Colère des agriculteurs : le "roi du poulet" ukrainien répond à Emmanuel Macron, qui l'accuse de "s'enrichir"

Emmanuel Macron estime que la suspension des droits de douanes pour les importations ukrainiennes en Europe a essentiellement profité à une entreprise de volaille, MHP. Son président exécutif répond sur franceinfo et assure que "tout ça, ce n’est pas la faute de l’Ukraine".
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Un élevage de volailles (illustration).. (REMY PERRIN / MAXPPP)

Le poulet ukrainien est perçu comme une menace par les éleveurs français. Ils ciblent particulièrement la production du géant du secteur, l'entreprise Myronivsky Hliboprodukt (MHP), enregistrée à Chypre et cotée à Londres, dirigée par l’oligarque Yuriy Kosyuk. MHP possède d’immenses fermes-usines partout en Ukraine et assure 60% de la production de volaille du pays, soit environ trois cents millions de poulets par an. L'Union européenne a suspendu les droits de douane avec l'Ukraine afin d'aider l’économie du pays dans la guerre, ce qui a rendu ses poulets encore plus compétitifs. Et le "roi du poulet ukrainien" en a largement bénéficié, à tel point que Yuriy Kosyuk a été pris pour cible par Emmanuel Macron, qui estime que l'augmentation des importations de poulet ukrainien en Europe a profité "aux trois quarts" à MHP. "Oui pour aider l’Ukraine, mais non à la concurrence déloyale, a ainsi assuré le chef de l'État, le 1er février à Bruxelles. Objectivement, on n'a pas envie d'enrichir ce monsieur. Ce n'est pas ça, le but, ça n'aide pas l'Ukraine." 

Franceinfo a essayé d’obtenir une interview avec l'oligarque Yuriy Kosyuk, sans succès. Il a fallu appeler à Dubaï pour parler au président exécutif de MHP, John Rich, qui nous a accordé un entretien.

Franceinfo : Qu'avez-vous à répondre au président français, qui estime que l'augmentation des importations de poulets ukrainiens en Europe a profité "aux trois quarts" à votre entreprise, MHP ?

John Rich, président exécutif de MHP : Le message le plus important que je veux adresser à votre estimé président, c'est : s’il vous plaît, veuillez vérifier vos informations. Parce que manifestement, il y a eu une déformation des faits. Les faits tels qu’il les a présentés étaient inexacts. Nous pensons qu’il est essentiel de rétablir la vérité. Même si j’insiste pour remercier encore et encore la présidence française pour l’aide immense qu’elle apporte à l’Ukraine, au moment où nous vivons la pire guerre depuis la Seconde guerre mondiale.

Vous maintenez que les propos d’Emmanuel Macron sont incorrects ?

Notre société MHP n’a exporté vers la France qu’environ 6 à 9 000 tonnes de produits, ce qui représente 1 à 1,3% des importations totales françaises. La France importe près de 500 000 tonnes par an, dont environ 25% proviennent de Pologne ou d’autres pays de l’UE. Donc vous savez, en fin de compte, l’Ukraine n’est pas un acteur majeur du marché français de la volaille. Pour être tout à fait clair, nous n’avons aucun impact sur les prix français. Ils ont considérablement augmenté au début de la guerre et sont restés exactement les mêmes depuis.

Mais vous reconnaissez que vos exportations au sein de l’Union européenne ont largement bénéficié de la suppression des droits de douane ?

Il ne fait aucun doute que la suppression des droits de douane est une stratégie très intelligente, mise en place par l’UE pour permettre à l’Ukraine de subvenir elle-même à ses besoins. Ce qui s’est passé, c’est que la production ukrainienne, au lieu de représenter auparavant 10% des importations de l’Union, est passée à 25%. Ce qui était le but de la stratégie ! La demande en volailles a augmenté après la crise du Covid, sauf que les exportations du Brésil ont baissé. Celles du Royaume-Uni ont aussi baissé, celles de la Thaïlande sont restées les mêmes. Donc la production ukrainienne n’a fait que remplacer la production brésilienne et britannique. C’est tout ce qu’elle a fait.

Craignez-vous la mobilisation des agriculteurs ?

Je suis assez vieux pour savoir que ces choses-là fonctionnent en cycles. Oui, les agriculteurs protestent pour de bonnes raisons et c’est souvent au moment des élections qu’ils le font. Des élections européennes, en l’occurrence, pour faire changer les politiques, et ça fonctionne déjà ! Mais tout ça, ce n’est pas la faute de l’Ukraine.

La guerre vous impacte directement en tant que chef d’entreprise. Combien avez-vous d’employés qui sont mobilisés ?

Nous avons en Ukraine entre 27 et 28 000 employés, environ 10% d’entre eux sont mobilisés et malheureusement, 5% ont été tués. La société s’est donc entourée d’un grand nombre de psychologues et de psychiatres et nous continuons à soutenir les soldats en payant leurs salaires – ou bien en les versant à leurs familles s’ils sont morts – et ce, pendant dix ans.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.