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Scandale dans les Ehpad Orpea : on vous résume les actions en cours contre le groupe

Alors qu'une nouvelle plainte a été déposée par deux aides-soignantes contre Orpea, familles et syndicats s'apprêtent également à poursuivre le groupe de maisons de retraite privées. De son côté, le gouvernement a lancé deux enquêtes, administrative et financière. 

Article rédigé par franceinfo
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Une résidente d'un Ephad marche dans un couloir de l'établissement, le 31 décembre 2020 à Excideuil (Dordogne).  (ROMAIN LONGIERAS / HANS LUCAS / AFP)

Les recours se multiplient contre le groupe Orpea, leader mondial des Ehpad et cliniques privés. Selon les informations de franceinfo mardi 8 février, deux aides-soignantes ont porté plainte contre le groupe pour "faux et usage de faux". Une troisième devrait prochainement porter plainte.

Ces actions en justice font suite aux révélations sur les mauvaises conditions de vie des personnes âgées résidentes, exposées dans le livre Les Fossoyeurs, écrit par Victor Castanet et paru fin janvier. Selon cette enquête de trois ans, les soins d'hygiène dans des établissements du groupe Orpea, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents sont "rationnés" par souci de rentabilité.

Depuis le début du scandale, le groupe a mandaté les cabinets indépendants Grant Thornton et Alvarez & Marsal pour "évaluer en toute indépendance les allégations publiées" dans ce livre-enquête. Le directeur général depuis plus de dix ans, Yves Le Masne, a été révoqué le 30 janvier. Mais cela n'a pas dissuadé de nombreuses initiatives extérieures. Contôles, plaintes, enquêtes... Franceinfo fait le point sur les actions lancées et celles en préparation.

Un établissement visé depuis 2020 par une plainte pour "homicide involontaire"

La résidence Orpea Les Bords de Seine de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) est déjà visée par une enquête préliminaire ouverte en 2020 par le parquet de Nanterre, après un dépôt de plainte pour des faits d'"homicide involontaire" concernant une résidente. La plainte est intervenue entre mars et avril 2020, après la mort d'une résidente.

Dans Les Fossoyeurs, Victor Castanet décrit de mauvaises pratiques courantes dans cet établissement de Neuilly, commune privilégiée limitrophe de Paris. Vendredi 28 janvier, cet Ehpad a fait l'objet d'une inspection diligentée par l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France et le conseil départemental des Hauts-de-Seine. Le 31 janvier, le groupe indiquait à l'AFP "ne pas avoir connaissance d'une telle plainte". 

Deux enquêtes administratives lancées par le gouvernement

Quelques jours après la publication des Fossoyeurs, les autorités ont par ailleurs ouvert, le 1er février, une double enquête administrative sur Orpea, confiée aux Inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF). Cette double procédure visant un groupe d'Ehpad privés dans son ensemble "est une première" selon Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'Autonomie auprès du ministre de la Santé. "Il faut taper fort pour montrer qu'on ne fait pas n'importe quoi" dans ce secteur, insistait-elle le 1er février, sur France Inter. 

L'ouverture d'une enquête pénale n'a pour l'instant pas été évoquée par le gouvernement. "Qu'il y ait des enquêtes administrative et financière, très bien", mais "pourquoi est-ce qu'il n'y a pas une enquête pénale ?" s'est désolé Bruno Retailleau, sénateur Les Républicains (LR) et conseiller de la candidate à la présidentielle Valérie Pécresse, le 1er février, également sur France Inter.

Pour l'instant, les contrôles seront privilégiés à l'enquête pénale. Les établissements du groupe feront l'objet de "contrôles inopinés" diligentés par les services de l'Etat, a précisé Brigitte Bourguignon"De plus, toutes les Agences régionales de santé (ARS) iront voir tous les établissements de ce groupe", s'est-elle engagée.

