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"Je suis restée comme une idiote" : lors de son interrogatoire, Monique Olivier euphémise sa participation aux crimes de Michel Fourniret

L’accusée de 75 ans a été interrogée mardi pour la première fois sur les faits, lors de son procès devant les assises des Hauts-de-Seine. Elle a apporté peu de précisions sur les meurtres de Marie-Angèle Domèce et Joanna Parrish.
Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Monique Olivier lors de son interrogatoire devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine, à Nanterre, le 5 décembre 2023. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCE TELEVISIONS)

Monique Olivier n'aime pas les mots "cadavre", "gamine" ou "éjaculer". "Ce n'est pas mon vocabulaire", explique l'accusée de 75 ans devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine, à Nanterre, mardi 5 décembre. A l'occasion de son premier interrogatoire, l'ancienne épouse de Michel Fourniret, jugée depuis une semaine pour complicité dans les affaires Marie-Angèle Domèce, Joanna Parrish et Estelle Mouzin, préfère les termes de "corps", "jeune fille" ou "partir trop vite". Avec elle, les "victimes" deviennent les "témoins" de leur propre agonie. "C'est pour qu'elles ne parlent pas" après avoir "profité" d'elles que son ex-mari, dont la mort en mai 2021 l'a laissée seule dans le box, les faisaient "disparaître". Les "violait" et les "tuait", corrige le président de la cour, Didier Safar.

Euphémisme défensif, stratégique, fausse pudeur ou question de "génération", comme elle l'avait glissé lors de fouilles pour retrouver un corps ? Pendant plusieurs heures, un décalage abyssal est apparu entre les mots choisis par Monique Olivier et l'horreur des faits dont il est question. L'accusée, voûtée dans le même grand sweat blanc qu'elle porte depuis le début des audiences, se réfugie régulièrement derrière sa mémoire "embrouillée" et sa difficulté à se "souvenir de tous les détails". Elle "confond" et "fait des mélanges" entre les victimes, tant la liste est longue, et sans doute incomplète.

"J'écoutais ce qu'il me demandait de faire"

S'agissant de Marie-Angèle Domèce, disparue à l'âge de 19 ans le 8 juillet 1988, Monique Olivier confirme à demi-mot, guidée par les questions du président, le terrible et habituel scénario : la jeune fille repérée par Michel Fourniret dans le village de l'Yonne où ils habitaient, Saint-Cyr-les-Colons, "l'accostage" quelques jours plus tard avec son épouse comme "appât", enceinte de sept mois, et la Peugeot 304 qui "emprunte un chemin de terre".

Monique Olivier affirme ne pas avoir assisté à la suite : "Il m'a demandé de descendre de la voiture, de m'éloigner, pour que je n'assiste pas à ce qu'il allait faire". Le tueur en série, qui en est à son troisième meurtre, lui confie tout de même qu'il n'a "pas obtenu ce qu'il voulait". Il n'a pas réussi à violer sa victime, qu'il a étranglée, "à mains nues". Quant à l'enfouissement du corps, qui n'a jamais été retrouvé, l'accusée rassemble le peu de vigueur qui la caractérise pour assurer qu'elle n'y a pas assisté.  

"Si je savais où il était, je le dirais. Pourquoi je ne le dirais pas ? Par méchanceté ? Je vais mourir en prison, pourquoi je ne le dirais pas ?"

Monique Olivier

devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine

Monique Olivier ne peut pas en dire autant pour Joanna Parrish, une étudiante anglaise de 20 ans retrouvée morte près de deux ans plus tard, le 17 mai 1990, à Monéteau, une autre commune de l'Yonne. Confirmant que Michel Fourniret a répondu à une annonce pour des cours d'anglais pour leur fils, alors âgé de 1 an et demi, elle admet l'avoir accompagné au rendez-vous, "peut-être en ville", à Auxerre, "peut-être" après 19 heures. Monique Olivier assure être restée dans "la C15", une fourgonnette, pendant que Michel Fourniret violait la jeune femme avant de la tuer. Pourquoi être restée cette fois ? La réponse est bredouillée : "Il m'avait pas demandé de descendre. Bêtement, j'écoutais ce qu'il me demandait de faire. Je suis restée comme une idiote."

