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Scandale dans les Ehpad Orpea : six questions pour comprendre comment ces établissements sont contrôlés

Les révélations du livre-enquête "Les Fossoyeurs" sur les conditions de vie des résidents dans des établissements du groupe Orpea interrogent sur l'efficacité des inspections menées par les autorités.

Article rédigé par franceinfo
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Une personne âgée dans un Ehpad d'Excideuil (Dordogne), le 31 décembre 2021. (ROMAIN LONGIERAS / HANS LUCAS / AFP)

Après les révélations du livre-enquête du journaliste Victor Castanet, Les Fossoyeurs, sur les conditions de vie des résidents de certains Ehpad du groupe Orpea, la ministre déléguée chargée de l'Autonomie des personnes âgées a annoncé mardi 1er février sur France Inter le déclenchement d'une "double enquête", confiée aux inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF). Brigitte Bourguignon a aussi promis des "contrôles inopinés", diligentés par les services de l'Etat, dans les établissements d'Orpea.

Mais les "pratiques et dysfonctionnements graves et intolérables" dénoncés par la ministre posent aussi la question de l'efficacité des contrôles ordinaires, décidés par la puissance publique, dans les Ehpad.

1Qui inspecte les Ehpad ?

Les contrôles dans les Ehpad peuvent être décidés par trois autorités différentes, conformément au Code de l'action sociale et des familles : le préfet, qui représente l'Etat dans le département où l'établissement est implanté, le conseil départemental ou l'agence régionale de santé (ARS).

Ces contrôles peuvent aussi bien porter sur les conditions d'accueil des résidents, l'hygiène, la qualité des soins médicaux que sur l'entretien des chambres, le respect des règles sanitaires dans la restauration ou sur l'emploi d'un personnel qualifié. Les inspections peuvent également viser des aspects économiques, comme le respect des contrats, des tarifs ou la conformité des comptes.

2Dans quels cas des contrôles sont-ils effectués ?

Les contrôles peuvent être déclenchés après des signalements ou par autosaisine. Par exemple, ils "sont possibles sur des événements indésirables comme des fugues, des tentatives de suicide ou une déficience de sécurité", explique le conseil départemental de l'Aisne à France 3 Hauts-de-France.

Des visites peuvent aussi être organisées "pour vérifier la conformité des équipements en vue de l'agrément de l'établissement" et contrôler "le respect des droits des usagers, la bonne mise en place d'animations et liens sociaux".

3Que se passe-t-il lorsqu'une défaillance est constatée ?

Après un contrôle, "un rapport d'inspection provisoire est établi par l'ARS dans lequel des recommandations sont adressées à l'établissement qui a un délai de réponse pour expliquer comment il va agir et ce qu'il va modifier pour exécuter les recommandations", explique le ministère de la Santé au Figaro.

L'Ehpad doit déterminer un plan d'action avec l'ARS, qui s'assure ensuite de sa mise en œuvre, assure le ministère au Figaro. Lorsque les contrôles sont menés au nom des conseils départementaux, la procédure est comparable.

Dans un rapport publié en avril 2021 (PDF), le Défenseur des droits estime qu'en cas de défaillance, "la sécurité des résidents doit pouvoir conduire à la fermeture de l'établissement ou du service". Or, déplore-t-il, "qu'il s'agisse du retrait ou du non-renouvellement de l'autorisation, ou encore du retrait de l'habilitation, ces mesures demeurent rares".

4Ces contrôles sont-ils fréquents ?

Selon le Défenseur des droits cité dans le Figaro, sur les années 2017, 2018 et 2019, il n'y a eu que 3 à 50 contrôles annuels, selon les régions. Dans les Hauts-de-France, région qui compte 568 Ehpad, l'ARS a reçu 1 230 signalements et mené 90 inspections depuis 2018.

Ce faible nombre de contrôles est confirmé par le témoignage de l'ancien directeur médical de Clinéa, filiale du groupe Orpea, interrogé par Victor Castanet. L'ancien cadre du groupe raconte que durant les huit ans qu'il a passés chez Orpea, il "n'a eu à gérer qu'une dizaine de contrôles tout au plus pour la cinquantaine de cliniques qu'il supervisait".

"La dernière fois qu'on a eu un contrôle, c'était il y a quelques années", témoigne aussi sur franceinfo Siham Touazi qui travaille depuis 12 ans dans l'Ehpad du Château de Neuville (Val-d'Oise).

5 Ces inspections sont-elles inopinées ?

En plus d'être peu fréquents, les contrôles sont rarement effectués par surprise. "Il y a encore trop peu de contrôles inopinés", a reconnu lundi Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, syndicat des Ehpad privés. "Cette crise met en avant la nécessité de revoir urgemment les systèmes de contrôle et d'évaluation de la qualité en Ehpad", a estimé la dirigeante syndicale. "Ce sont les établissements eux-mêmes qui rémunèrent un cabinet d'audit pour les évaluer, et les résultats sont transmis à l'agence régionale de santé et aux départements, a-t-elle expliqué. Il faudrait plutôt une vraie procédure de certification, menée directement par la Haute Autorité de santé, comme pour les cliniques."

"En général, on est prévenu des mois avant. Tout est briqué, nettoyé et organisé pour recevoir convenablement ledit contrôle", abonde sur franceinfo Siham Touazi. Dans son livre, Victor Castanet relève que même après une plainte d'une famille ou d'un pensionnaire, le directeur de l'établissement inspecté était "en général, prévenu par les autorités de contrôle un mois et demi ou deux mois à l'avance, et le groupe avait donc tout le temps de préparer le contrôle à venir." Ce qui lui permettait, le jour J, de changer "les plannings" et de "refaire" des contrats pour ne pas être inquiété, précise l'auteur sur le plateau de "C Politique", dimanche 30 janvier.

6 Les autorités de santé ont-elles les moyens de contrôler plus les Ehpad ?

Dans son rapport, le Défenseur des droits pointe également "l'insuffisance de moyens au sein de ces entités". "Les effectifs des agences régionales de santé et des conseils départementaux sont trop faibles pour effectuer des contrôles très nombreux", confirme Luc Broussy, directeur du Mensuel des maisons de retraite, sur BFM TV.

Dans son livre, Victor Castanet raconte sa rencontre avec un ancien directeur d'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de la région Midi-Pyrénées. Ce dernier fait état de seulement "deux inspecteurs" pour le département du Tarn-et-Garonne.

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