatoire, enfin, l'indication du pays d'origine pour les produits agricoles et alimentaires. Cette loi "fonctionne", avait assuré Christiane Lambert, alors présidente de la FNSEA, en décembre 2022 sur franceinfo. Elle avait expliqué qu'avec cette loi, "le prix qui a été payé à l'agriculteur ne peut pas faire l'objet d'une négociation par le distributeur à l'industriel"

La loi Descrozaille, une loi Egalim 3, pour combler "un flou"

Portée par le député Renaissance du Val-d'Oise Frédéric Descrozaille, cette loi, adoptée en octobre 2023, voulait combler un flou juridique dans une situation bien précise : lorsque les industriels et les supermarchés n'arrivent pas à se mettre d'accord sur les nouveaux tarifs. Avant cette loi, les supermarchés pouvaient payer les produits à l'ancien tarif, même si les coûts de production pour les industriels avaient augmenté. Elle a également étendu l'interdiction de négociations sur le coût de la matière première agricole de la loi Egalim 2 aux produits de marque de distributeur, propriétés des supermarchés (Reflets de France pour Carrefour, Marque Repère pour Leclerc...). Elle a par ailleurs prolongé jusqu'en 2025 la disposition sur les 10% de marge mise en place avec Egalim 1, sauf pour les fruits et légumes frais. Mais cette dernière loi n'a pas convaincu, de l'aveu même de son instigateur qui a déclaré sur franceinfo qu'elle était "trop complexe (...) parce qu'elle rentre trop dans le détail".

Le gouvernement promet davantage de contrôles

La Confédération paysanne, troisième syndicat agricole en France et classée à gauche, veut que les lois Egalim soient non seulement davantage contrôlées, mais aussi renforcées. Pour calmer la contestation, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé vendredi que le gouvernement allait "prononcer trois sanctions très lourdes" contre trois entreprises ne respectant pas ces lois.

"L'objectif est clair : faire respecter Egalim partout, sans exception."

Gabriel Attal, Premier ministre

en déplacement en Haute-Garonne, vendredi 26 janvier

"Un prix est un prix, quand un industriel s'est engagé auprès d'un producteur de lait, il doit rigoureusement respecter les termes du contrat", a également mis en garde le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire. Avec la poussée inflationniste, les supermarchés sont tentés de se fournir au prix le plus bas possible, ce qui inquiète certains producteurs et transformateurs, alors que les négociations entre les supermarchés et leurs plus gros fournisseurs de l'agroalimentaire sur les conditions de vente d'une large part des produits en grandes surfaces doivent s'achever mercredi.

"Certains" distributeurs "renient le principe de non-négociabilité du prix des matières premières agricoles et refusent de reconnaître la hausse des coûts de production industriels (énergie et salaires)", reproche ainsi la Coopération agricole, syndicat des coopératives agricoles et agroalimentaires. Sur France 2, Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, réclame "une loi qui interdise que quiconque achète nos produits en dessous de ce que ça nous coûte [aux agriculteurs]".

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