Vrai ou faux Affrontements à Sainte-Soline : est-il exact qu'"aucune arme de guerre n'a été utilisée par les forces de l'ordre", comme l'affirme Gérald Darmanin ?

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Un gendarme mobile anti-émeutes, circulant en quad, tire avec un LBD sur les manifestants lors de la manifestation contre les "méga-bassines" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 25 mars 2023. (THIBAUD MORITZ / AFP)
Les gendarmes ont employé des grenades lacrymogènes de type GM2L et des lanceurs de balles de défense. Des armes "relevant des matériels de guerre", selon le Code de la sécurité intérieure.

Deux manifestants étaient entre la vie et la mort, lundi 27 mars, deux jours après des affrontements avec les forces de l'ordre lors d'un rassemblement contre les "méga-bassines" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Alors que de nombreuses voix dénoncent des violences policières, le ministre de l'Intérieur assure qu'"aucune arme de guerre n'a été utilisée par les forces de l'ordre, seulement des armes intermédiaires". Gérald Darmanin ajoute que "certains casseurs" ont en revanche employé "des armes de guerre". "Notamment, je pense aux cocktails Molotov", a-t-il précisé, lors d'une conférence de presse, lundi soir. En pleine polémique sur le maintien de l'ordre, le ministre a-t-il dit vrai ou fake ?

Selon la gendarmerie, des opposants à la construction de "méga-bassines", ces réservoirs d'eau à ciel ouvert, ont fait usage "de mortiers d'artifices, de chandelles romaines et de cocktails Molotov de forte contenance", entre autres projectiles. Les forces de l'ordre ont riposté avec 4 000 grenades de gaz lacrymogènes et de désencerclement, selon un chiffre communiqué par le ministre de l'Intérieur samedi soir, et en utilisant des lanceurs de balle de défense (LBD).

De leur côté, les organisateurs ont mis en cause la "violence absolument criminelle" des forces de l'ordre. Un journaliste de Politis, présent sur place, a partagé sur Twitter une photo de résidus de grenades lacrymogènes retrouvés par terre.

La secrétaire nationale d'EELV, Marine Tondelier, présente dans le cortège, a dénoncé auprès de l'AFP des tirs de grenades vers des personnes blessées. La Ligue des droits de l'homme a pour sa part évoqué des tirs au LBD 40 depuis "les quads en mouvement" des gendarmes. Un de ces tirs a été filmé par un média indépendant.

Les grenades et les LBD classés dans la catégorie A2

Si elles sont qualifiées d'"armes de force intermédiaire" dans le Schéma national de maintien de l'ordre, les deux types de grenades utilisées à Sainte-Soline sont bien considérées comme des "armes à feu" "relevant des matériels de guerre" dans le Code de la sécurité intérieure (CSI). Les grenades lacrymogènes, dont la grenade modulaire 2 effets lacrymogènes (GM2L), utilisée depuis l'interdiction de la controversée GLI-F4, ainsi que les grenades à main de désencerclement (GMD), qui projettent des morceaux de caoutchouc, sont classées dans la catégorie A2 des armes, celle des "matériels de guerre"

Les lanceurs de grenade de 56 mm, utilisés pour propulser les grenades lacrymogènes, sont classés dans cette même catégorie depuis une décision du Conseil d'Etat en juillet 2022, suivie d'un arrêté publié au Journal officiel. Il s'agit des lanceurs Cougar et Chouka, commercialisés par la société Alsetex, comme l'avait signalé sur Twitter le journaliste David Dufresne, spécialisé dans les violences policières.

 

Les lanceurs de balles de défense (LBD) de 40×46 mm et leurs munitions sont également classés dans la catégorie A2 par le Code de la sécurité intérieure. Depuis le début de la mobilisation des "gilets jaunes", de nombreuses voix, dont celle du Défenseur des droits, ont réclamé l'interdiction du LBD, accusé d'être à l'origine des blessures graves de dizaines de manifestants. Comme l'avait relevé le Canard enchaîné en avril 2019, les LBD sont par ailleurs vendus sous la catégorie "matériel de guerre" lorsqu'ils sont exportés.

Quelques heures après l'avoir démenti en conférence de presse, Gérald Darmanin a reconnu dans l'émission "C à vous" sur France 5, qu'il y avait bien "eu deux lanceurs de LBD" depuis "ces quads utilisés pour envoyer des grenades lacrymogènes pour repousser les personnes". "C'est totalement proscrit. Ces gendarmes seront suspendus", a assuré le ministre de l'Intérieur. L'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) a été saisie et devra déterminer si ces tirs ont eu lieu sous état de légitime défense ou s'il s'agit de comportements inappropriés.

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