>> Scandale dans les Ehpad Orpea : six questions pour comprendre comment ces établissements sont contrôlés

Des familles de résidents préparent une action collective conjointe

Sur le plan judiciaire, des familles de résidents en colère s'apprêtent à lancer une action collective conjointe, en mars contre Orpea et en avril contre Korian, leader français gérant 298 maisons de retraite en France. Chaque plainte est autonome, mais en portant plainte simultanément, ces familles "entendent faire nombre, avoir du poids face à un géant", a expliqué leur avocate, Sarah Saldmann, contactée lundi par l'AFP. Selon les dossiers, les chefs d'infractions peuvent aller de la "mise en danger délibérée de la vie d'autrui, violence par négligence", à "homicide involontaire", en passant par "non-assistance à personne en danger".

Au total, l'avocate affirme avoir reçu 150 signalements de familles de maltraitance concernant Orpea, et une trentaine la semaine précédente pour Korian. "Mais je continue à recevoir des mails tous les jours", a-t-elle déclaré à l'AFP lundi. Ces messages visent des Ehpad privés ou publics, principalement Orpea, Korian et aussi, dans une moindre mesure, DomusVi, un autre groupe privé commercial d'Ehpad.

Une plainte pour "faux et usage de faux" déposée

Deux aides-soignantes ne travaillant pas pour Orpea ont déposé une plainte contre le groupe. Elles l'accusent d'avoir utilisé leurs noms pour multiplier des embauches en CDD. Les plaignantes affirme avoir été présentées comme salariées en contrat à durée indéterminée (CDI), mais qu'il fallait remplacer. L'entreprise a multiplié les CDD de remplacement, d'habitude réglementés dans les maisons de retraite comme dans toute entreprise. La technique aurait ainsi permis de "contourner la loi et de maquiller des recours semble-t-il abusifs aux CDD", a précisé mardi à franceinfo leur avocate, Sylvia Lasfargeas. Une troisième aide-soignante serait sur le point de se joindre à leur plainte. Mardi 8 février après-midi, Orpea n'avait pas commenté ces annonces. 

Trois syndicats projettent de porter plainte pour "discrimination syndicale"

Les syndicats CGT, la CFDT et FO ont annoncé vendredi 4 février vouloir porter plainte contre le groupe d'Ehpad privés Orpea. La publication du livre-enquête Les Fossoyeurs aurait confirmé "des soupçons sur des agissements inacceptables de la direction" de longue date, a expliqué à l'AFP Guillaume Gobet, responsable CGT et ancien cuisinier à Orpea.

La plainte doit être déposée avant la fin du mois et viserait des chefs de "discrimination syndicale" et "d'entrave à l'activité syndicale", selon Guylain Cabantous, un autre responsable de la CGT. Selon les élus, le groupe s'appuierait sur un syndicat "maison" à ses ordres, baptisé Arc-en-Ciel, ainsi que sur l'Unsa, qu'ils estiment inféodés à la direction. Le syndicat Arc-en-Ciel "empêche les autres organisations syndicales de pouvoir défendre correctement les salariés, ce qui dévoie le rôle même des représentants du personnel", déplore Guillaume Gobet.

Or, "tout salarié qui va revendiquer ses droits, ou tout comportement susceptible de nuire à la rentabilité de l'entreprise, comme par exemple réclamer des protections supplémentaires pour les résidents, court le risque d'être sanctionné", explique Guillaume Gobet. Avant d'alerter : "Si un salarié convoqué en vue d'une sanction est défendu par la CGT, il est automatiquement licencié." 

Indépendamment des plaintes qui pourraient être déposées prochainement au pénal, la CGT avait d'ailleurs déjà entamé, avant même la parution des Fossoyeurs, une procédure judiciaire au civil pour "contester la représentativité et donc la légitimité" du syndicat Arc-en-Ciel, a expliqué Etienne Margot-Duclot, l'avocat en charge de ce dossier. En première instance, la CGT a été déboutée par le tribunal judiciaire de Nanterre, mais l'affaire doit être examinée dans les mois à venir par la cour d'appel de Versailles.

Une autre plainte pour harcèlement, dont auraient été victimes les élus CGT de la part de la direction, pourrait être déposée, selon Apolline Cagnat, l'avocate en charge du dossier au pénal. La CFDT et FO envisagent une démarche juridique similaire, mais séparée, selon leurs représentants au sein d'Orpea. Le groupe n'a pour l'instant pas pris publiquement la parole sur ces sujets.

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