"Je ne peux pas dire que je participe"

A l'écouter, Monique Olivier entend à peine un peu de "bruit" à l'arrière du véhicule, Joanna Parrish a crié, "mais pas longtemps", sous les coups des "grosses mains" de Michel Fourniret. L'accusée mime sur son visage. La cour tente de se représenter l'irreprésentable : "Ça se passait derrière vous, à quelques centimètres." "Je sais que c'est à peine pensable de dire ça", concède l'intéressée. Que se passe-t-il dans sa tête à ce moment-là, lui demande une assesseure. Monique Olivier fait des allers-retours entre le passé et le présent : "J'ai comme un genre de peur. Je regrette ce qu'il se passe en ce moment, enfin dans les faits."

"Je l'ai entendue crier un peu, je ne suis pas intervenue. Maintenant, je regrette. C'est trop tard de dire ça."

Monique Olivier

devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine

"Vous n'êtes pas mise devant le fait accompli par Michel Fourniret, oppose un autre assesseur. Vous savez ce qu'il va se passer, vous êtes active. 'Je suis restée comme une idiote', excusez-moi, mais ce n'est pas une réponse satisfaisante." "La réponse n'est pas bonne, oui, effectivement", répond laconiquement Monique Olivier. "Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, il n'y a que la vérité", encourage le président. L'accusée tente une autre explication : "Je ne peux pas dire que je participe. Il me demande de le faire. Je ne le fais pas par plaisir, c'est comme une obéissance."

La vérité, elle, prend des chemins détournés au cours de l'audience. Et évolue au fil de l'interrogatoire. Alors que Monique Olivier se dit persuadée que Joanna Parrish a été violée et tuée "dans le C15", elle hésite : "Vous me mettez dans le doute, je ne sais plus." Face aux questions de l'avocate générale, elle admet que la jeune femme a finalement peut-être été conduite à leur domicile de Saint-Cyr-les-Colons. "Vous vous souvenez du nombre de meurtres ?", interroge le parquet. "Il y en a tellement eu que je ne préfère pas..." Et des noms ? Monique Olivier s'embrouille. Et des visages ? "Quel est celui qui vous a le plus marquée ?", demande l'accusation. Elle saisit la perche : "Celui qui m'a le plus marquée, c'est celui de tout à l'heure."

"Monique Olivier est insondable"

Ce visage, c'est celui de Joanna Parrish. L'avocat des parties civiles, Didier Seban, a demandé à faire projeter la photo de la jeune femme, souriante, puis a montré à Monique Olivier deux images d'autopsie de son visage tuméfié. L'accusée a chaussé ses lunettes et regardé attentivement les images. "Je regrette vraiment. Quand on voit la belle fille que c'était... A cause de moi, elle est partie. Elle ne méritait pas ça, je suis désolée. Je ne sais pas comment vous dire, c'est impardonnable." Quelques instants plus tard, elle ne se souviendra plus de son nom.

Entendue à la fin de la journée, la juge d'instruction Sabine Khéris, considérée comme la magistrate qui est parvenue à faire parler Michel Fourniret et Monique Olivier dans ces trois affaires, a décrit à la barre "l'esprit d'escalier" de l'ex-femme de l'ogre des Ardennes. "Il faut du temps à Monique Olivier pour se libérer. Quand je lui disais : 'Qu'avez-vous à perdre ?', elle me répondait : 'Finalement, je ne me comprends pas moi-même'. Madame Olivier est insondable." Et la magistrate de s'interroger : "Je pense qu'elle est allée jusqu'où elle pouvait aller. Est-ce qu'elle peut aller plus loin ?" La cour d'assises a encore quelques jours pour répondre à cette question.

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